Publié dans « Voile d’Isis », janvier 1927.
Repris dans l’ouvrage « ÉTUDES SUR LA FRANC-MAÇONNERIE ET LE
COMPAGNONNAGE »
Disponible ici en pdf :
Un article de M. Armand Bédarride, paru dans le Symbolisme de mai
1929, et auquel nous avons déjà fait allusion dans notre chronique des revues,
nous paraît susceptible de donner lieu à quelques réflexions utiles.
Cet article, intitulé Les Idées de nos Précurseurs, concerne les
corporations du moyen âge considérées comme ayant transmis quelque chose de
leur esprit et de leurs traditions à la Maçonnerie moderne.
Notons tout d’abord, à ce propos, que la distinction entre «
Maçonnerie opérative » et « Maçonnerie spéculative » nous paraît devoir être
prise en un tout autre sens que celui qu’on lui attribue d’ordinaire. En effet,
on s’imagine le plus souvent que les Maçons « opératifs » n’étaient que de
simples ouvriers ou artisans, et rien de plus ni d’autre, et que le symbolisme
aux significations plus ou moins profondes ne serait venu qu’assez tardivement,
par suite de l’introduction, dans les organisations corporatives, de personnes
étrangères à l’art de construire.
Tel n’est d’ailleurs pas l’avis de M. Bédarride, qui cite un assez
grand nombre d’exemples, notamment dans les monuments religieux, de figures
dont le caractère symbolique est incontestable ; il parle en particulier des
deux colonnes de la cathédrale de Wurtzbourg, « qui prouvent, dit-il, que les
Maçons constructeurs du XIVe siècle pratiquaient un symbolisme philosophique »,
ce qui est exact, à la condition, cela va de soi, de l’entendre au sens de «
philosophie hermétique », et non pas dans l’acception courante où il ne
s’agirait que de la philosophie profane, laquelle, du reste, n’a jamais fait le
moindre usage d’un symbolisme quelconque.
On pourrait multiplier les exemples indéfiniment ; le plan même des
cathédrales est éminemment symbolique, comme nous l’avons déjà fait remarquer
en d’autres occasions ; et il faut ajouter aussi que, parmi les symboles usités
au moyen âge, outre ceux dont les Maçons modernes ont conservé le souvenir tout
en n’en comprenant plus guère la signification, il y en a bien d’autres dont
ils n’ont pas la moindre idée (1).
1
Nous avons eu dernièrement l’occasion de relever, à la cathédrale de Strasbourg
et sur d’autres édifices d’Alsace, un assez grand nombre de marques de
tailleurs de pierres, datant d’époques diverses, depuis le XIIe siècle jusqu’au
début du XVIIe ; parmi ces marques, il en est de fort curieuses, et nous avons
notamment trouvé le swastika, auquel M. Bédarride fait allusion, dans une des
tourelles de la flèche de Strasbourg.
Il faut à notre avis, prendre en quelque sorte le contre-pied de
l’opinion courante, et considérer la « Maçonnerie spéculative » comme n’étant,
à bien des points de vue, qu’une dégénérescence de la « Maçonnerie opérative ».
Cette dernière, en effet, était vraiment complète dans son ordre, possédant à
la fois la théorie et la pratique correspondante, et sa désignation peut, sous
ce rapport, être entendue comme une allusion aux « opérations » de l’« art
sacré », dont la construction selon les règles traditionnelles était une des
applications.
Quant à la « Maçonnerie spéculative » qui a d’ailleurs pris naissance
à un moment où les corporations constructives étaient en pleine décadence, son
nom indique assez clairement qu’elle est confinée dans la « spéculation » pure
et simple, c’est-à-dire dans une théorie sans réalisation ; assurément, ce
serait se méprendre de la plus étrange façon que de regarder cela comme un « progrès
».
Si encore il n’y avait eu là qu’un amoindrissement, le mal ne serait
pas si grand qu’il l’est en réalité ; mais, comme nous l’avons dit déjà à
diverses reprises, il y a eu en outre une véritable déviation au début du
XVIIIe siècle, lors de la constitution de la Grande Loge d’Angleterre, qui fut
le point de départ de toute la Maçonnerie moderne.
Nous n’y insisterons pas davantage pour le moment, mais nous tenons à
faire remarquer que, si l’on veut comprendre vraiment l’esprit des
constructeurs du moyen âge, ces observations sont tout à fait essentielles ;
autrement, on ne s’en ferait qu’une idée fausse ou tout au moins fort
incomplète. Une autre idée qu’il n’importe pas moins de rectifier, c’est celle
d’après laquelle l’emploi de formes symboliques aurait été simplement imposé
par des raisons de prudence. Que ces raisons aient existé parfois, nous ne le
contestons pas, mais ce n’est là que le côté le plus extérieur et le moins
intéressant de la question ; nous l’avons dit à propos de Dante et des « Fidèles
d’Amour » (2), et nous pouvons le redire en ce qui concerne les corporations de
constructeurs, d’autant plus qu’il a dû y avoir des liens assez étroits entre
toutes ces organisations, de caractère en apparence si différent, mais qui
toutes participaient aux mêmes connaissances traditionnelles (3).
Or le symbolisme est précisément le mode d’expression normal des
connaissances de cet ordre ; c’est là sa véritable raison d’être, et cela dans
tous les temps et dans tous les pays, même dans les cas où il n’y avait
nullement lieu de dissimuler quoi que ce soit, et tout simplement parce qu’il y
a des choses qui, par leur nature même, ne peuvent s’exprimer autrement que
sous cette forme.
La méprise qu’on commet trop souvent à cet égard, et dont nous
trouvons jusqu’à un certain point l’écho dans l’article de M. Bédarride, nous
paraît avoir deux motifs principaux, dont le premier est que, généralement, on
conçoit assez mal ce qu’était le catholicisme au moyen âge. Il ne faudrait pas
oublier que, comme il y a un ésotérisme musulman, il y avait aussi à cette
époque un ésotérisme catholique, nous voulons dire un ésotérisme prenant sa
base et son point d’appui dans les symboles et les rites de la religion
catholique, et se superposant à celle-ci sans s’y opposer en aucune façon ; et
il n’est pas douteux que certains Ordres religieux furent fort loin d’être
étrangers à cet ésotérisme.
2
Voir le Voile d’Isis de février 1929. [Note de l’Éditeur : Cet article forme
maintenant le chapitre IV de Aperçus sur l’Ésotérisme chrétien.]
3
Les Compagnons du « Rite de Salomon » ont conservé jusqu’à nos jours le
souvenir de leur connexion avec l’Ordre du Temple.
Si la tendance de la plupart des catholiques actuels est de nier
l’existence de ces choses, cela prouve seulement qu’ils ne sont pas mieux
informés à cet égard que le reste de nos contemporains. Le second motif de
l’erreur que nous signalons, c’est qu’on s’imagine que ce qui se cache sous les
symboles, ce sont presque uniquement des conceptions sociales ou politiques (4)
; il s’agit de bien autre chose que cela en réalité. Les conceptions de cet
ordre ne pouvaient avoir, aux yeux de ceux qui possédaient certaines
connaissances, qu’une importance somme toute très secondaire, celle d’une
application possible parmi beaucoup d’autres ; nous ajouterons même que,
partout où elles en sont arrivées à prendre une trop grande place et à devenir
prédominantes, elles ont été invariablement une cause de dégénérescence et de
déviation (5).
N’est-ce pas là, précisément, ce qui a fait perdre à la Maçonnerie
moderne la compréhension de ce qu’elle conserve encore de l’ancien symbolisme
et des traditions dont, malgré toutes ses insuffisances, elle semble être, il
faut bien le dire, l’unique héritière dans le monde occidental actuel. Si l’on
nous objecte, comme preuve des préoccupations sociales des constructeurs, les
figures satiriques et plus ou moins licencieuses qu’on rencontre parfois dans
leurs œuvres, la réponse est bien simple : ces figures sont surtout destinées à
dérouter les profanes, qui s’arrêtent à l’apparence extérieure et ne voient pas
ce qu’elles dissimulent de plus profond.
Il y a là quelque chose qui est d’ailleurs loin d’être particulier aux
constructeurs ; certains écrivains, comme Boccace, Rabelais surtout et bien
d’autres encore, ont pris le même masque et usé du même procédé. Il faut croire
que ce stratagème a bien réussi, puisque, de nos jours encore, et sans doute
plus que jamais, les profanes s’y laissent prendre.
Si l’on veut aller au fond des choses, il faut voir dans le symbolisme
des constructeurs l’expression de certaines sciences traditionnelles, se
rattachant à ce qu’on peut, d’une façon générale, désigner par le nom d’«
hermétisme ». Seulement, il ne faudrait pas croire, parce que nous parlons ici
de « sciences », qu’il s’agit de quelque chose de comparable à la science
profane, seule connue de presque tous les modernes ; il semble qu’une
assimilation de ce genre se soit faite dans l’esprit de M. Bédarride, qui parle
de « la forme changeante des connaissances positives de la science », ce qui
s’applique proprement et exclusivement à la science profane, et qui, prenant à
la lettre des images purement symboliques, croit y découvrir des idées «
évolutionnistes » et même « transformistes », idées qui sont en contradiction
absolue avec toute donnée traditionnelle.
Nous avons développé longuement, dans plusieurs de nos ouvrages, la
distinction essentielle de la science sacrée ou traditionnelle et de la science
profane ; nous ne pouvons songer à reproduire ici toutes ces considérations,
mais du moins avons-nous jugé bon d’attirer l’attention une fois de plus sur ce
point capital.
4
Cette façon de voir est en grande partie celle d’Aroux et de Rossetti, en ce
qui concerne l’interprétation de Dante, et on la rencontre aussi en bien des passages
de l’Histoire de la Magie d’Éliphas Lévi.
5
L’exemple de certaines organisations musulmanes, dans lesquelles des
préoccupations politiques ont en quelque sorte étouffé la spiritualité
originelle, est très net à cet égard.
Nous n’ajouterons que quelques mots pour conclure : ce n’est pas sans
raison que Janus, chez les Romains, était à la fois le dieu de l’initiation aux
mystères et le dieu des corporations d’artisans ; ce n’est pas sans raison non
plus que les constructeurs du moyen âge conservèrent les deux fêtes
solsticiales de ce même Janus, devenues, avec le Christianisme, les deux
Saint-Jean d’hiver et d’été ; et, quand on connaît la connexion de saint Jean
avec le côté ésotérique du Christianisme, ne voit-on pas immédiatement par là
que, sous une adaptation requise par les circonstances et par les « lois
cycliques », c’est bien toujours de la même initiation aux mystères qu’il
s’agit effectivement ?
Quelle honte ! Religiosité vidée de toute essence sans plus aucune connexion avec le divin.
RépondreSupprimerCe genre de pratiques relève de l'apparence et cela n’a rien en commun avec les rites religieux véritables. Là il ne s'agit que de cérémonies sociales sans aucune valeur, encore des concessions au monde moderne !
"Pris d'une envie soudaine d'être baptisé mais réticent face à la perspective d'une préparation exigeante ? L'Eglise du Danemark a la solution: ses paroisses organisent régulièrement des baptêmes en libre-service pour faire rentrer les brebis dans la bergerie dégarnie.
La procédure est assez simple: pour franchir le seuil d'une église qui organise un "baptême sans rendez-vous" - c'est le cas d'une paroisse par mois environ - il suffit d'être muni d'une pièce d'identité.
A l'issue d'une courte discussion avec un pasteur, vous pouvez être baptisé. La cérémonie dure quelques minutes à peine, puis vient l'heure de profiter de rafraîchissements offerts par la paroisse.
Pour Peter Skov-Jakobsen, le paterne évêque de Copenhague, le sacrement "est le début du voyage" dans la foi luthérienne des nouveaux chrétiens. Nul besoin de passer au peigne fin leurs connaissances bibliques ni de leur imposer une exhaustive préparation.
Il explique le relatif regain d'intérêt pour l'Eglise par une quête de spiritualité propre à l'époque contemporaine.
Dans les royaumes voisins de Norvège et de Suède, l'église protestante a également eu recours aux mêmes opérations.
Au Danemark où l'Eglise, progressiste, a commencé à bénir les unions homosexuelles dès 1997 et autorise les mariages homosexuels depuis 2012, chaque membre adulte se doit de contribuer au financement du culte par l'impôt.
Les motivations des nouveaux baptisés sont diverses et souvent prosaïques entre parents qui réparent un "oubli" en faisant baptiser leurs enfants, adolescents qui veulent se faire confirmer, malades ou urbains en quête de sens.
A 73 ans, John Ib Knudsen, "y a pensé pendant longtemps" avant de sauter le pas. "J'ai vu l'annonce dans le journal et je me suis dit qu'il était temps pour une renaissance", confie-t-il.
Après la cérémonie, il comptait aller "surprendre" sa mère nonagénaire, farouche anticléricale, en lui montrant son attestation de baptême.
Pour Jacob Kleofas Christensen, le pasteur qui a baptisé Ida, l'Eglise n'est pas complaisante en proposant cette cérémonie sans préalable mais répond à la soif du public de tradition et de rituels.
Aucun opportunisme dans cette démarche, garantit l'évêque Peter Skov-Jakobsen. "Nous essayons d'être pertinent dans notre société", sourit-il. "L'Eglise protestante a toujours été un mouvement d'esprits libres".
Dernièrement, un pasteur de son diocèse a proposé de bénir les divorces. "Dans un divorce, il y a de telles questions existentielles (...) qu'il est logique d'introduire un rituel", a-t-il défendu dans la presse locale."
Source : https://www.nouvelobs.com/societe/20190418.AFP4920/le-bapteme-en-libre-service-dans-l-eglise-du-danemark-en-manque-de-fideles.html