lundi 21 janvier 2019

GILIS : La Papauté contre l'islâm : MARIE


Reproduction du livre de Abd Ar-Razzâq Yahyâ (Charles-André Gilis) : La Papauté contre l’islâm, chapitre V, partie 2.

Le livre est disponible ici :


Sommaire du livre :
(les chapitres en rouge sont ceux qui ont été reproduits sur Acta)

V. Nostra Aetate, et l’islâm.
 - Le Verbe de Dieu
 - Marie
 - La question de la prophétie
VI. L’excellence du dernier.
VII. Les origines du christianisme.
 - L'échec de la mission du Christ
 - Une adaptation providentielle
 - Les faiblesses de la religion chrétienne
VIII. Une alliance contre nature.
IX. Naissance d’une contre-doctrine.
X. La question du terrorisme.
XI. Une preuve par omission.
XII. La « prophétie des papes »


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Marie

Si brève qu’elle soit, la mention de « Marie mère virginale de Jésus » que les « musulmans honorent » exprime, mieux que tout autre passage de Nostra Aetate, l’affinité spirituelle du christianisme avec l’islâm. Il distingue ainsi l’islâm de toutes les autres religions, et aussi des formes déviées de la tradition chrétienne qui constituent le protestantisme. Ce que dit la déclaration est peu de chose ; mais c’est assurément mieux que rien.

La vérité est que la doctrine de l’islâm sur Marie est identique à celle de l’Église catholique, non seulement sur la question de la maternité virginale, mais aussi sur celle de l’Immaculée Conception : le Coran place dans la bouche de la mère de Maryam cette parole : « …, et moi, je la mets sous Ta protection contre Satan », (Coran, 3, 36).

De manière plus précise encore, il est dit dans un hadith prophétique : « Tout fils d’Adam nouveau-né est touché par Satan, à l’exception du Fils de Marie, et de sa mère ».
Cette affinité, plus profonde qu’il ne paraît, aurait dû conduire l’Église, dans la situation de faiblesse où elle est placée aujourd’hui, à se rapprocher de l’islâm plutôt qu’à rechercher l’appui du judaïsme, et a fortiori du sionisme, car il ne s’est jamais trouvé aucun juif orthodoxe pour reconnaître la maternité virginale de celle que le cardinal Ratzinger se plaisait à appeler : « la Fille de Sion ».
Depuis un demi-siècle, l’Église ne cesse de proclamer son héritage judaïque en oubliant que le christianisme, tout comme l’islâm, implique une rupture avec la Loi de Moïse. Cet oubli est pour elle d’autant plus dommageable que c’est la référence à Marie, et non au dogme de « l’unique Seigneur Jésus-Christ », qui permettrait à l’Église d’affirmer sa catholicité, c’est-à-dire son universalité, pour une raison que nous avons déjà évoquée : Marie est la « servante du Seigneur », la servante par excellence, ce qui indique une similitude annonciatrice de la fonction du Prophète de l’islâm.


Ce caractère servitorial est lié au symbolisme du voile. Selon Michel Vâlsan :
« La Réalité muhammadienne constitue le mystère du Verbe suprême, et universel, car elle est en même temps la Théophanie intégrale, (de l’Essence, des Attributs, et des Actes), et son occultation sous le voile de la Servitude absolue et totale ».
C’est parce qu’elle est la servante parfaite que Marie est toujours voilée, aussi bien dans ses apparitions que dans les représentations de l’Art sacré, notamment celui des icônes. Comme elle est, par ailleurs, le modèle de toutes les vertus, l’Église aurait été bien inspirée de reconnaître que l’attachement islamique au port du voile pouvait constituer un exemple pour les femmes catholiques.

Les querelles, et les résistances modernes sur ce point sont révélatrices d’un état d’esprit antitraditionnel. Ibn Arabî enseigne que le statut subordonné de la femme exprime, non pas un abaissement, mais au contraire sa supériorité spirituelle sur l’homme qui, créé directement à l’image de Dieu, a tendance à oublier sa servitude, et à se poser en rival de son Créateur (1). Toute forme traditionnelle est fondée sur une alliance impliquant une soumission à la volonté divine ; c’est ce qu’indique parfaitement le terme « islâm » qui apparaît, par là même, comme une désignation de la Tradition universelle. Au lieu de reconnaître cette signification traditionnelle du voile de Marie, l’Église, sur cette question comme sur beaucoup d’autres, donne l’impression de suivre l’air du temps et, sans doute pour mieux se démarquer de l’islâm, d’encourager les femmes catholiques, en particulier les souveraines, à se montrer tête nue ailleurs qu’au Vatican.
L’enseignement de saint Paul est cependant fort clair, et semblable à celui de l’islâm :

« Femmes, soyez soumises à vos maris, comme il se doit dans le Seigneur », (Col., 3, 18) ; « Je ne permets pas à la femme d’enseigner ni de faire la loi à l’homme. Qu’elle se tienne tranquille. C’est Adam en effet qui fut formé le premier, Eve ensuite, et ce n’est pas Adam qui se laissa séduire », (Timothée, 2, 12-13).

La référence à la sainteté de Marie constitue de nos jours un critère sûr de la fidélité traditionnelle. Si l’Église catholique avait été parfaitement sincère dans sa manière de reconnaître que l’islâm partage avec elle la vénération de la Vierge Marie, si la papauté contemporaine avait assumé le sens de la devise Totus Tus dans toute sa plénitude (2), nous n’aurions eu aucune raison d’entreprendre la présente étude ; mais il faut bien constater que la déclaration conciliaire n’est plus mentionnée aujourd’hui que par référence à Auschwitz. Le passage sur l’islâm, si imparfait qu’il soit, est devenu lettre morte car ceux qui ont manipulé l’Église ont obtenu ce qu’ils voulaient en la rendant complice d’une entreprise de subversion qui se déploie désormais sous nos yeux dans toute son ampleur.

1 – Cf. La Petite fille de neuf ans, p. 57-60.
2 – Le pape qui avait adopté cette devise est aussi celui qui a reconnu l’Etat juif. Quelle incohérence !

Marie occupe une place éminente dans les doctrines de l’ésotérisme chrétien, comme le montre éloquemment l’œuvre de Dante. À l’heure où l’idée de religion est avilie en Occident au point d’apparaître comme un simple prolongement de la théologie, et de la raison, la référence à l’ésotérisme est devenue nécessaire pour préserver l’essence traditionnelle de la religion : c’est là le sens de l’extériorisation actuelle d’enseignements demeurés cachés durant des siècles ; extériorisation que la forme islamique préfigure : c’est par là qu’elle apparaîtra comme le support privilégié de la manifestation du Centre suprême à la fin des temps.

Il faut y insister : les doctrines ésotériques ne doivent pas être considérées comme un complément accessoire de la religion, et de la théologie ; encore moins comme les spéculations de savants prétentieux qui méconnaîtraient la simplicité, et les vertus de la foi.


L’ésotérisme est une science de la Voie, de la Vérité, et de la Vie, qui constitue le cœur, (le Sacré-Cœur véritable), du catholicisme comme de toute autre forme traditionnelle régulière. Son mode de connaissance est l’évidence, autrement dit une intuition intellectuelle non livresque : c’est parce que celle-ci a été volontairement bannie de la mentalité moderne que les livres sont devenus aujourd’hui le seul moyen qui puisse encore rendre témoignage, autant que faire se peut, de leur existence, de leur légitimité, et de leur nécessité incontournable. Les modernes sont des aveugles qui professent que leur cécité est le signe de leur avantage, et de leur excellence !

Marie est l’essence du mystère trinitaire : c’est là la signification la plus haute du voile qu’elle porte, et qui en est la figure.
Marie est « fille du Père » par son Immaculée Conception, mère du Fils, épouse du Saint-Esprit. Le symbolisme des liens de parenté est ici fondamental puisqu’il est dit du Fils qu’il est « engendré » par le Père ; toutefois, il doit être transposé au degré principiel : si les fonctions propres des trois Personnes divines sont éminemment significatives, elles ne doivent pas occulter l’unité métaphysique dont elles procèdent ; comme toute doctrine principielle, la Trinité chrétienne n’est qu’une formulation particulière du tawhîd.

Au sein de la Sainte Trinité, c’est le Saint-Esprit qui réalise l’unité du Père, et du Fils, ce qui met fin à leur dualité apparente.
En islâm, cet aspect est exprimé par le nom divin al-Witr, (c’est-à-dire, « l’Impair »).
L’imparité n’est pas l’unité principielle qui est « sans associée » ; elle exprime l’unité envisagée en tant qu’elle met fin à une similitude. Selon un hadith : « Allâh est Witr, et Il aime la Witr » : Il est Witr par Son Essence qui est sans pareille ; et Il aime le Witr par Son Esprit qui est Amour ; de là, la Trinité chrétienne est fondée sur l’Amour.
« Vive Dieu Saint Amour » est une devise typique d’une initiation chrétienne, tout comme le nom des « Fidèles d’Amour ». D’autre part, si l’on envisage l’ensemble formé par les trois Personnes, c’est Marie qui figure l’Unité suprême, celle qui est inexprimable ou qui ne peut être exprimée que par des expressions négatives, comme celle de « non-dualité ».

Dans le cas particulier du christianisme, où la doctrine prend appui sur les notions d’engendrement, et d’amour, c’est l’expression « non-trinité » qui conviendrait plutôt. Certes, elle ne semble pas avoir été jamais employée ; néanmoins c’est elle qui permet de comprendre la raison d’être de ces mystérieuses relations d’engendrement antithétiques dont la plus célèbre est formulée dans le vers : « Ô Vierge mère, et fille de ton fils » par lequel débute le dernier chant du Paradis de Dante. À ce degré, la relation particulière que Marie assume avec chacune des trois Personnes divines, (fille, mère, épouse), perd toute signification propre, la notion même de détermination positive n’étant plus applicable.

C’est par la médiation de Marie que la doctrine trinitaire envisagée en tant que formulation du tawhîd peut être intégrée à l’islâm ; ce qui implique que cette doctrine soit interprétée régulièrement, c’est-à-dire à la lumière de l’Unité principielle.
Si la subordination de la Sainte Trinité au tawhîd n’est pas reconnue, si la qualité divine est attribuée de facto au « seul Seigneur Jésus-Christ », l’enseignement du christianisme devient hétérodoxe.
À plusieurs reprises, nous avons cité en exemple le propos de Jacques-Albert Cuttat, ce musulman renégat qui, pour montrer « la véritable cécité de René Guénon à l’égard de la Personne divino-humaine du Christ » en venait à déclarer que « pour le Chrétien, Dieu est la personne absolue et, dès lors, identique à son Fils incarné ».
René Guénon est le représentant par excellence du tawhîd universel. En s’attaquant à lui au nom d’une conception anti-islamique du christianisme, il professait une doctrine hérétique, tant aux yeux de l’islâm que du point de vue de l’enseignement chrétien.

Le Symbole des Apôtres qui définit la foi catholique est avant tout une expression mariale de la foi, car Marie est la « Reine des Apôtres »; c’est donc aussi une profession doctrinale fondée sur l’unité :
« Je crois en un seul Dieu, (unum Deum), un seul Seigneur, (unum Dominum), une seule Église, (unam Eccleesiam), un seul Baptême, (unum Baptisma). » Le Père, le Fils, et le Saint-Esprit sont successivement mentionnés, mais ne sont envisagés, ni en tant que Personnes, ni dans une perspective trinitaire.


C’est à tort que M. Giraud, dans un texte typique des confusions habituelles chez les collaborateurs de Science sacrée (3), affirme qu’« une première division naturelle (?) en trois parties du Credo fait référence aux trois Personnes de la Trinité » en invoquant pour seul argument que « le Credo est avant tout un symbole baptismal, car le rite du baptême est donné au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit » ; ce n’est assurément pas le seul !
Il ne s’agit nullement d’une « division naturelle », mais bien d’un point de vue limitatif qui est celui de la théologie. La division véritable est d’ordre métaphysique, (elle est donc « surnaturelle » par définition), et initiatique (4).

Le Symbole des Apôtres ne débute pas par les mots : Credo in Patrem omnipotentem, (Je crois au Père Tout-Puissant) ; mais bien par : « Credo in unum Deum, Patrem omnipotentem, (je crois en un seul Dieu, Père Tout-Puissant).
Le Père exprime l’unité au degré de la métaphysique pure, le Fils au degré de la Seigneurie universelle qui est celui de la Lumière, et de la Réalité actuelle, (wujûd) : c’est le degré du Verbe ou de l’Homme Universel envisagé comme intermédiaire entre le principe, et la manifestation ; c’est pourquoi l’unité est mentionnée deux fois à son sujet : Filium Dei unigenitum indique son union avec le principe divin, unum Dominum sa fonction seigneuriale à l’égard de l’ensemble de l’univers manifesté.

Quand le Saint-Esprit est mentionné à son tour, il n’est dit de Lui, ni qu’Il est Dieu, ni qu’Il est unique, mais seulement qu’il est seigneur, sans que soit précisé comment cette qualification doit être comprise au sein de l’unique seigneurie qui est celle de Jésus-Christ. L’unité n’est pas mentionnée à son sujet, car elle est inhérente à son essence propre. Il fallait préciser que Dieu est un parce que les doctrines polythéistes conçoivent une pluralité de dieux, et de fonctions divines ; c’est là aussi un des sens de la profession de foi islamique lâ ilâha illa Allâh.
Il fallait préciser aussi que le Verbe de Dieu est l’unique Seigneur du fait de la multitude des « seigneurs » qui régissent, et dominent le monde.
En revanche, il n’était pas nécessaire de dire expressément que l’Esprit est un, car il est l’unité elle-même. En doctrine chrétienne, le Père, et le Fils sont envisagés dans l’unité du Saint-Esprit et, selon la révélation islamique, c’est l’Esprit universel qui proclame le tawhîd ; tel est le sens des hadiths :

« J’étais prophète alors qu’Adam était entre l’eau, et l’argile » et « la meilleure parole que j’ai dite, moi, et les prophètes qui m’ont précédé, c’est lâ ilâha illa Allâh ».

3 – Cf. le deuxième cahier (n° 3-4), p. 63.
4 – L’affirmation de M. Giraud est d’autant plus surprenante que les autres confusions qu’il commet vont plutôt en sens inverse, puisqu’il parle de la « Révélation du Symbole » (cf. p. 71 ; c’est nous qui soulignons) et qu’il considère ce texte comme l’équivalent d’un mantra ou d’un dhikr ! Le comble est que l’auteur justifie l’emploi du terme « révélation » en citant un texte selon lequel les formulations du Symbole auraient été élaborées « en rassemblant l’avis de chacun ». M. Giraud se présente ici comme l’inventeur d’un genre nouveau : la révélation collective issue d’un ensemble d’avis rassemblés. On a peine à comprendre que MM. Muhammad Vâlsan et Patrice Brecq (respectivement Directeur et Rédacteur en chef de la revue) aient pu donner l’imprimatur à une ineptie de cette taille !

Après l’unité de Dieu, et l’unité de la seigneurie, la troisième unité proclamée est celle de l’Église qui est dite : unam, sanctam, catholicam, et apostolicam Ecclesiam, (une, sainte, catholique, et apostolique).

Pour comprendre le sens de ces qualifications, il faut rappeler que « catholique » veut dire universel, et que le terme « apôtre » signifie envoyé (5).
Il est clair qu’aucune Église terrestre ne peut prétendre réunir ces qualités qui se rapportent en réalité au Centre initiatique du « monde de l’homme » où réside le « Verbe demeurant parmi nous », (Emmanuel), qui n’est autre que l’Esprit vivificateur.

Dans le Symbole des Apôtres, l’unité de l’Église exprime et reflète celle de l’Esprit Saint qui la dirige : celui-ci est « un » par son essence, « saint » par sa qualification, « catholique » par sa fonction universelle, « apostolique » parce que c’est Lui qui a « parlé par les prophètes ».
Ces qualifications sont également applicables à la Vierge Marie qui, unie au Saint Esprit, représente la réalité intemporelle de l’Église : Marie est « une » dans le mystère trinitaire, « pure » par son Immaculée Conception, « universelle » en tant que mère du Verbe éternel (6), « apostolique » en tant que mère du Verbe manifesté en ce monde, dont procède la mission des prophètes, et des envoyés divins. Selon les litanies qui la célèbrent, elle est l’Arche d’Alliance, la Reine des Apôtres, et des Prophètes, le Siège de la Sagesse.


La révélation muhammadienne est plus explicite encore, car il est dit de Maryam dans le Coran :

« Elle a ajouté foi dans les Paroles, (kalimât, qui signifie ici : révélations), de son Seigneur, et dans Ses Livres sacrés », (Coran, 66, 12).
De plus, selon la science islamique des nombres, celui formé par les lettres du nom « Maryam » a pour valeur 290 tout comme le vocable « rusul » qui désigne l’ensemble des envoyés divins. L’ishâra : rusul Allâh, Allâh apparaît ainsi comme doublement « mariale » : en tant qu’ishâra, et en tant qu’elle renferme le terme rusul (7).

5 – La doctrine islamique envisage deux catégories d’envoyés divins : ceux qui sont des anges et ceux qui sont des hommes. Dans le christianisme, deux termes signifient « envoyé » : angelus qui se rapporte à la première et apostolus qui se rapporte à la seconde.
6 – René Guénon a attesté cet aspect dans son étude sur Maya, tout en précisant qu’il n’avait pas été envisagé « expressément tout au moins » dans la tradition chrétienne ; cf. également Marie en islâm, p. 35.
7 – Cf. ibid., chap. II et VII.

Pour finir, le Symbole de Nicée mentionne une quatrième unité :
Confiteor unum baptisma in remissione peccatorum : « Je professe la doctrine d’un seul Baptême pour la rémission des péchés » dont la signification véritable relève, elle aussi, du domaine de l’initiation : selon les indications de la Traditions chrétienne, le Symbole apparaît, non certes comme une « révélation », mais comme un texte inspiré : il reflète la doctrine ésotérique initiale donnée par l’Esprit Saint aux « Douze » rassemblés autour de la Vierge Marie le jour de la Pentecôte (8).
Le baptême « unique » qu’il professe n’est pas le rite d’introduction à la religion chrétienne conféré « au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit » pour la raison simple qu’à ce moment le christianisme, en tant que forme distincte du judaïsme, n’existe pas encore : il ne naîtra qu’à Antioche, plusieurs années plus tard (9).

Littéralement, le baptême est une « immersion dans l’eau ». La Voie initiatique dans son ensemble, avec ses modalités diverses, et ses degrés, peut être considérée comme une purification des conditions limitatives de l’Existence ; le baptême « unique » est le rite qui figure cette purification tout comme, parmi les cinq fondements qui constituent la forme religieuse de l’islâm, c’est l’aumône légale qui symbolise la réalisation purificatrice, car le terme zakât est issu d’une racine qui signifie « purifier ».

8 – A titre documentaire, cf. Science sacrée, ibid., p. 70-71.
9 – Ce point semble avoir échappé à M. Giraud, apparemment plus proche du Catéchisme de l’Eglise catholique que de l’enseignement de René Guénon et de Michel Vâlsan.

L’aumône est à la fois une purification des biens sur lesquels elle est prélevée, et une purification de l’âme de celui qui s’en acquitte. Cette transposition est analogue à celle qu’il convient d’effectuer pour comprendre la signification du baptême mentionné dans le Symbole.
Le baptême véritable « pour la rémission des péchés » est une purification d’ordre initiatique ; il n’a pas pour but premier d’opérer le rattachement à la religion chrétienne.

De même, Ibn Arabî considère que, dans la zakât, la purification de l’âme est plus importante que la purification des biens. La zakât de l’âme est évoquée dans le passage coranique, (Coran, 91, 7-9) :
« Et par l’âme, et par Ce qui l’a harmonieusement disposée… Celui qui l’aura purifiée subsistera, (qad aflaha man zakkâ-hâ), » ; c’est-à-dire : celui qui aura purifié son âme demeurera éternellement, car c’est là le vrai sens du terme aflaha (10).
La signification initiatique de cette zakât de l’âme est attestée par un autre verset, (Coran, 53, 32) :
« Il vous connaît mieux que vous-mêmes, (Huwa a‘lamu bi-kum)… ne vous purifiez donc pas vous-mêmes, (fa lâ tuzakkou anfusa-kum) » ; c’est-à-dire : c’est uniquement l’Esprit Saint qui vous purifie ; et Il accomplit cette purification au moyen d’une « eau céleste » : «, et Nous avons fait descendre du Ciel une eau bénie », (Coran, 50, 9).
L’eau est un élément « passif » dont le symbolisme est féminin ; à ce point de vue également, il y a « union de l’Esprit, et de la Vierge ».

10 – On retrouve ce sens dans le rite de l’appel à la prière (adhân) : « Hayya ‘alâ-s-salât, hayya ‘alâ-l-falâh » (Allez à la prière, allez à ce qui vous assure la demeure éternelle), car la prière rituelle révèle et renforce le lien de l’être avec son Seigneur.


De même que Marie est associée au mystère trinitaire à tous les degrés qu’il comporte : principiel dans la Personne du Père, céleste dans la Personne du Fils, humain dans la Personne du Saint-Esprit qui régit l’Église une, et sainte ; de même, elle est associée à la réalisation initiatique au moyen de l’eau du « Baptême unique ».
René Guénon a indiqué cette signification de l’eau dans L’Homme, et son devenir (11) :
« Dans un sens supérieur, et par transposition, (l’eau), est la Possibilité universelle elle-même ; celui qui “naît de l’eau” devient “fils de la Vierge”, donc frère adoptif du Christ, et cohéritier du “Royaume de Dieu” ».

Il convient de mettre en lumière le sens islamique de cette indication : la passivité de l’eau lui permet d’épouser toutes les formes tout en n’étant conditionnée par aucune.
C’est là une image de la Servitude parfaite qui exprime la réalisation suprême en islâm. Par-là est confirmé une fois de plus le lien nécessaire entre l’universalité de la forme islamique, et la fonction du « serviteur d’Allâh », (‘abd Allâh), qui permet de reconnaître, et d’intégrer l’esprit de toutes les formes traditionnelles antérieures.

11 – Cf. chap. XX.


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