Moralisme et sentimentalisme : quand l’homme a la
prétention de comprendre et de juger Dieu...
Merci à la
personne qui m’en a fait part... :-)
Il est bien
entendu que ce texte aussi pertinent soit-il, ne sort pas du domaine de
l'analyse moderne et rationnelle ; contrairement à ce qu’il est dit, ce
n'est pas une vie sociale et politique qui manque, c'est une vie spirituelle
et la conscience d’un rattachement divin omniprésent.
Mais il a au
moins le mérite de tirer une sonnette d'alarme sur cette dictature des émotions
qu'on nous impose et que certains avaleront avec d’autant plus d’avidité qu’elle
semble (sur la forme) s’opposer au monde matérialiste alors qu’il ne s’agit en
fait qu’une étape de plus vers l’abîme.
Dans son
livre sur les doctrines hindoues, Guénon nous mettait déjà en garde contre cette
subversion :
« L’influence de l’élément sentimental
porte évidemment atteinte à la pureté intellectuelle de la doctrine, et elle
marque en somme, il faut bien le dire, une déchéance par rapport à la pensée
métaphysique, déchéance qui, d’ailleurs, là où elle s’est produite
principalement et généralement, c’est-à-dire dans le monde occidental, était en
quelque sorte inévitable et même nécessaire en un sens, si la doctrine devait
être adaptée à la mentalité des hommes à qui elle s’adressait spécialement, et
chez qui la sentimentalité prédominait sur l’intelligence, prédominance qui a
d’ailleurs atteint son plus haut point dans les temps modernes. Quoi qu’il en
soit, il n’en est pas moins vrai que le sentiment n’est que relativité et
contingence, et qu’une doctrine qui s’adresse à lui et sur laquelle il réagit
ne peut être elle-même que relative et contingente ; et ceci peut s’observer
particulièrement à l’égard du besoin de « consolations » auquel répond, pour
une large part, le point de vue religieux.
La vérité, en elle-même, n’a point à être
consolante ; si quelqu’un la trouve telle, c’est tant mieux pour lui, certes,
mais la consolation qu’il éprouve ne vient pas de la doctrine, elle ne vient
que de lui-même et des dispositions particulières de sa propre sentimentalité.
Au contraire, une doctrine qui s’adapte aux exigences de l’être sentimental, et
qui doit donc se revêtir elle-même d’une forme sentimentale, ne peut plus être
dès lors identifiée à la vérité absolue et totale ; l’altération profonde que
produit en elle l’entrée d’un principe consolateur est corrélative d’une
défaillance intellectuelle de la collectivité humaine à laquelle elle
s’adresse.
D’un autre côté, c’est de là que naît la
diversité foncière des dogmes religieux, entraînant leur incompatibilité, car,
au lieu que l’intelligence est une, et que la vérité, dans toute la mesure où
elle est comprise, ne peut l’être que d’une façon, la sentimentalité est
diverse, et la religion qui tend à la satisfaire devra s’efforcer de s’adapter
formellement le mieux possible à ses modes multiples, qui sont différents et
variables suivant les races et les époques. »
On cherche
désormais à remplacer les enseignements traditionnels et leur nature
supra-individuelle, par ce que les Protestants appellent le « libre examen »
c’est-à-dire une interprétation laissée à l’appréciation de chacun (et donc
purement individuelle) et basée exclusivement sur la morale et la raison.
Le résultat
ne s’est pas fait attendre : « la
dispersion en une multitude toujours croissante de sectes, dont chacune ne
représente que l’opinion particulière de quelques individus. »
Cette « expérimentation
religieuse personnelle » n’est en somme du pragmatisme appliqué au
domaine religieux et en « humanisant » ainsi la religion, on aboutit inévitablement
à « l’idée d’un Dieu limité plus «
avantageuse » que celle du Dieu infini, parce qu’on peut éprouver pour lui des
sentiments comparables à ceux qu’on éprouve à l’égard d’un homme supérieur »
tout en vidant les doctrines de toute leur essence.
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Moïse et Al Khidr : à méditer... |
Ainsi il en
est même qui en viennent à juger et relativiser les Ecritures sous prétexte qu’elles
sont « intolérantes » et assurent que leurs visions sont plus
véridiques !
« Ce
dont il s’agit alors, ce n’est plus de religion, même amoindrie et déformée,
c’est tout simplement de « religiosité », c’est-à-dire de vagues aspirations
sentimentales qui ne se justifient par aucune connaissance réelle ».
On savait
que les faux prophètes et les « illuminés » pulluleraient à notre
époque mais là, on touche le fond. Et je citerai pour une fois un philosophe
(Pascal) : « Qui veut faire l’ange, fait la bête » (dans tous les
sens du terme...)
«L’homme moderne, au lieu de chercher à
s’élever à la vérité, prétend la faire descendre à son niveau. Les « profanes »
se permettent de discuter des choses sacrées, d’en contester le caractère et
jusqu’à l’existence même ; c’est l’inférieur qui juge le supérieur, l’ignorance
qui impose des bornes à la sagesse, l’erreur qui prend le pas sur la vérité,
l’humain qui se substitue au divin, la terre qui l’emporte sur le ciel,
l’individu qui se fait la mesure de toutes choses et prétend dicter à l’univers
des lois tirées tout entières de sa propre raison relative et faillible. «
Malheur à vous, guides aveugles », est-il dit dans l’Évangile ; aujourd’hui, on
ne voit en effet partout que des aveugles qui conduisent d’autres aveugles, et
qui, s’ils ne sont arrêtés à temps, les mèneront fatalement à l’abîme où ils
périront avec eux. »
Voir aussi
sur la même « problématique » :