Le mythe de la caverne, Platon, République, VII.
"Connais toi toi-même"... |
On parle souvent de ce mythe, on s’y réfère beaucoup pour
l’interprétation, mais connait-on bien réellement ce qu’il en est
dit autrement que par « ouï-dire » ?
« Tant que la connaissance
n’est que par le mental, elle n’est qu’une simple connaissance « par reflet »,
comme celle des ombres que voient les prisonniers de la caverne symbolique de
Platon, donc une connaissance indirecte et tout extérieure ; passer de l’ombre
à la réalité, saisie directement en elle-même, c’est proprement passer de
l’«extérieur» à l’«intérieur», et aussi, au point de vue où nous nous plaçons
plus particulièrement ici, de l’initiation virtuelle à l’initiation effective.
Ce passage implique la
renonciation au mental, c’est-à-dire à toute faculté discursive qui est
désormais devenue impuissante, puisqu’elle ne saurait franchir les limites qui
lui sont imposées par sa nature même ; l’intuition intellectuelle seule est au
delà de ces limites, parce qu’elle n’appartient pas à l’ordre des facultés
individuelles. On peut, en employant le symbolisme traditionnel fondé sur
les correspondances organiques, dire que le centre de la conscience doit être
alors transféré du « cerveau » au « cœur ».
Il est à peine besoin de
rappeler que le « cœur », pris symboliquement pour représenter le centre de
l’individualité humaine envisagée dans son intégralité, est toujours mis en
correspondance, par toutes les traditions, avec l’intellect pur, ce qui n’a
absolument aucun rapport avec la « sentimentalité » que lui attribuent les
conceptions profanes des modernes.»
Rappel pour les uns ou découverte pour les autres, voici ce que Platon
nous dit...
Note : Socrate s'adresse
à Glaucon qui ponctue
le récit de son étonnement et, peu à peu, de sa compréhension... Pour plus de
facilité de lecture, j’ai mis les remarques de Glaucon en rouge.
« Maintenant, repris-je, pour avoir une idée de la conduite de
l’homme par rapport à la science et à l’ignorance, figure-toi la situation que
je vais te décrire. Imagine un antre souterrain, très ouvert dans toute sa
profondeur du côté de la lumière du jour ; et dans cet antre des hommes
retenus, depuis leur enfance, par des chaînes qui leur assujettissent tellement
les jambes et le cou, qu’ils ne peuvent ni changer de place ni tourner la tête, et ne voient que ce
qu’ils ont en face. La lumière leur vient d’un feu allumé à une certaine
distance en haut derrière eux. Entre ce feu et les captifs s’élève un chemin,
le long duquel imagine un petit mur semblable à ces cloisons que les charlatans
mettent entre eux et les spectateurs, et au-dessus desquelles apparaissent les
merveilles qu’ils montrent.
Je vois cela.
Figure-toi encore qu’il passe le long de ce mur, des hommes portant
des objets de toute sorte qui paraissent ainsi au-dessus du mur, des figures
d’hommes et d’animaux en bois ou en pierre, et de mille formes différentes ; et
naturellement parmi ceux qui passent, les uns se parlent entre eux, d’autres ne
disent rien.
Voilà un étrange tableau et d’étranges
prisonniers.
Voilà pourtant ce que nous sommes. Et d’abord, crois-tu que dans cette
situation ils verront autre chose d’eux-mêmes et de ceux qui sont à leurs
côtés, que les ombres qui vont se retracer, à la lueur du feu, sur le côté de
la caverne exposé à leurs regards ?
Non, puisqu’ils sont forcés de rester
toute leur vie la tête immobile.
Et les objets qui passent derrière eux, de même aussi n’en verront-ils
pas seulement l’ombre ?
Sans contredit.
Or, s’ils pouvaient converser ensemble, ne crois-tu pas qu’ils
s’aviseraient de désigner comme les choses mêmes les ombres qu’ils voient
passer ?
Nécessairement.
Et, si la prison avait un écho, toutes les fois qu’un des passants
viendrait à parler, ne s’imagineraient-ils pas entendre parler l’ombre même qui
passe sous leurs yeux ?
Oui.
Enfin, ces captifs n’attribueront absolument de réalité qu’aux ombres.
Cela est inévitable.
Supposons maintenant qu’on les délivre de leurs chaînes et qu’on les
guérisse de leur erreur : vois ce qui résulterait naturellement de la situation
nouvelle où nous allons les placer. Qu’on détache un de ces captifs ; qu’on le
force sur-le-champ de se lever, de tourner la tète, de marcher et de regarder
du côté de la lumière : il ne pourra faire tout cela sans souffrir, et
l’éblouissement l’empêchera de discerner les objets dont il voyait auparavant
les ombres. Je te demande ce qu’il pourra dire, si quelqu’un vient lui déclarer
que jusqu’alors il n’a vu que des fantômes ; qu’à présent plus près de la
réalité, et tourné vers des objets plus réels, Il voit plus juste ; si enfin,
lui montrant chaque objet à mesure qu’il passe, on l’oblige, à force de
questions, à dire ce que c’est ; ne penses-tu pas qu’il sera fort embarrassé,
et que ce qu’il voyait auparavant lui paraîtra plus vrai que ce qu’on lui
montre ?
Sans doute.
Et si on le contraint de regarder le feu, sa vue n’en sera-t-elle pas
blessée ? N’en détournera-t-il pas les regards pour les porter sur ces ombres
qu’il considère sans effort ? Ne jugera-t-il pas que ces ombres sont réellement
plus visibles que les objets qu’on lui montre ?
Assurément.
Si maintenant on l’arrache de sa caverne malgré lui, et qu’on le
traîne, par le sentier rude et escarpé, jusqu’à la clarté du soleil, cette
violence n’excitera-t-elle pas ses plaintes et sa colère ? Et lorsqu’il sera
parvenu au grand jour, accablé de sa splendeur, pourra-t-il distinguer aucun
des objets que nous appelons des êtres réels ?
Il ne le pourra pas d’abord.
Ce n’est que peu à peu que ses yeux pourront s’accoutumer à cette
région supérieure. Ce qu’il discernera plus facilement, ce sera d’abord les
ombres, puis les images des hommes et des autres objets qui se peignent sur la
surface des eaux, ensuite les objets eux-mêmes. De là il portera ses regards
vers le ciel, dont il soutiendra plus facilement la vue, quand il contemplera
pendant la nuit la lune et les étoiles, qu’il ne pourrait le faire, pendant que
le soleil éclaire l’horizon.
Je le crois.
A la fin il pourra, je pense, non-seulement voir le soleil dans les
eaux et partout où son image se réfléchit, mais le contempler en lui-même à sa
véritable place.
Certainement.
Après cela, se mettant à raisonner, il en viendra à conclure que c’est
le soleil qui fait les saisons et les années, qui gouverne tout dans le monde
visible, et qui est en quelque sorte le principe de tout ce que nos gens
voyaient là-bas dans la caverne.
Il est évident que c’est par tous ces
degrés qu’il arrivera à cette conclusion.
Se rappelant, alors sa première demeure et ce qu’on y appelait sagesse
et ses compagnons de captivité, ne se trouvera-t-il pas heureux de son
changement et ne plaindra-t-il pas les autres ?
Tout-à-fait.
Et s’il y avait là-bas des honneurs, des éloges, des récompenses
publiques établies entre eux pour celui qui observe le mieux les ombres à leur
passage, qui se rappelle le mieux en quel ordre elles ont coutume de précéder,
de suivre ou de paraître ensemble, et qui par là est le plus habile à deviner
leur apparition ; penses-tu que l’homme dont nous parlons fût encore bien
jaloux de ces distinctions, et qu’il portât envie à ceux qui sont les plus
honorés et les plus puissants dans ce souterrain ? Ou bien ne sera-t-il pas
comme le héros d’Homère, et ne préfèrera-t-il pas mille fois n’être qu’un valet
de charrue, au service d’un pauvre laboureur, et souffrir tout au monde plutôt
que de revenir à sa première illusion et de vivre comme il vivait ?
Je ne doute pas qu’il ne soit disposé à
tout souffrir plutôt que de vivre de la sorte.
Imagine encore que cet homme redescende dans la caverne et qu’il aille
s’asseoir à son ancienne place ; dans ce passage subit du grand jour à
l’obscurité, ses yeux ne seront-ils pas comme aveuglés ?
Oui vraiment.
Et si tandis que sa vue est encore confuse, et avant que ses yeux se
soient remis et accoutumés à l’obscurité, ce qui demande un temps assez long,
il lui faut donner son avis sur ces ombres et entrer en dispute à ce sujet avec
ses compagnons qui n’ont pas quitté leurs chaînes, n’apprêtera-t-il pas à rire
à ses dépens ? Ne diront-ils pas que pour être monté là-haut, il a perdu la vue
; que ce n’est pas la peine d’essayer de sortir du lieu où ils sont, et que si
quelqu’un s’avise de vouloir les en tirer et les conduire en haut, il faut le
saisir et le tuer, s’il est possible.
Cela est fort probable.
Voilà précisément, cher Glaucon, l’image de notre condition. L’antre
souterrain, c’est ce monde visible : le feu qui l’éclaire, c’est la lumière du
soleil : ce captif qui monte à la région supérieure et la contemple, c’est
l’âme qui s’élève dans l’espace intelligible. Voilà du moins quelle est ma pensée,
puisque tu veux la savoir : Dieu sait si elle est vraie. Quant à moi, la chose
me paraît telle que je vais dire. Aux dernières limites du monde intellectuel,
est l’idée du bien qu’on aperçoit avec peine, mais qu’on ne peut apercevoir
sans conclure qu’elle est la cause de tout ce qu’il y a de beau et de bon ; que
dans le monde visible, elle produit la lumière et l’astre de qui elle vient
directement ; que dans le monde invisible, c’est elle qui produit directement
la vérité et l’intelligence ; qu’il faut enfin avoir les yeux sur cette idée
pour se conduire avec sagesse dans la vie privée ou publique.
J’entre dans cette manière de voir autant
qu’il m’appartient.
Conçois donc aussi et cesse de t’étonner que ceux qui sont parvenus à
cette hauteur dédaignent de prendre en main les affaires humaines, et que leurs
âmes aspirent sans cesse à se fixer dans la région supérieure. Cela est bien
naturel, s’il y a analogie entre ce dont nous parlons et l’image que nous avons
tracée plus haut.
Oui, rien de plus naturel.
Qu’y a-t-il d’étonnant, dis-moi, qu’un homme, passant des
contemplations divines aux misérables objets qui occupent les hommes, ait
mauvaise grâce et paraisse ridicule, lorsque dans le premier trouble, et avant
d’être familiarisé avec les ténèbres qui l’environnent, il est forcé d’entrer
en dispute devant les tribunaux ou ailleurs sur des ombres de justice ou sur
les images qui projettent ces ombres, et de s’escrimer contre la manière dont
ces images sont prises par des hommes qui n’ont jamais vu la justice elle-même
?
Il est impossible de s’en étonner.
Un homme sensé fera réflexion que la vue peut être troublée de deux
manières et par deux causes opposées, par le passage de la lumière à
l’obscurité, ou par celui de l’obscurité à la lumière : et comme il en est de
même de la vue de l’âme, lorsqu’il verra une âme troublée et embarrassée pour
discerner certains objets, il n’ira pas en rire sans raison ; il examinera si
c’est que revenant d’un état plus lumineux elle se trouve comme offusquée faute
d’habitude, ou si passant des ténèbres de l’ignorance à la lumière, elle est
éblouie de son trop vif éclat. Dans le premier cas, il la félicitera de
l’embarras qu’elle éprouve et de ce commerce divin ; dans le second, il la
plaindra ; ou bien s’il veut rire à ses dépens, ses railleries seront moins
ridicules que si elles s’adressaient à l’âme qui redescend du séjour de la
lumière.
On ne peut parler plus raisonnablement.
Or, si tout cela est vrai, il faut en conclure que la science ne
s’apprend pas de la manière dont certaines gens le prétendent. Ils se vantent
de pouvoir la faire entrer dans l’âme où elle n’est point, à peu près comme on
donnerait la vue à des yeux aveugles.
Tel est leur langage.
Ce que nous avons dit suppose au contraire que chacun possède la faculté
d’apprendre, un organe de la science ; et que, semblable à des yeux qui ne
pourraient se tourner des ténèbres vers la lumière qu’avec le corps tout
entier, l’organe de l’intelligence doit se tourner, avec l’âme tout entière, de
la vue de ce qui naît vers la contemplation de ce qui est et de ce qu’il y a de
plus lumineux dans l’être ; et cela nous l’avons appelé le bien, n’est-ce pas ?
Oui.
Tout l’art consiste donc à chercher la manière la plus aisée et la
plus avantageuse dont l’âme puisse exécuter l’évolution qu’elle doit faire : il
ne s’agit pas de lui donner la faculté de voir ; elle l’a déjà : mais son
organe n’est pas dans une bonne direction, il ne regarde point où il faudrait :
c’est ce qu’il s’agit de corriger.
En effet.
L'Enfer de Dante |
Il en est à peu près des autres vertus de l’âme comme de celles du
corps. L’âme ne les recevant pas de la nature, on les y introduit plus tard par
l’éducation et l’exercice ; mais la science semble appartenir à quelque chose
de plus divin, qui ne perd jamais de sa force et qui, selon la direction qu’on
lui donne, devient utile ou inutile, avantageux ou nuisible. N’as-tu point
encore remarqué jusqu’où va la sagacité de ces hommes à qui on donne le nom
d’habiles malhonnêtes gens ? Avec quelle pénétration leur misérable petite âme
démêle tout ce qui les intéresse ? Leur âme n’a pas une mauvaise vue ; mais
comme elle est forcée de servir d’instrument à leur malice, ils sont d’autant
plus malfaisants qu’ils sont plus subtils et plus clairvoyants.
Il n’est que trop vrai.
Si dès l’enfance on coupait ces penchants nés avec l’être mortel, qui,
comme autant de poids de plomb, entraînent l’âme vers les plaisirs sensuels et
grossiers et abaissent ses regards vers les choses inférieures ; si le principe
meilleur dont je viens de parler, dégagé et affranchi, était dirigé vers la
vérité, ces hommes l’apercevraient avec la même sagacité qu’ils aperçoivent les
choses sur lesquelles se porte maintenant leur attention.
Il y a apparence.
N’est-ce pas une conséquence vraisemblable, nécessaire même, de tout
ce que nous avons dit, que le gouvernement des États, s’il ne convient guère à
des hommes sans éducation et étrangers à la connaissance de la vérité, ne va
pas mieux aux habitudes de ceux auxquels on laisse passer toute leur vie dans
l’étude ; les uns, parce qu’ils n’ont dans toute leur conduite aucun but fixe
auquel ils rapportent tout ce qu’ils font dans la carrière de la vie publique
ou privée ; les autres, parce qu’ils ne consentiront jamais à se charger du
fardeau des affaires, eux qui dès leur vivant se croient déjà dans les îles
fortunées.
Tu as raison.
C’est donc à nous, fondateurs de l’État, d’obliger les hommes d’élite
de se tourner vers cette science, que nous avons reconnue tout à l’heure comme
la plus sublime de toutes, de monter le chemin que nous avons dit vers la
région supérieure pour y contempler le bien en lui-même ; mais lorsque,
parvenus à cette élévation, ils auront contemplé le bien pendant le temps
convenable, gardons-nous de leur permettre ce qu’on leur permet aujourd’hui.
Quoi ?
De se fixer dans cette région supérieure et de ne plus vouloir
redescendre auprès des malheureux captifs ni prendre part à leurs travaux, à
leurs honneurs mêmes, quel que soit le cas qu’on doive en faire.
Eh quoi ! dit Glaucon, serons-nous si
injustes envers eux ? Lorsqu’une vie meilleure leur est offerte, les
condamnerons-nous à une vie moins heureuse ?
Tu oublies encore une fois, mon cher ami, que le législateur doit se
proposer, non pas le bonheur d’un ordre particulier de citoyens à l’exclusion
des autres, mais le bonheur de tous, en les unissant entre eux par la
persuasion et l’autorité, en les amenant à se faire part les uns aux autres des
avantages que chacun peut apporter à la société commune ; et que s’il
s’applique à former dans l’État de pareils citoyens, ce n’est pas pour les
laisser libres de faire de leurs facultés tel emploi qu’ils voudront, mais pour
les faire concourir à fortifier le lien de l’État.
Tu dis vrai : je l’avais oublié.
Au reste, mon cher Glaucon, fais attention que nous ne serons pas
coupables d’injustice envers les philosophes qui se formeront chez nous, et
qu’en les obligeant à se charger de la conduite et de la garde de leurs
concitoyens, nous aurons de bonnes raisons à leur donner. « Dans les autres
États, leur dirons-nous, les hommes comme vous sont plus excusables de se
dispenser des travaux de la vie publique, car ils se sont formés eux-mêmes,
malgré le gouvernement ; or, quand on ne doit qu’à soi seul sa naissance et son
accroissement, il est juste qu’on ne soit tenu à la reconnaissance envers
personne. Mais vous, nous vous avons formés dans l’intérêt de l’État comme dans
le vôtre, pour être ce que sont dans les ruches les mères abeilles et les
reines : dans ce dessein, nous vous avons donné une éducation plus parfaite qui
vous rendît plus capables que tous les autres hommes d’allier l’étude de la
sagesse au maniement des affaires. Consentez donc à descendre chacun autant
qu’il est nécessaire dans la demeure commune ; accoutumez vos yeux aux ténèbres
qui y règnent ; lorsque vous vous serez familiarisés avec elles, vous y verrez
mille fois mieux que les habitants de ce séjour ; vous discernerez beaucoup
mieux les fantômes du beau, du juste et du bien, parce que vous avez vu
ailleurs le beau, le juste et le bien lui-même. Ainsi, pour vous comme pour
nous, le gouvernement sera une affaire sérieuse et de gens éveillés, et non pas
un rêve, comme dans la plupart des autres États, où les chefs se battent pour
des ombres vaines et se disputent avec acharnement l'autorité, comme si c’était
un grand bien. Voici là-dessus quelle est la vérité : le bon gouvernement et la
concorde se rencontrent nécessairement dans l’État où ceux qui doivent
commander ne montrent aucun empressement pour leur élévation ; le contraire
arrive dans les États dont les chefs sont ambitieux. »
Cela est vrai.
Eh bien, crois-tu que nos élèves résisteront à la force de ces raisons
? Refuseront-ils de prendre part tour à tour aux affaires publiques pour aller
ensuite passer ensemble la plus grande partie de leur vie dans la région de la
pure lumière ?
Il est impossible qu’ils le refusent ; car
ils sont justes, et nos demandes le sont aussi. Mais alors chacun d’eux ne
prendra le pouvoir que pour acquitter une dette, tout au contraire de ce qui se
fait actuellement dans les autres États.
Il en est ainsi, mon cher ami ; partout où tu trouveras que la
condition des hommes destinés au pouvoir est préférable pour eux au pouvoir
lui-même, il sera possible d’établir un bon gouvernement ; car dans cet État
seul commanderont ceux que rendent vraiment riches, non pas l’or, mais la
sagesse et la vertu, les seules richesses de l’homme heureux : mais partout où
l’on voit courir aux affaires publiques des mendiants, des gens affamés de
biens, qui n’en ont aucuns, et qui s’imaginent que c’est là qu’ils doivent en
aller prendre, il n’y a pas de bon gouvernement possible. Le pouvoir devient
une proie qu’on se dispute ; et cette guerre domestique et intestine finit par
perdre et les hommes qui se disputent le gouvernement de l’État, et l’État
lui-même.
Rien de plus vrai.
Je m’arrête là pour l’extrait du texte mais la suite est tout autant
instructive même si elle est un peu plus « délicate » à interpréter.
Pour ceux qui le souhaite, lire la suite sur ce site :
Remarquable. Merci beaucoup.
RépondreSupprimerAh, la Sagesse des anciens. Que de forces déclinantes pour que nos temps les aient mis sous le boisseau...
Confucius disait les mêmes vérités.
Bien d'accord zul.... :-(
SupprimerJe crois que ceux qui ne "comprennent" pas font néanmoins moins de torts que ceux qui instrumentalisent les "mythes et légendes" pour leur faire dire n'importe quoi.
Je me demande si ce qui bloque ceux que l'on "détache" des entraves afin qu'ils puissent s'élever, est l'adaptation à la lumière ou l'idée de devoir retourner dans la caverne pour tenter d'éclairer les autres, en sachant ce qu'ils vont y retrouver et voyant réagir ces autres (colère, rage même, mauvaise foi ou mensonge automatisé, suffisance chimérique ou perversion...) ?
RépondreSupprimerSalut Lion :-)
SupprimerDans un certain sens, on peut encourager mais je crois que c'est toi-même qui te libère de tes chaînes si tel est le dessein de Dieu.
Les textes de Guénon sur le sujet vont "éclaircir" cette métaphore durant les prochaines semaines. :-)
Mais ceux qui commencent le cheminement ne peuvent pas se bloquer volontairement par crainte de quelque chose qu'ils n'ont pas encore éprouvé.
Par contre, ils peuvent se disqualifier par le "pouvoir" illusoire qu'ils retirent de leur nouvelle "vision" et au lieu de continuer le chemin vers son but ultime (la Délivrance), s'arrêter volontairement ou non, pour privilégier une "main-mise", un pouvoir illusoire, sur leurs congénères. Ils illustreraient par là la phrase : "Au pays des aveugles les borgnes sont rois".
Selon ma compréhension, pour le cas de ceux qui sont parvenus à la Délivrance et qui "redescendent" (Malamatiyah ou gens du Blâme) cela représente un sacrifice terrible en effet.
Un extrait d'un texte que tu pourras trouver ici : http://esprit-universel.over-blog.com/ren%C3%A9-gu%C3%A9non-r%C3%A9alisation-ascendante-et-descendante
"Le « missionné », au sens où nous avons pris ce mot précédemment, est donc littéralement une « victime » ; il est d’ailleurs bien entendu que ceci n’implique nullement, d’une façon générale, que sa vie doive se terminer par une mort violente, puisque, en réalité, c’est cette vie même, dans tout son ensemble, qui est déjà la conséquence du sacrifice. On pourra remarquer immédiatement que c’est là que réside l’explication profonde des hésitations et des « tentations » qui, dans tous les récits traditionnels, et quelle que soit la forme plus spéciale qu’elles revêtent suivant les cas, sont attribuées aux Prophètes, et même aux Avatâras, lorsqu’ils se trouvent en quelque sorte mis en présence de la « mission » qu’ils ont à accomplir.
Ces hésitations, au fond, ne sont autres que celles d’Agni à accepter de devenir le conducteur du « chariot cosmique », ainsi que le dit M. Coomaraswamy dans l’étude que nous avons déjà citée (...) ; et, assurément, la tentation de demeurer dans la « nuit » du non-manifesté se comprend sans peine, car nul ne saurait contester que, en ce sens supérieur, « la nuit est meilleure que le jour »."
Il est d’ailleurs dit que Dante ne souriait plus après son voyage initiatique ; beaucoup pensent que c’est une conséquence de son « voyage en enfer » mais il semble qu'il s'agisse de toute autre chose en rapport avec la perte de la « proximité divine »...
@ Ligeia
SupprimerBonnes et pertinentes remarques !