Voilà le dernier article qui sera consacré à cette "série"...
En espérant qu'elle vous aura aidés vous aussi, à y voir plus clair sur les manipulations dont nous sommes, pour la plupart, les victimes, et à reconnaître le seul cheminement valable pour nous sortir du conditionnement mental dans lequel ils voudraient nous enfermer tout en évitant les "fausses solutions", véritables "chausses-trappes" qu'ils nous ont concoctées...
Vincit omnia Veritas
En espérant qu'elle vous aura aidés vous aussi, à y voir plus clair sur les manipulations dont nous sommes, pour la plupart, les victimes, et à reconnaître le seul cheminement valable pour nous sortir du conditionnement mental dans lequel ils voudraient nous enfermer tout en évitant les "fausses solutions", véritables "chausses-trappes" qu'ils nous ont concoctées...
Vincit omnia Veritas
Compte rendu du livre LA GUERRE OCCULTE + Annexes
[Recueil posthume : Études sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage, tome 1, René Guénon, éd. Éditions Traditionnelles, 1971]
Voir le post de présentation de cette « série » qui recense les articles traitant de ce sujet ainsi que le sommaire :
Juillet 1936
Emmanuel Malynski et Léon de Poncins. La Guerre occulte. (Gabriel Beauchesne, Paris).
« Ici comme dans les précédents ouvrages de M. Léon de Poncins dont nous avons déjà eu l’occasion de parler, il y a, pour tout ce qui se rapporte à la critique du monde moderne, beaucoup de considérations très justes ; les auteurs, qui dénoncent avec raison des erreurs communes comme celle qui consiste à croire que les révolutions sont des « mouvements spontanés », sont de ceux qui pensent que la déviation moderne, dont ils étudient plus spécialement les étapes au cours du XIXe siècle, doit nécessairement répondre à un « plan » bien arrêté, et conscient tout au moins chez ceux qui dirigent cette « guerre occulte » contre tout ce qui présente un caractère traditionnel, intellectuellement ou socialement.
Seulement, quand il s’agit de rechercher des « responsabilités », nous avons bien des réserves à faire ; la chose n’est d’ailleurs pas si simple ni si facile, il faut bien le reconnaître, puisque, par définition même, ce dont il s’agit ne se montre pas au dehors, et que les pseudo-dirigeants apparents n’en sont que des instruments plus ou moins inconscients.
En tout cas, il y a ici une tendance à exagérer considérablement le rôle attribué aux Juifs, jusqu’à supposer que ce sont eux seuls qui en définitive mènent le monde, et sans faire à leur sujet certaines distinctions nécessaires ; comment ne s’aperçoit-on pas, par exemple, que ceux qui prennent une part active à certains événements ne sont que des Juifs entièrement détachés de leur propre tradition, et qui, comme il arrive toujours en pareil cas, n’ont guère gardé que les défauts de leur race et les mauvais côtés de sa mentalité particulière ?
Il y a pourtant des passages (notamment pp. 105-110) qui touchent d’assez près à certaines vérités concernant la « contre-initiation » : il est tout à fait exact qu’il ne s’agit pas là d’« intérêts » quelconques, qui ne peuvent servir qu’à mouvoir de vulgaires instruments, mais d’une « foi » qui constitue « un mystère métapsychique insondable pour l’intelligence même élevée de l’homme ordinaire » ; et il ne l’est pas moins qu’« il y a un courant de satanisme dans l’histoire »… Mais ce courant n’est pas seulement dirigé contre le Christianisme (et c’est peut-être cette façon trop restreinte d’envisager les choses qui est la cause de bien des « erreurs d’optique ») ; il l’est aussi, exactement au même titre, contre toute tradition, qu’elle soit d’Orient ou d’Occident, et sans en excepter le Judaïsme.
Quant à la Maçonnerie, nous étonnerons peut-être beaucoup les auteurs si nous disons que l’infiltration des idées modernes, au détriment de l’esprit initiatique, en a fait, non point un des agents de la « conspiration », mais au contraire une de ses premières victimes ; et cependant, en réfléchissant à certains efforts actuels de « démocratisation » du Catholicisme lui-même, qui ne leur ont certainement pas échappé, ils devraient pouvoir arriver, par analogie, à comprendre ce que nous entendons par là…
Et oserons-nous ajouter qu’une certaine volonté d’égarer les recherches, en suscitant et en entretenant diverses « hantises » (peu importe que ce soit celle de la Maçonnerie, des Juifs, des Jésuites, du « péril jaune », ou quelque autre encore), fait précisément aussi partie intégrante du « plan » qu’ils se proposent de dénoncer, et que les « dessous » réels de certaines équipés antimaçonniques sont tout particulièrement instructifs à cet égard ? Nous ne savons que trop bien que, en insistant là-dessus, on risque fort de n’être agréable à personne, de quelque côté que ce soit ; mais est-ce là une raison suffisante pour ne point dire la vérité ? »
ANNEXES
Quelques comptes rendus complétant le précédent :
Octobre 1930
Léon de Poncins. Les Forces secrètes de la Révolution. Nouvelle édition revue et mise à jour (Éditions Bossard).
« C’est un ouvrage antimaçonnique du type que nous pourrions appeler « raisonnable », en ce sens que, se tenant à peu près exclusivement sur le terrain politique, il nous épargne les diableries à la Léo Taxil. L’auteur est même assez prudent pour ne pas faire état de certains documents suspects ; mais sa thèse de l’unité de la Maçonnerie est bien peu solide, et il exagère beaucoup l’influence juive. En outre, il se fait une idée tout à fait fantaisiste des hauts grades, qu’il lui arrive même parfois de confondre avec certaines organisations non maçonniques. »
Octobre 1936
Léon de Poncins. La mystérieuse Internationale juive. (Gabriel Beauchesne), Paris.
– Ce que nous avons dit ici dernièrement, à propos de La Guerre occulte dont M. Léon de Poncins est aussi l’un des auteurs, quant à certaines exagérations concernant le rôle des Juifs dans le monde, et quant à la nécessité de faire en tout cas certaines distinctions, s’applique encore à ce nouveau volume. Il y a assurément beaucoup de vrai dans ce qui y est exposé au sujet de deux « Internationales », l’une révolutionnaire et l’autre financière, qui sont sans doute beaucoup moins opposées réellement que ne pourrait le croire l’observateur superficiel ; mais tout cela, qui fait d’ailleurs partie d’un ensemble beaucoup plus vaste, est-il vraiment sous la direction des Juifs (il faudrait dire plutôt de certains Juifs), ou n’est-il pas utilisé en réalité par « quelque chose » qui les dépasse ? Il y aurait du reste, pensons-nous, une étude bien curieuse à faire sur les raisons pour lesquelles le Juif, quand il est infidèle à sa tradition, devient plus facilement qu’un autre l’instrument des « influences » qui président à la déviation moderne ; ce serait là, en quelque sorte, l’envers de la « mission des Juifs », et cela pourrait peut-être mener assez loin… L’auteur a tout à fait raison de parler d’une « conspiration de silence » à l’égard de certaines questions ; mais que serait-ce s’il lui arrivait de toucher directement à des choses beaucoup plus vraiment « mystérieuses » encore, et auxquelles, disons-le en passant, les publications « anti-judéomaçonniques » sont les premières à bien se garder de faire jamais la moindre allusion ?
1938 :
I Protocolli dei Savi Anziani di Sion. Versione italiana con appendice e introduzione (La Vita Italiana, Roma).
– La traduction italienne des fameux Protocoles des Sages de Sion, publiée en 1921, par le Dr Giovanni Preziosi, directeur de la Vita Italiana, vient d’être rééditée avec une introduction de M. J. Evola, qui essaie de mettre un peu d’ordre dans les interminables discussions auxquelles ce « texte » a donné et donne encore lieu, en distinguant deux questions différentes et qui ne sont pas nécessairement solidaires, celle de l’ « authenticité » et celle de la « véridicité », dont la seconde serait, selon lui, la plus importante en réalité.
L’authenticité n’est guère soutenable, pour de multiples raisons que nous n’examinerons pas ici ; à cet égard, nous appellerons seulement l’attention sur un point qu’on paraît ne pas prendre suffisamment en considération, et qui pourtant est peut-être le plus décisif : c’est qu’une organisation vraiment et sérieusement secrète, quelle qu’en soit d’ailleurs la nature, ne laisse jamais derrière elle de documents écrits.
D’autre part, on a indiqué les « sources » auxquelles de nombreux passages des Protocoles ont été empruntés à peu près textuellement : le Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu, de Maurice Joly, pamphlet dirigé contre Napoléon III et publié à Bruxelles, en 1865, et le discours attribué à un rabbin de Prague dans le roman Biarritz, publié en 1868, par l’écrivain allemand Hermann Goedsche sous le pseudonyme de sir John Retcliffe. Il y a encore une autre « source » qui, à notre connaissance, n’a jamais été signalée : c’est un roman intitulé : Le Baron Jéhova, par Sidney Vigneaux, publié à Paris en 1886, et dédié, ce qui est assez curieux, « au très gentilhomme A. de Gobineau, auteur de l’Essai sur l’inégalité des races humaines, entré au Walhalla le 13 octobre 1882 ». Il est à noter aussi que, d’après une indication donnée dans les Mémoires d’une aliénée, de Mlle Hersilie Rouy, oubliés par E. Le Normant des Varannes (Paris, 1886, pp. 308-309), Sidney Vigneaux était, ainsi que ce dernier, un ami du Dr Henri Favre, dont nous avons parlé plus haut ; il s’agit là d’une étrange histoire où apparaît également le nom de Jules Favre, qu’on retrouve d’ailleurs mêlé à tant de choses du même genre qu’il est difficile de n’y voir qu’une simple coïncidence…
Il se trouve dans Le Baron Jéhova (pp. 59 à 87) un soi-disant « Testament d’Ybarzabal » qui présente des similitudes tout à fait frappantes avec les Protocoles, mais avec cette particularité remarquable que les Juifs y apparaissent seulement comme l’instrument d’exécution d’un plan qui n’a été ni conçu, ni voulu par eux. On a noté encore des traits de ressemblance avec l’introduction du Joseph Balsamo, d’Alexandre Dumas, bien qu’ici il ne soit aucunement question des Juifs, mais d’une assemblée maçonnique imaginaire ; nous ajouterons que cette assemblée n’est pas sans rapport avec le « Parlement » peudo-rosicrucien décrit, à peu près exactement à la même date, par l’écrivain américain George Lippard dans Paul Ardenheim, the monk of the Wissahickon, dont cette partie a été reproduite par le Dr Swinburn Clymer dans The Rosicrucian Fraternity in America.
Il n’est pas douteux que tous ces écrits, sous leur forme plus ou moins « romancée », tirent en somme leur inspiration générale d’un même « courant » d’idées, que d’ailleurs leurs auteurs approuvent ou désapprouvent ces idées, et qu’en outre, suivant leurs tendances ou leurs préventions particulières, ils en attribuent à tort et à travers l’origine aux Juifs, aux Maçons ou à d’autres encore ; l’essentiel dans tout cela, en définitive, et ce qui, peut-on dire, en constitue l’élément de « véridicité », c’est l’affirmation que toute l’orientation du monde moderne répond à un « plan » établi et imposé par quelque organisation mystérieuse ; on sait ce que nous pensons nous-mêmes à cet égard, et nous nous sommes déjà assez souvent expliqué sur le rôle de la « contre-initiation» et de ses agents conscients ou inconscients pour n’avoir pas besoin d’y insister davantage.
A vrai dire, il n’était aucunement nécessaire d’être « prophète » pour s’apercevoir de ces choses à l’époque où les Protocoles furent rédigés, probablement en 1901, ni même à celle où remontent la plupart des autres ouvrages que nous venons de mentionner, c’est-à-dire vers le milieu du XIXème siècle ; alors déjà, bien qu’elles fussent moins apparentes qu’aujourd’hui, une observation quelque peu perspicace y suffisait ; mais ici nous devons faire une remarque qui n’est pas à l’honneur de l’intelligence de nos contemporains : si quelqu’un se contente d’exposer « honnêtement » ce qu’il constate et ce qui s’en déduit logiquement, personne n’y croit ou même n’y prête attention ; si, au contraire, il présente les mêmes choses comme émanant d’une organisation fantaisiste, cela prend aussitôt figure de « document » et, à ce titre, met tout le monde en mouvement : étrange effet des superstitions inculquées aux modernes par la trop fameuse « méthode historique » et qui font bien partie, elles aussi, des suggestions indispensables à l’accomplissement du « plan » en question !
Il est encore à remarquer que, d’après l’ « affabulation » des Protocoles eux-mêmes, l’organisation qui invente et propage les idées modernes, pour en arriver à ses fins de domination mondiale, est parfaitement consciente de la fausseté de ces idées ; il est bien évident qu’en effet, il doit en être réellement ainsi, car elle ne sait que trop bien à quoi s’en tenir là-dessus ; mais alors il semble qu’une telle entreprise de mensonge ne puisse pas être, en elle-même, le véritable et unique but qu’elle se propose, et ceci nous amène à considérer un autre point qui, indiqué par M. Evola dans son introduction, a été repris et développé, dans le numéro de novembre de la Vita Italiana, dans un article signé « Arthos » et intitulétransformazioni del « Regnum ». En effet, il n’y a pas seulement, dans les Protocoles, l’exposé d’une « tactique » destinée à la destruction du monde traditionnel, ce qui en est l’aspect purement négatif et correspondant à la phase actuelle des événements ; il y a aussi l’idée du caractère simplement transitoire de cette phase, et celle de l’établissement ultérieur d’un Regnum supra-national, idée qui peut être regardée comme une déformation de celle du « Saint Empire » et des autres conceptions traditionnelles analogues qui, comme le rappelle l’auteur de l’article, ont été exposées par nous dans Le Roi du Monde. Pour expliquer ce fait, « Arthos » fait appel aux déviations, allant même jusqu’à une véritable « subversion », que peuvent subir certains éléments, authentiquement traditionnels à l’origine, qui se survivent en quelque sorte à eux-mêmes, lorsque l’ « esprit » s’en est retiré ; et il cite, à l’appui de cette thèse, ce que nous avons dit récemment ici au sujet des « résidus psychiques » ; les considérations qu’on trouvera d’autre part, sur les phases successives de la déviation moderne et sur la constitution possible, comme dernier terme de celle-ci, d’une véritable « contre-tradition », dont le Regnum dénaturé serait précisément l’expression dans l’ordre social, pourront peut-être contribuer encore à élucider plus complètement ce côté de la question qui, même tout à fait en dehors du cas spécial des Protocoles, n’est certes pas dépourvu d’un certain intérêt.
H. de Vries de Heekelingen. L’Orgueil juif. (Revue Internationale des Sociétés Secrètes, Paris).
Ce livre est d’un caractère trop « politique » pour qu’il soit possible d’en parler longuement, et nous devons nous borner à formuler, à son propos, une remarque d’une portée beaucoup plus générale : c’est que ce qu’on appelle ici l’« orgueil juif » ne nous paraît pas représenter quelque chose d’aussi exceptionnel qu’on veut bien le dire ; au fond, l’attitude des Juifs vis-à-vis des Goyim est-elle bien différente de ce qu’était, par exemple, celle des Grecs vis-à-vis des « Barbares » ?
En principe, d’ailleurs, tous les cas de ce genre peuvent très bien s’expliquer par la nécessité, pour éviter tout mélange illégitime entre des formes traditionnelles diverses, de donner fortement aux adhérents de chacune d’elles le sentiment d’une différence entre eux et les autres hommes ; la nature humaine étant ce qu’elle est, cette différence n’est que trop facilement prise pour une supériorité, du moins par le vulgaire qui ne peut en connaître la véritable raison profonde, ce qui amène forcément, chez celui-ci, la dégénérescence de ce sentiment en une sorte d’orgueil et il est même compréhensible que cela se produise surtout quand il s’agit d’une collectivité rigoureusement « fermée », comme celle à laquelle est destinée la tradition judaïque… Mais, au fait, pourquoi ne parle-t-on pas de l’« orgueil européen », qui est bien certainement le plus insolent de tous, et qui, lui, ne saurait trouver l’ombre d’une justification ou d’une excuse dans des considérations d’ordre traditionnel ?
Nous ajouterons seulement une observation sur un point de détail : l’auteur croit à tort (et il n’est certes pas le seul !) que le « sceau de Salomon » (appelé aussi « bouclier de David », mais non « sceau de David » comme il le dit) est un symbole spécifiquement juif, alors que, en réalité, il appartient tout autant à l’Islamisme et même à l’hermétisme chrétien qu’au Judaïsme. Il signale, à ce sujet, que, dans les armes de la ville de Privas, trois fleurs de lys auraient été remplacées récemment par « trois étoiles juives (sic) à six branches » ; nous ne savons si le fait est exact, mais, en tout cas, ce dont il est assurément bien loin de se douter et qui rend la chose vraiment amusante, c’est que les deux symboles sont fort près d’être équivalents, étant construits l’un et l’autre, de même encore que le Chrisme, sur un seul et même schéma géométrique, celui de la roue à six rayons ; et cela montre une fois de plus qu’on ferait bien de s’abstenir de toucher à certaines questions quand on ne possède pas tout au moins quelques notions élémentaires de symbolisme !
– Dans la Vita Italiana (n° de février), à propos de ce que certains appellent Bolscevismo culturale, réunissant sous ce vocable toutes les formes « décadentes » de l’art contemporain, M. J. Evola insiste sur l’insignifiance de toute tentative de « réaction » qui ne serait en réalité qu’un retour à quelque stade moins avancé de la même déviation ; la seule solution valable serait celle qui consisterait au contraire à revenir aux principes véritables, « à ce qui est vraiment original sur le plan de l’esprit, et qui s’identifie avec la Tradition », entendue non comme le font les simples « traditionalistes » et les « conservateurs », mais « au sens supérieur, universel, métaphysique et transcendant du mot ».
1939 :
– Dans Contre-Révolution (n° de décembre), M. J. Evola, dans un article intitulé Technique de la Subversion, étudie les diverses « suggestions » mises en œuvre pour provoquer et entretenir la déviation du monde moderne : suggestion « positiviste », faisant croire que l’histoire est « déterminée exclusivement par les facteurs économiques, politiques et sociaux », de telle façon que les hommes ne voient plus rien d’autre ; falsifications et contrefaçons destinées à détourner et à neutraliser les tendances « traditionalistes », et y réussissant trop souvent quand celles-ci se réduisent à de vagues aspirations ; « renversement » substituant un élément « sub-naturel » au « supra-naturel », comme dans le cas des divers variétés du « néo-spiritualisme » ; attaque indirecte par laquelle « les forces secrètes de la subversion mondiale conduisent souvent les représentants d’une tradition à se persuader que la meilleure manière de défendre la leur est de discréditer celle des autres » ; tactique consistant « à diriger et à concentrer toute l’attention des adversaires sur des éléments qui ne peuvent qu’en partie ou d’une manière subordonnée être considérés comme responsables des méfaits » de ces forces occultes ; limitation de la « réaction » à un simple retour à telle ou telle phase moins avancée de la subversion ; substitution du principe à la personne, tendant à imputer au principe même les fautes et les insuffisances de ses représentants historiques. Une bonne partie de ces remarques s’inspire, comme l’auteur le déclare d’ailleurs expressément, de ce que nous avons dit nous-mêmes en diverses occasions sur l’action de la « contre-initiation » ; peut-être eut-il été souhaitable que celle-ci y fût désignée d’une façon plus explicite que par l’expression assez vague de « forces de la subversion » ; mais, en tout cas, il est certainement très utile que ces choses soient exposées ainsi dans un organe s’adressant à des lecteurs bien différents des nôtres.
« Un autre point qui est à retenir, c’est que les Supérieurs Inconnus,(*) de quelque ordre qu’ils soient, et quel que soit le domaine dans lequel ils veulent agir, ne cherchent jamais à créer des « mouvements », suivant une expression qui est fort à la mode aujourd’hui ; ils créent seulement des « états d’esprit », ce qui est beaucoup plus efficace, mais peut-être un peu moins à la portée de tout le monde. Il est incontestable, encore que certains se déclarent incapables de le comprendre, que la mentalité des individus et des collectivités peut être modifiée par un ensemble systématisé de suggestions appropriées ; au fond, l’éducation elle-même n’est guère autre chose que cela, et il n’y a là-dedans aucun « occultisme ». Du reste, on ne saurait douter que cette faculté de suggestion puisse être exercée, à tous les degrés et dans tous les domaines, par des hommes « en chair et en os », lorsqu’on voit, par exemple, une foule entière illusionnée par un simple fakir, qui n’est cependant qu’un initié de l’ordre le plus inférieur, et dont les pouvoirs sont assez comparables à ceux que pouvait posséder un Gugomos ou un Schroepfer (4). Ce pouvoir de suggestion n’est dû, somme toute, qu’au développement de certaines facultés spéciales ; quand il s’applique seulement au domaine social et s’exerce sur l’« opinion », il est surtout affaire de psychologie : un « état d’esprit » déterminé requiert des conditions favorables pour s’établir, et il faut savoir, ou profiter de ces conditions si elles existent déjà, ou en provoquer soi-même la réalisation. Le socialisme répond à certaines conditions actuelles, et c’est là ce qui fait toutes ses chances de succès ; que les conditions viennent à changer pour une raison ou pour une autre, et le socialisme, qui ne pourra jamais être qu’un simple moyen d’action pour des Supérieurs Inconnus, aura vite fait de se transformer en autre chose dont nous ne pouvons même pas prévoir le caractère. C’est peut-être là qu’est le danger le plus grave, surtout si les Supérieurs Inconnus savent, comme il y a tout lieu de l’admettre, modifier cette mentalité collective qu’on appelle l’« opinion » ; c’est un travail de ce genre qui s’effectua au cours du XVIIIe siècle et qui aboutit à la Révolution, et, quand celle-ci éclata, les Supérieurs Inconnus n’avaient plus besoin d’intervenir, l’action de leurs agents subalternes était pleinement suffisante. Il faut, avant qu’il ne soit trop tard, empêcher que des pareils événements se renouvellent, et c’est pourquoi, dirons-nous avec M. Copin-Albancelli, « il est fort important d’éclairer le peuple sur la question maçonnique et ce qui se cache derrière ».»
[Réflexions à propos du « pouvoir occulte », article signé « Le Sphinx », publié dans la France Antimaçonnique, les 11 et 18 juin 1914.]
(*) Note du blog : Au départ, René Guénon a utilisé des mots qui étaient communs à l’époque mais étaient déformés par les écoles occultistes ou autres comme « pouvoir occulte », « supérieurs inconnus », et « religions ». Au lieu de « pouvoir occulte », René Guénon préférera par la suite les concepts de « contre-inititation ». Au lieu de « religions », il utilisera le terme plus universel de « traditions » (L’Hindouisme ou le Taoïsme ne sont pas des religions, par exemple). Même le terme « Supérieur inconnus » qui avait été déformé par Mme Blavatsky (les mahâtmas) ne sera plus utilisé par la suite, il utilisera plutôt le terme de membres d’organisations initiatiques ayant la conscience de la liaison avec le Centre Suprême, ou à contrario d’agents de la contre-initiation.
NB : « Chaque fois que je me suis servi ainsi d’autres signatures, il y a eu des raisons spéciales, et cela ne doit pas être attribué à R.G., ces signatures n’étant pas simplement des pseudonymes à la manière littéraire, mais représentant, si l’on peut dire, des entités réellement distinctes. » - Lettre du 17 juin 1934 de René Guénon à Luc Benoist, qui fut en charge de ses publications aux éditions Gallimard. C’est René Guénon qui souligne dans le texte. [source : http://www.index-rene-guenon.org]
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