Voici des
extraits du livre « Le maître de l’Or » de Charles-André Gilis,
chapitre VIII « Les Mystères kabiriques »
Cette
première partie traitera plus particulièrement des Mystères eux-mêmes, et
établira les liens avec le « feu souterrain », la métallurgie et les« gardiens
des trésors cachés » ; la
seconde partie s’appliquera à montrer le rapport avec les sept Dormants et la
sourate de la Caverne, tout en apportant des précisions capitales le Mahdî et
ses Vizirs.
Temple des 8 Kabires sur l'île de Samothrace en Grèce |
Partie
1 : Les Mystères kabiriques
A plusieurs
occasions, René Guénon a mentionné dans son œuvre une voie initiatique
apparentée à l’hermétisme, celle des Kabires, qui repose, tout comme
l’alchimie, sur un symbolisme métallurgique.
Dans son
texte sur Les pierres de foudre (2),
il écrit :
« Les
foudres de Jupiter sont forgées par Vulcain, ce qui établit un certain rapport
entre le « feu céleste » et le « feu souterrain », rapport
qui n’est pas indiqué dans les cas où il s’agit d’armes de pierre : le
« feu souterrain », en effet, était en relation directe avec le
symbolisme métallurgique, spécialement dans les mystères kabiriques ;
Vulcain forge aussi les armes des héros. »
1 – [Publié dans
Vers la Tradition, n°80, juin-juillet-aout 2000.]
2- Chapitre XXV
des Symboles fondamentaux.
Au chapitre
XXII du Règne de la Quantité,
intitulé « Signification de la métallurgie », il apporte, avec sa
maîtrise habituelle, une série de précisions et de nuances qui fournissent
comme le « fil d’Ariane » permettant d’aborder une question dont il
indique lui-même la complexité.
D’un
côté :
«
(...) le métier [de forgeron] s’associe (...) souvent avec la pratique
d’une magie inférieure et dangereuse, dégénérée finalement, dans la plupart des
cas, en sorcellerie pure et simple. Pourtant, d’un autre côté, la métallurgie,
dans certaines formes traditionnelles, a été au contraire particulièrement
exaltée et a même servi de base à des organisations initiatiques fort importantes
; nous nous contenterons de citer à cet égard l’exemple des Mystères
kabiriques, sans pouvoir d’ailleurs insister ici sur ce sujet très complexe et
qui nous entraînerait beaucoup trop loin ; ce qu’il faut en retenir pour le
moment, c’est que la métallurgie a à la fois un aspect « sacré » et un aspect «
exécré », et, au fond, ces deux aspects procèdent d’un double symbolisme
inhérent aux métaux eux-mêmes. »
Ce que René
Guénon explique ainsi :
« (...) les
métaux, en raison de leurs correspondances astrales, sont en quelque sorte les
« planètes du monde inférieur » ; ils doivent donc naturellement avoir, comme
les planètes elles-mêmes dont ils reçoivent et condensent pour ainsi dire les
influences dans le milieu terrestre, un aspect « bénéfique » et un aspect «
maléfique ». »
Le côté
maléfique, qui peut « facilement devenir prédominant » tient à la
relation de la métallurgie « avec le « feu souterrain », dont
l’idée s’associe sous bien des rapports à celle du « monde
infernal ». » C’est cette association qui explique précisément le
côté « sinistre » du métier de forgeron.
De plus,
comme nous l’avons déjà rappelé (3) :
« [Les]
« entités », qui représentent les influences inférieures (...), et qui sont
considérées comme menant actuellement une existence « souterraine », sont
décrites à la fois comme des géants et comme des nains, ce qui (...) les
identifie, tout au moins sous un certain rapport, aux « gardiens des trésors
cachés » et aux forgerons du « feu souterrain », qui ont aussi, rappelons-le,
un aspect extrêmement maléfique (4). »
L’aspect
bénéfique de la métallurgie est constamment relié par René Guénon aux Kabires
et à leurs initiations :
« Les
Kabires, (...) tout en étant aussi des forgerons, avaient un double aspect
terrestre et céleste, les mettant en rapport à la fois avec les métaux et avec
les planètes correspondantes.
(...) les
influences métalliques, si on les prend par le côté « bénéfique » en les
utilisant d’une façon vraiment « rituelle » au sens le plus complet de ce mot,
sont susceptibles d’être « transmuées » et « sublimées », et elles peuvent même
d’autant mieux devenir alors un « support » spirituel que ce qui est au niveau le plus bas correspond, par analogie inverse, à ce
qui est au niveau le plus élevé (5) ; tout le symbolisme minéral de
l’alchimie est en définitive fondé là-dessus, aussi bien que celui des
anciennes initiations kabiriques. (6) »
D’une
manière plus précise encore, notre maître indique que le simple fait que l’on
trouve « quelque chose de semblable (...) pour les Kabires » montre
bien que le symbolisme des « gardiens des trésors cachés » et celui
des « forgerons travaillant dans le feu souterrain » est
« susceptible de recevoir une application se référant à un ordre
supérieur » (7).
Ces
références aux Kabires et aux Mystères kabiriques, avec les transmutations et
les « sublimations » qu’ils impliquent, permettent de rattacher la
tradition impériale du Maître de l’Or à un symbolisme initiatique
universel ; et de comprendre aussi comment elle peut être intégrée au sein
de la Forme islamique totale dans la perspective eschatologique qui est celle
du Cheikh al-Akbar.
3 – Voir supra,
p. 117.
4 – Le Règne de
la Quantité, chap. XXV : « Les fissures de la Grand Muraille ».
5 – C’est nous
qui soulignons.
6 et 7 – Voir ibid., chap. XXII.
[...]
Mais qui
donc étaient les Kabires ?
Dans le
domaine d’expansion de l’hermétisme égyptien en direction du nord, ils étaient
partout considérés comme les « fils du Dieu suprême ». Selon la
mythologie phénicienne, ce dernier était appelé « Sydyk », nom ou
qualification de la même racine que Tsedeq qui signifie « le Juste ».
Ceci indique
que les Kabires représentaient une hiérarchie initiatique dépendant directement
du Centre du Monde. On sait par ailleurs qu’ils étaient au nombre de sept, ce
qui explique leur assimilation aux planètes, et qu’ils étaient associés au
symbolisme du feu, aussi bien sous son aspect de lumière (céleste ou solaire)
que son aspect de chaleur (terrestre ou souterrain).
Tantôt ils
étaient dits « fils de Zeus », et tantôt « fils de Phtah »
ou d’Héphaïstos. L’assimilation des Dioscures aux Kabires découle, quant à
elle, du fait qu’ils étaient également considérés par les Anciens comme des
« fils de Sydyk ».
Toutefois le
point le plus important est qu’au septénaire ainsi constitué était également
adjoint un huitième Kabire, dont la nature et la fonction sont particulièrement
mystérieux. Rappelons que le huit est le nombre de l’équilibre, notion
étroitement associée à celle de justice. Ajouté au nombre sept, il représente
le monde terrestre ou corporel en tant que celui-ci procède directement du
domaine de la manifestation subtile (19). Par là, il peut être considéré aussi
comme étant le nombre de la forme
individuelle intégrale qui réalise la perfection de l’état humain. Huit
apparaît ainsi comme un des symboles principaux de l’Empire ; c’est d’ailleurs
pourquoi la semaine du Wagadu était composée de huit jours (20) [note : voir le chapitre en entier, passage non
reproduit ici]
19 – Voir R.
Guénon, remarques sur la production des nombres dans Mélanges. Le nombre 8 est
le premier cube parfait, ce qui se rapporte à l’idée, également évoquée par
René Guénon, de « limite de la manifestation de l’Etre ».
20 – Voir L’Empire
de Ghana, p. 119. C’est l’islâm qui introduisit la semaine de sept jours chez
les Soninké. Sur le rôle fondamental du nombre 8 dans les traditions
africaines, voir M. Griaule, Dieu d’eau, en particulier les textes traitant
des jumeaux et du commerce.
Cale dit, l’adjonction
d’une unité au septénaire peut être entendue aussi dans un sens supérieur. Le
huitième symbolise alors directement l’unité principielle et peut être envisagé
comme la synthèse ou, à un autre point de vue, comme le maître des sept autres.
Selon Court
de Gébelin, dont les indications sur ce sujet s ont très révélatrices (21), les
Phéniciens nommaient le huitième Kabire « Es-munus » ou « As-clepius ».
Le premier nom dérive d’une racine qui, dans plusieurs traditions
proches-orientales, signifie « huit » (22) ; il désigne le « feu
vivant et vivificateur » qui brille dans les ténèbres.
Le second
désigne le fils d’Apollon, dieu de la médecine, qui « dans les « livres
hermétiques », [...] devient le fils d’Hermès » » (23).
A propos de
ce rattachement entre le huitième Kabire et Hermès, Court de Gébelin note qu’ils
possèdent tous deux un symbole commun : « la Tête de Chien, qui les
distinguait de tous les autres dieux ».
Et il ajoute
cette note essentielle :
« Asclepius,
désigné par une tête de Chien, en aurait donc le nom : il serait composé des
deux noms As ou Es et Caleb, Chien ; il signifierait le Chien étincelant
de lumière ; et il serait la Canicule (24), qui faisait l’ouverture de l’année
chez les Égyptiens. Ici la Canicule ou Sirius représenterait exactement le
huitième Cabire [...]. Bientôt on le peignit avec un Chien à ses côtés ;
il devint ainsi un Etre adonné à la chasse [...] ; ne soyons pas étonnés
qu’on en ait fait un Chasseur. »
Il précise
encore :
« Macrobe
peint parfaitement l’idée que l’on avait d’Esculape et ses rapports avec le
huitième Cabire, lorsqu’il dit qu’il est la Vertu Salutaire qui « descend
du Soleil sur le corps des mortels, et qui les anime ».
21 – Voir Le
Monde primitif, tome I, Allégories orientales, Histoire de Saturne ; ainsi
que la thèse inédite de M. Christophe Allix, Pérennité et actualité du Serpent
d’Hippocrate, p. 40 et 65.
22 – Des noms
appartenant à des racines communes se retrouvent dans les langues sémitique,
égyptienne, phénicienne et grecque, témoignant d’une certaine unité d’ordre
ésotérique. En Egypte, Hermapolis (la ville d’Hermès) portait, en l’honneur de
son Ogdoade sacrée, le nom égyptien de Khéménou (la ville des Huit) d’où est
dérivé notamment le terme copte « Schmoun » ; voir G. Posener,
Dictionnaire de la civilisation égyptienne, p. 196.
23 – Cf. Formes
traditionnelles et cycles cosmiques, p. 135.
24 – Mot qui
signifie « petit chien » en latin.
Ces passages
relatifs au huitième Kabire donnent la clé qui permet de relier le symbolisme
hermétique du Wagadu [note : voir le chapitre
en entier, passage non reproduit ici] aux doctrines eschatologiques de
l’ésotérisme chrétien et du tasawwuf, ce que laissaient déjà
entrevoir les idées de « centre caché aux regards » et de
« trésors cachés ».
Certes, on pourrait signaler ici que le chien est
un des interdits principaux des Soninké qui ne peuvent, ni le tuer, ni a fortiori le manger ; et rappeler
aussi l’importance des organisations initiatiques de chasseurs en Afrique
occidentale.
Mais ce
n’est pas là l’essentiel, qui réside plutôt dans la fonction éminente du Chien
dans la tradition égyptienne : Anubis, le dieu à tête de chien, est (tout
comme Hermès lui-même auquel cet animal est également associé) le dieu qui
guide les âmes après la mort en vue de leur assurer une vie nouvelle (25), ce
que René Guénon met en correspondance avec le « courant ascendant »
figuré par le serpent guérisseur et vivificateur du Caducée (26). Cette
signification est confirmée par l’aspect « céleste » du symbolisme du
chien.
En effet, l’apparition de la Constellation du Chien, et de Sirius qui
est l’étoile du ciel la plus étincelante, annonçait pour les Egyptiens la crue
du Nil qui, au début de l’été, revivifiait la « Terre noire » (al-Kêmî)
qui n’est autre que l’Egypte elle-même (27).
25 – La
« restauration de la vie » opérée par la médecine est une application
terrestre de la même idée, ce qui explique la relation établie entre la
« Tête de chien » et Esculape.
26 – C’est sa
fonction de « psychopompe », mentionnée par René Guénon dans Hermès
ainsi qu’au chapitre IV de La Grande Triade. Le « courant
descendant » correspond, quant à lui, à celle de « Messager des
dieux ».
27 – Dont le nom
aurait désigné, pour les Grecs, « la citadelle contenant la force subtile
de Phtah ».
Si le lever héliaque de Sirius, coïncidant
avec l’entrée du soleil dans le signe zodiacal du Lion, était l’axe de l’année
égyptienne, c’est avant tout parce qu’il était lié à un symbolisme de
« retour » et de « résurrection ». Le même symbolisme
permet aussi de comprendre la raison pour laquelle, dans l’ésotérisme chrétien,
l’histoire de la Caverne et des sept Dormants contient une référence aux
initiations kabiriques. »
A suivre....
Avez vous l'autorisation de l'Auteur (qui est toujours vivant et que l'on peut contacter facilement) pour partager ses textes au milieu de toutes vos élucubrations ? Soyez certaine qu'il vous désavoue énergiquement...
RépondreSupprimerFaites donc.... ! :-)
SupprimerLa vérité n'a pas de prix ni de propriétaire.
RépondreSupprimerC'est bien dit.... :-)
SupprimerVous n'avez pas compris… c'est fait… depuis longtemps…
RépondreSupprimerEt vous cher françois, avez-vous l'autorisation de l'Auteur pour prétendre qu'il désavouerait cet initiative ?
RépondreSupprimerBonjour Maxime :-)
SupprimerCe dont je suis au moins sure c'est que M. Gilis désavouerait un tel personnage qui prêchait déjà pour sa secte sur le Conspirateur et qui propose l'initiation par correspondance...!
Mais je ne le publierai plus, c'est lui offrir une tribune...