Chapitre VIII du livre « Aperçus sur l’ésotérisme chrétien »
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LIEN
« Nous voulons parler de la signification originelle du mot «
mythe » lui-même. On regarde communément ce mot comme synonyme de « fable », en
entendant simplement par là une fiction quelconque, le plus souvent revêtue
d’un caractère plus ou moins poétique. Il semble bien que les Grecs, à la
langue desquels ce terme est emprunté, aient eux-mêmes leur part de
responsabilité dans ce qui est, à vrai dire, une altération profonde et une
déviation du sens primitif ; chez eux, en effet, la fantaisie individuelle
commença assez tôt à se donner libre cours dans toutes les formes de l’art,
qui, au lieu de demeurer proprement hiératique et symbolique comme chez les
Égyptiens et les peuples de l’Orient, prit bientôt par là une tout autre
direction, visant beaucoup moins à instruire qu’à plaire, et aboutissant à des
productions dont la plupart sont à peu près dépourvues de toute signification
réelle ; c’est ce que nous pouvons appeler l’art profane. Cette fantaisie
esthétique s’exerça en particulier sur les mythes : les poètes, en les
développant et les modifiant au gré de leur imagination, en les entourant d’ornements
superflus et vains, les obscurcirent et les dénaturèrent, si bien qu’il devint
souvent fort difficile d’en retrouver le sens et d’en dégager les éléments
essentiels, et qu’on pourrait dire que finalement le mythe ne fut plus, au
moins pour le plus grand nombre, qu’un symbole incompris, ce qu’il est resté
pour les modernes.
Mais ce n’est là que l’abus ; ce qu’il faut considérer, c’est que le
mythe, avant toute déformation, était proprement et essentiellement un récit
symbolique. » Guénon, "Mythes et symboles"