dimanche 14 avril 2019

De l'importance des rites religieux


  • " Rien ni personne n’est plus à la place où il devrait être normalement ; les hommes ne reconnaissent plus aucune autorité effective dans l’ordre spirituel, aucun pouvoir légitime dans l’ordre temporel ; les « profanes » se permettent de discuter des choses sacrées, d’en contester le caractère et jusqu’à l’existence même ; c’est l’inférieur qui juge le supérieur, l’ignorance qui impose des bornes à la sagesse, l’erreur qui prend le pas sur la vérité, l’humain qui se substitue au divin, la terre qui l’emporte sur le ciel, l’individu qui se fait la mesure de toutes choses et prétend dicter à l’univers des lois tirées tout entières de sa propre raison relative et faillible. « Malheur à vous, guides aveugles », est-il dit dans l’Évangile ; aujourd’hui, on ne voit en effet partout que des aveugles qui conduisent d’autres aveugles, et qui, s’ils ne sont arrêtés à temps, les mèneront fatalement à l’abîme où ils périront avec eux."


[René Guénon, La crise du monde moderne, Chapitre V - L’individualisme].




Petit rappel sur l'importance des rites initiatiques ou religieux à travers l'enseignement de René Guénon. 
  • « Du reste, cette ignorance pratique elle-même, qui consiste à regarder comme inutile ou superflue la participation à une tradition exotérique, ne serait pas possible sans une méconnaissance même théorique de cet aspect de la tradition, et c’est là ce qui la rend encore plus grave, car on peut se demander si quelqu’un chez qui existe une telle méconnaissance, quelles que soient d’ailleurs ses possibilités, est bien réellement prêt à aborder le domaine ésotérique et initiatique, et s’il ne devrait pas plutôt s’appliquer à mieux comprendre la valeur et la portée de l’exotérisme avant de chercher à aller plus loin. »

Aucun auteur traditionnel véritable n'aurait l'idée de médire sur l'importance des rites religieux, des sacrements et sur l'obligation d'être rattaché à une tradition régulière.
Le baptême en fait partie et il symbolise la descente des influences spirituelles. En faire une "convenance sociale" sans intérêt et superflue est une aberration totale, si ce n’est pire.

La validité des rites et leur importance n’a pas à être mise en défaut à cause des individualités. C’est ce qu’il est expressément rappelé dans ces extraits de RG : 
  • « (...) même si cette autorité, par la faute de ses représentants, avait entièrement perdu l’« esprit » de sa doctrine, la seule conservation du dépôt de la « lettre » et des formes extérieures dans lesquelles cette doctrine est contenue en quelque façon continuerait encore à lui assurer la puissance nécessaire et suffisante pour exercer valablement sa suprématie sur le temporel (82), car cette suprématie est attachée à l’essence même de l’autorité spirituelle et lui appartient tant qu’elle subsiste régulièrement, si diminuée qu’elle puisse être en elle-même, la moindre parcelle de spiritualité étant encore incomparablement supérieure à tout ce qui relève de l’ordre temporel. »
82 - Ce cas est comparable à celui d’un homme qui aurait reçu en héritage une cassette fermée contenant un trésor, et qui, ne pouvant l’ouvrir, ignorerait la vraie nature de celui-ci ; cet homme n’en serait pas moins l’authentique possesseur du trésor ; la perte de la clef ne lui en enlèverait pas la propriété, et, si certaines prérogatives extérieures étaient attachées à cette propriété, il conserverait toujours le droit de les exercer ; mais, d’autre part, il est évident que, en ce qui le concerne personnellement, il ne pourrait, dans ces conditions, avoir effectivement la pleine jouissance de son trésor. » 


Il ajoute plus loin :
  • « Nous dirons d’abord pour exprimer les choses de la façon la plus simple, qu’on ne bâtit pas sur le vide ; or l’existence uniquement profane, dont tout élément traditionnel est exclu, n’est bien réellement à cet égard que vide et néant. Si l’on veut construire un édifice, on doit tout d’abord en établir les fondations ; celles-ci sont la base indispensable sur laquelle s’appuiera tout l’édifice, y compris ses parties les plus élevées et elles le demeureront toujours, même quand il sera achevé. De même, l’adhésion à un exotérisme est une condition préalable pour parvenir à l’ésotérisme, et, en outre, il ne faudrait pas croire que cet exotérisme puisse être rejeté dès lors que l’initiation a été obtenue, pas plus que les fondations ne peuvent être supprimées lorsque l’édifice est construit. »

Faire dépendre la validité de la Source avec ses « instruments » c’est un renversement caractéristique des rapports normaux de l’ordre traditionnel ; depuis quand le supérieur serait-il assujetti à l’inférieur ?! Par contre, telle sera bien la démarche du futur représentant de la contre-initiation !

A force de syncrétisme, ces personnes vident la religion de tout ce qui constituait son essence, son rattachement au divin et la réalité des influences spirituelles, pour n’en faire qu’une « religion de l’homme » rabaissée à son niveau et explicitée par des « expérimentations personnelles » (qui elles bien entendu sont véridiques !).
Cela ne relève même plus du « libre examen » si cher au protestantisme mais bien d’une déviance faite d'ignorance, d'incompréhension et d'orgueil.

Je conclurai en rappelant cette phrase de M. Gilis :
  • « Mais après nous avoir donné (...) la preuve de leur disqualification, puissent [ces personnes] s’abstenir désormais de toute intrusion en ce domaine, et laisser, une fois pour toutes, Guénon et les guénoniens en paix ! »



Cet extrait de R. Guénon sur les rites initiatiques et exotériques : 


"ll importe de remarquer tout d’abord que la présence des rites est un caractère commun à toutes les institutions traditionnelles, de quelque ordre qu’elles soient, exotériques aussi bien qu’ésotériques, en prenant ces termes dans leur sens le plus large comme nous l’avons déjà fait précédemment.
Ce caractère est une conséquence de l’élément « non-humain » impliqué essentiellement dans de telles institutions, car on peut dire que les rites ont toujours pour but de mettre l’être humain en rapport, directement ou indirectement, avec quelque chose qui dépasse son individualité et qui appartient à d’autres états d’existence ; il est d’ailleurs évident qu’il n’est pas nécessaire dans tous les cas que la communication ainsi établie soit consciente pour être réelle, car elle s’opère le plus habituellement par l’intermédiaire de certaines modalités subtiles de l’individu, modalités dans lesquelles la plupart des hommes sont actuellement incapables de transférer le centre de leur conscience.

Quoi qu’il en soit, que l’effet soit apparent ou non, qu’il soit immédiat ou différé, le rite porte toujours son efficacité en lui-même, à la condition, cela va de soi, qu’il soit accompli conformément aux règles traditionnelles qui assurent sa validité, et hors desquelles il ne serait plus qu’une forme vide et un vain simulacre ; et cette efficacité n’a rien de « merveilleux » ni de « magique », comme certains le disent parfois avec une intention manifeste de dénigrement et de négation, car elle résulte tout simplement des lois nettement définies suivant lesquelles agissent les influences spirituelles, lois dont la « technique » rituelle n’est en somme que l’application et la mise en œuvre (1).
Cette considération de l’efficacité inhérente aux rites, et fondée sur des lois qui ne laissent aucune place à la fantaisie ou à l’arbitraire, est commune à tous les cas sans exception ; cela est vrai pour les rites d’ordre exotérique aussi bien que pour les rites initiatiques, et, parmi les premiers, pour les rites relevant de formes traditionnelles non religieuses aussi bien que pour les rites religieux. Nous devons rappeler encore à ce propos, car c’est là un point des plus importants, que, comme nous l’avons déjà expliqué précédemment, cette efficacité est entièrement indépendante de ce que vaut en lui-même l’individu qui accomplit le rite ; la fonction seule compte ici, et non l’individu comme tel ; en d’autres termes, la condition nécessaire et suffisante est que celui-ci ait reçu régulièrement le pouvoir d’accomplir tel rite ; peu importe qu’il n’en comprenne pas vraiment la signification, et même qu’il ne croie pas à son efficacité, cela ne saurait empêcher le rite d’être valable si toutes les règles prescrites ont été convenablement observées (2)."


"De là résulte immédiatement cette conséquence, que les rites d’initiation confèrent un caractère définitif et ineffaçable ; il en est d’ailleurs de même, dans un autre ordre, de certains rites religieux, qui, pour cette raison, ne sauraient jamais être renouvelés pour le même individu, et qui sont par là même ceux qui présentent l’analogie la plus accentuée avec les rites initiatiques, à tel point qu’on pourrait, en un certain sans, les considérer comme une sorte de transposition de ceux-ci dans le domaine exotérique (8)."

(1) Il est à peine besoin de dire que toutes les considérations que nous exposons ici concernent exclusivement les rites véritables, possédant un caractère authentiquement traditionnel, et que nous nous refusons absolument à donner ce nom de rites à ce qui n’en est qu’une parodie, c’est-à-dire à des cérémonies établies en vertu de coutumes purement humaines, et dont l’effet, si tant est qu’elles en aient un, ne saurait en aucun cas dépasser le domaine « psychologique », au sens le plus profane de ce mot ; la distinction des rites et des cérémonies est d’ailleurs assez importante pour que nous la traitions spécialement dans la suite.
(2) C’est donc une grave erreur d’employer, comme nous l’avons vu faire souvent à certain écrivain maçonnique, apparemment fort satisfait de cette « trouvaille » plutôt malencontreuse, l’expression de « jouer au rituel » en parlant de l’accomplissement des rites initiatiques par des individus qui en ignorent le sens et qui ne cherchent même pas à le pénétrer ; une telle expression ne saurait convenir qu’au cas de profanes qui simuleraient les rites, n’ayant pas qualité pour les accomplir valablement ; mais, dans une organisation initiatique, si dégénérée qu’elle puisse être quant à la qualité de ses membres actuels, le rituel n’est pas quelque chose à quoi l’on joue, il est et demeure toujours une chose sérieuse et réellement efficace, même à l’insu de ceux qui y prennent part.
(8) On sait que, parmi les sept sacrements du Catholicisme, il en est trois qui sont dans ce cas et ne peuvent être reçus qu’une seule fois : le baptême, la confirmation et l’ordre ; l’analogie du baptême avec une initiation, en tant que « seconde naissance », est évidente, et la confirmation représente en principe l’accession à un degré supérieur ; quant à l’ordre, nous avons déjà signalé les similitudes qu’on peut y trouver en ce qui concerne la transmission des influences spirituelles, et qui sont encore rendues plus frappantes par le fait que ce sacrement n’est pas reçu par tous et requiert, comme nous l’avons dit, certaines qualifications spéciales.

René Guénon, Aperçus sur l’initiation, Chap. XV – Des rites initiatiques



Voir sur ce sujet :

Guénon : du respect et de la nécessité des formes traditionnelles religieuses :

Nécessité de l’exotérisme traditionnel
Synthèse et syncrétisme
Contre le mélange des formes traditionnelles
L’individualisme



1 commentaire:

  1. Merci pour ce rappel, en effet, les rites religieux ne sont pas des breloques, que des convenances sociales.
    Le Baptême à plus forte raison.

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