- " Rien
ni personne n’est plus à la place où il devrait être normalement ; les hommes
ne reconnaissent plus aucune autorité effective dans l’ordre spirituel, aucun
pouvoir légitime dans l’ordre temporel ; les « profanes » se permettent de
discuter des choses sacrées, d’en contester le caractère et jusqu’à l’existence
même ; c’est l’inférieur qui juge le supérieur, l’ignorance qui impose des
bornes à la sagesse, l’erreur qui prend le pas sur la vérité, l’humain qui se
substitue au divin, la terre qui l’emporte sur le ciel, l’individu qui se fait
la mesure de toutes choses et prétend dicter à l’univers des lois tirées tout
entières de sa propre raison relative et faillible. « Malheur à vous, guides
aveugles », est-il dit dans l’Évangile ; aujourd’hui, on ne voit en effet
partout que des aveugles qui conduisent d’autres aveugles, et qui, s’ils ne
sont arrêtés à temps, les mèneront fatalement à l’abîme où ils périront avec
eux."
[René
Guénon, La crise du monde moderne, Chapitre V - L’individualisme].
Petit rappel sur l'importance des rites initiatiques ou religieux à travers l'enseignement de René Guénon.
- « Du reste, cette ignorance pratique elle-même, qui
consiste à regarder comme inutile ou superflue la participation à une tradition
exotérique, ne serait pas possible sans une méconnaissance même théorique de
cet aspect de la tradition, et c’est là ce qui la rend encore plus grave, car
on peut se demander si quelqu’un chez qui existe une telle méconnaissance,
quelles que soient d’ailleurs ses possibilités, est bien réellement prêt à
aborder le domaine ésotérique et initiatique, et s’il ne devrait pas plutôt
s’appliquer à mieux comprendre la valeur et la portée de l’exotérisme avant de
chercher à aller plus loin. »
Aucun auteur
traditionnel véritable n'aurait l'idée de médire sur l'importance des rites
religieux, des sacrements et sur l'obligation d'être rattaché à une tradition
régulière.
Le baptême
en fait partie et il symbolise la descente des influences spirituelles. En
faire une "convenance sociale" sans intérêt et superflue est une
aberration totale, si ce n’est pire.
La validité
des rites et leur importance n’a pas à être mise en défaut à cause des
individualités. C’est ce qu’il est expressément rappelé dans ces extraits de
RG :
- « (...) même si cette autorité, par la faute de ses
représentants, avait entièrement perdu l’« esprit » de sa doctrine, la seule
conservation du dépôt de la « lettre » et des formes extérieures dans
lesquelles cette doctrine est contenue en quelque façon continuerait encore à
lui assurer la puissance nécessaire et suffisante pour exercer valablement sa
suprématie sur le temporel (82), car cette suprématie est attachée à l’essence
même de l’autorité spirituelle et lui appartient tant qu’elle subsiste
régulièrement, si diminuée qu’elle puisse être en elle-même, la moindre
parcelle de spiritualité étant encore incomparablement supérieure à tout ce qui
relève de l’ordre temporel. »
82 - Ce cas est
comparable à celui d’un homme qui aurait reçu en héritage une cassette fermée
contenant un trésor, et qui, ne pouvant l’ouvrir, ignorerait la vraie nature de
celui-ci ; cet homme n’en serait pas moins l’authentique possesseur du trésor ;
la perte de la clef ne lui en enlèverait pas la propriété, et, si certaines
prérogatives extérieures étaient attachées à cette propriété, il conserverait
toujours le droit de les exercer ; mais, d’autre part, il est évident que, en
ce qui le concerne personnellement, il ne pourrait, dans ces conditions, avoir
effectivement la pleine jouissance de son trésor. »
Il ajoute
plus loin :
- « Nous dirons d’abord pour exprimer les choses de la
façon la plus simple, qu’on ne bâtit pas sur le vide ; or l’existence
uniquement profane, dont tout élément traditionnel est exclu, n’est bien
réellement à cet égard que vide et néant. Si l’on veut construire un édifice,
on doit tout d’abord en établir les fondations ; celles-ci sont la base
indispensable sur laquelle s’appuiera tout l’édifice, y compris ses parties les
plus élevées et elles le demeureront toujours, même quand il sera achevé. De même, l’adhésion à un exotérisme est une condition
préalable pour parvenir à l’ésotérisme, et, en outre, il ne faudrait pas croire
que cet exotérisme puisse être rejeté dès lors que l’initiation a été obtenue,
pas plus que les fondations ne peuvent être supprimées lorsque l’édifice est
construit. »
Faire
dépendre la validité de la Source avec ses « instruments » c’est un renversement
caractéristique des rapports normaux de l’ordre traditionnel ; depuis
quand le supérieur serait-il assujetti à l’inférieur ?! Par contre, telle
sera bien la démarche du futur représentant de la contre-initiation !
A force de
syncrétisme, ces personnes vident la religion de tout ce qui constituait son
essence, son rattachement au divin et la réalité des influences spirituelles,
pour n’en faire qu’une « religion de l’homme » rabaissée à son niveau
et explicitée par des « expérimentations personnelles » (qui elles
bien entendu sont véridiques !).
Cela ne
relève même plus du « libre examen » si cher au protestantisme mais bien
d’une déviance faite d'ignorance, d'incompréhension et d'orgueil.
Je conclurai
en rappelant cette phrase de M. Gilis :
- « Mais
après nous avoir donné (...) la preuve de leur disqualification, puissent [ces
personnes] s’abstenir désormais de toute intrusion en ce domaine, et laisser,
une fois pour toutes, Guénon et les guénoniens en paix ! »
Cet extrait
de R. Guénon sur les rites initiatiques et exotériques :
"ll importe de remarquer tout d’abord que la présence des rites
est un caractère commun à toutes les institutions traditionnelles, de quelque
ordre qu’elles soient, exotériques aussi bien qu’ésotériques, en prenant ces
termes dans leur sens le plus large comme nous l’avons déjà fait précédemment.
Ce caractère est une conséquence de l’élément « non-humain » impliqué
essentiellement dans de telles institutions, car on peut dire que les rites ont
toujours pour but de mettre l’être humain en rapport, directement ou
indirectement, avec quelque chose qui dépasse son individualité et qui
appartient à d’autres états d’existence ; il est d’ailleurs évident qu’il n’est
pas nécessaire dans tous les cas que la communication ainsi établie soit
consciente pour être réelle, car elle s’opère le plus habituellement par
l’intermédiaire de certaines modalités subtiles de l’individu, modalités dans
lesquelles la plupart des hommes sont actuellement incapables de transférer le
centre de leur conscience.
Quoi qu’il en soit, que l’effet soit apparent ou non, qu’il soit
immédiat ou différé, le rite porte toujours son efficacité en lui-même, à la
condition, cela va de soi, qu’il soit accompli conformément aux règles
traditionnelles qui assurent sa validité, et hors desquelles il ne serait plus
qu’une forme vide et un vain simulacre ; et cette efficacité n’a rien de «
merveilleux » ni de « magique », comme certains le disent parfois avec une
intention manifeste de dénigrement et de négation, car elle résulte tout
simplement des lois nettement définies suivant lesquelles agissent les
influences spirituelles, lois dont la « technique » rituelle n’est en somme que
l’application et la mise en œuvre (1).
Cette considération de l’efficacité inhérente aux rites, et fondée sur
des lois qui ne laissent aucune place à la fantaisie ou à l’arbitraire, est
commune à tous les cas sans exception ; cela est vrai pour les rites d’ordre
exotérique aussi bien que pour les rites initiatiques, et, parmi les premiers,
pour les rites relevant de formes traditionnelles non religieuses aussi bien
que pour les rites religieux. Nous devons rappeler encore à ce propos, car
c’est là un point des plus importants, que, comme nous l’avons déjà expliqué
précédemment, cette efficacité est entièrement indépendante de ce que vaut en
lui-même l’individu qui accomplit le rite ; la fonction seule compte ici, et
non l’individu comme tel ; en d’autres termes, la condition nécessaire et
suffisante est que celui-ci ait reçu régulièrement le pouvoir d’accomplir tel
rite ; peu importe qu’il n’en comprenne pas vraiment la signification, et même
qu’il ne croie pas à son efficacité, cela ne saurait empêcher le rite d’être
valable si toutes les règles prescrites ont été convenablement observées
(2)."
"De là résulte immédiatement cette conséquence, que les rites
d’initiation confèrent un caractère définitif et ineffaçable ; il en est
d’ailleurs de même, dans un autre ordre, de certains rites religieux, qui, pour
cette raison, ne sauraient jamais être renouvelés pour le même individu, et qui
sont par là même ceux qui présentent l’analogie la plus accentuée avec les
rites initiatiques, à tel point qu’on pourrait, en un certain sans, les
considérer comme une sorte de transposition de ceux-ci dans le domaine
exotérique (8)."
(1)
Il est à peine besoin de dire que toutes les considérations que nous exposons
ici concernent exclusivement les rites véritables, possédant un caractère
authentiquement traditionnel, et que nous nous refusons absolument à donner ce
nom de rites à ce qui n’en est qu’une parodie, c’est-à-dire à des cérémonies
établies en vertu de coutumes purement humaines, et dont l’effet, si tant est
qu’elles en aient un, ne saurait en aucun cas dépasser le domaine «
psychologique », au sens le plus profane de ce mot ; la distinction des rites
et des cérémonies est d’ailleurs assez importante pour que nous la traitions
spécialement dans la suite.
(2)
C’est donc une grave erreur d’employer, comme nous l’avons vu faire souvent à
certain écrivain maçonnique, apparemment fort satisfait de cette « trouvaille »
plutôt malencontreuse, l’expression de « jouer au rituel » en parlant de
l’accomplissement des rites initiatiques par des individus qui en ignorent le
sens et qui ne cherchent même pas à le pénétrer ; une telle expression ne saurait
convenir qu’au cas de profanes qui simuleraient les rites, n’ayant pas qualité
pour les accomplir valablement ; mais, dans une organisation initiatique, si
dégénérée qu’elle puisse être quant à la qualité de ses membres actuels, le
rituel n’est pas quelque chose à quoi l’on joue, il est et demeure toujours une
chose sérieuse et réellement efficace, même à l’insu de ceux qui y prennent
part.
(8)
On sait que, parmi les sept sacrements du Catholicisme, il en est trois qui
sont dans ce cas et ne peuvent être reçus qu’une seule fois : le baptême, la
confirmation et l’ordre ; l’analogie du baptême avec une initiation, en tant
que « seconde naissance », est évidente, et la confirmation représente en
principe l’accession à un degré supérieur ; quant à l’ordre, nous avons déjà
signalé les similitudes qu’on peut y trouver en ce qui concerne la transmission
des influences spirituelles, et qui sont encore rendues plus frappantes par le
fait que ce sacrement n’est pas reçu par tous et requiert, comme nous l’avons dit,
certaines qualifications spéciales.
René Guénon, Aperçus sur l’initiation, Chap. XV – Des rites
initiatiques
Voir sur ce sujet :
Guénon : du respect et de la nécessité des formes traditionnelles religieuses :
Nécessité de l’exotérisme traditionnel
Synthèse et syncrétisme
Contre le mélange des formes traditionnelles
L’individualisme