vendredi 17 mai 2019

René Guénon - Le cœur rayonnant et le cœur enflammé


René Guénon, Le cœur rayonnant et le cœur enflammé, Regnabit - avril 1926, repris dans Études Traditionnelles, juin-juillet 1946.
  •  « le monde moderne devait aussi voir naître (...) ce qu’on peut appeler le sentimentalisme, c’est-à-dire la tendance à voir dans le sentiment ce qu’il y a de plus profond et de plus élevé dans l’être, à affirmer sa suprématie sur l’intelligence ; et il est bien évident qu’une telle chose, comme tout ce qui n’est en réalité qu’exaltation de l’« infra-rationnel » sous une forme ou sous une autre, n’a pu se produire que parce que l’intelligence avait été tout d’abord réduite à la seule raison. »
NOTE : 

Dans le symbolisme traditionnel, le cœur ne renvoie pas à autre chose qu’au Pur Intellect, à la Connaissance intuitive dont a parlé Guénon.
Prétendre borner ces notions d’amour et de cœur à des émotions et des ressentis purement humains c’est nier tout bonnement la métaphysique, l’ésotérisme et l’initiation, ou tout au moins, en réduire singulièrement la portée en ignorant ses principes les plus élémentaires !  

Que certaines choses ne soient pas à la portée de tout le monde, cela se conçoit sans peine.
Ce qui est inacceptable, c’est que faute de pouvoir envisager ce qui est au-delà de leurs possibilités, ces personnes prétendre réduire la Vérité uniquement à ce qu’elles peuvent en comprendre ; « assurément, des aveugles seraient tout aussi bien fondés à nier l’existence de la lumière et à en tirer prétexte pour se vanter d’être supérieurs aux hommes normaux ! On dit que « quand un trésor est cherché par quelqu’un à qui, pour une raison quelconque, il n’est pas destiné, l’or et les pierres précieuses se changent pour lui en charbon et en cailloux vulgaires…. »








En parlant, à propos de « la lumière et la pluie », des représentations du soleil avec des rayons alternativement rectilignes et ondulés, nous avons signalé que ces deux sortes de rayons se retrouvent aussi, d’une façon toute semblable, dans certaines figurations symboliques du cœur ; un des exemples les plus intéressants qu’on puisse en donner est celui du cœur figuré sur un petit bas-relief de marbre noir, datant apparemment du XVIe siècle et provenant de la Chartreuse de Saint-Denis d’Orques, qui a été étudié autrefois par L. Charbonneau-Lassay (1). 

Ce cœur rayonnant est placé au centre de deux cercles sur lesquels se trouvent respectivement les planètes et les signes du Zodiaque, ce qui le caractérise expressément comme le « Centre du Monde », sous le double rapport du symbolisme spatial et du symbolisme temporel (2) ; cette figuration est évidemment « solaire », mais, d’ailleurs, le fait que le soleil, entendu au sens « physique », se trouve lui-même placé sur le cercle planétaire, ainsi qu’il doit l’être normalement dans le symbolisme astrologique, montre bien qu’il s’agit proprement ici du « Soleil spirituel ».



Il est à peine besoin de rappeler que l’assimilation du soleil et du cœur, en tant que l’un et l’autre ont également une signification « centrale », est commune à toutes les doctrines traditionnelles, en Occident aussi bien qu’en Orient ; c’est ainsi, par exemple, que Proclus dit en s’adressant au soleil :
« Occupant au-dessus de l’éther le trône du milieu, et ayant pour figure un cercle éblouissant qui est le Cœur du Monde, tu remplis tout d’une providence à même de réveiller l’intelligence » (3).
Nous citons plus particulièrement ce texte ici, de préférence à bien d’autres, en raison de la mention formelle qui y est faite de l’intelligence ; et, comme nous avons eu souvent l’occasion de l’expliquer, le cœur est considéré aussi avant tout, dans toutes les traditions, comme le siège de l’intelligence (4). D’ailleurs, selon Macrobe, « le nom d’Intelligence du Monde que l’on donne au Soleil répond à celui de Cœur du Ciel (5) ; source de la lumière éthérée, le Soleil est pour ce fluide ce que le cœur est pour l’être animé (6) » ; et Plutarque écrit que le Soleil, « ayant la force d’un cœur, disperse et répand de lui-même la chaleur et la lumière, comme si c’était le sang et le souffle (7) ».

Nous retrouvons dans ce dernier passage, tant pour le cœur que pour le soleil, l’indication de la chaleur et de la lumière, correspondant aux deux sortes de rayons que nous avons envisagés ; si le « souffle » y est rapporté à la lumière, c’est qu’il est proprement le symbole de l’esprit, qui est essentiellement la même chose que l’intelligence ; quant au sang, il est évidemment le véhicule de la « chaleur animatrice », ce qui se réfère plus spécialement au rôle « vital » du principe centre de l’être (8).

(1) Le Marbre astronomique de Saint-Denis d’Orques, dans Regnabit, février 1924.
(2) Il y a aussi, dans cette même figuration, d’autres détails qui ont un grand intérêt au point de vue symbolique ; ainsi, notamment, le cœur porte une blessure ou du moins ce qui présente l’apparence extérieure d’une blessure, ayant la forme d’un iod hébraïque, ce qui se réfère à la fois à l’« Œil du cœur » et au « germe » avatârique résidant au « centre », que celui-ci soit d’ailleurs entendu au sens macrocosmique (ce qui est manifestement le cas ici) ou au sens microcosmique (cf. Aperçus sur l’initiation, ch. XLVIII).
(3) Hymne au Soleil, traduction Mario Meunier.
(4) Il est bien entendu (et nous y reviendrons d’ailleurs plus loin) qu’il s’agit ici de l’intelligence pure, au sens universel, et non de la raison, qui n’en est qu’un simple reflet dans l’ordre individuel, et qui est rapportée au cerveau, celui-ci étant alors par rapport au cœur, dans l’être humain, l’analogue de ce que la lune est par rapport au soleil dans le monde.
(5) Cette expression de « Cœur du Ciel », appliquée au soleil, se retrouve aussi dans les anciennes traditions de l’Amérique centrale.
(6) Songe de Scipion, I, 20.
(7) De la face que l’on voit dans le cercle de la lune, 15, 4. – Ce texte et le précédent sont cités en note par le traducteur à propos du passage de Proclus que nous venons de reproduire.
(8) Aristote assimile la vie organique à la chaleur, en quoi il est d’accord avec toutes les doctrines orientales ; Descartes lui-même place dans le cœur un « feu sans lumière », mais qui n’est pour lui que le principe d’une théorie physiologique exclusivement « mécaniste » comme toute sa physique, ce qui, bien entendu, n’a rien de commun avec le point de vue traditionnel des anciens.

Dans certains cas, en ce qui concerne le cœur, la figuration ne comporte qu’un seul des deux aspects de lumière et de chaleur : la lumière est naturellement représentée par un rayonnement du type ordinaire, c’est-à-dire formé uniquement de rayons rectilignes ; quant à la chaleur, elle est représentée le plus habituellement par des flammes sortant du cœur. 
On peut d’ailleurs remarquer que le rayonnement, même quand les deux aspects y sont réunis, paraît suggérer, d’une façon générale, une prépondérance reconnue à l’aspect lumineux ; cette interprétation est confirmée par le fait que les représentations du cœur rayonnant, avec ou sans la distinction de deux sortes de rayons, sont les plus anciennes, datant pour la plupart d’époques où l’intelligence était encore rapportée traditionnellement au cœur, tandis que celles du cœur enflammé se sont répandues surtout avec les idées modernes réduisant le cœur à ne plus correspondre qu’au sentiment (9).



On ne sait que trop, en effet, qu’on en est arrivé à ne plus donner au cœur d’autre signification que celle-là, et à oublier entièrement sa relation avec l’intelligence ; l’origine de cette déviation est d’ailleurs sans doute imputable pour une grande part au rationalisme, en tant que celui-ci prétend identifier purement et simplement l’intelligence à la raison, car ce n’est point avec cette dernière que le cœur est en rapport, mais bien avec l’intellect transcendant, qui précisément est ignoré et même nié par le rationalisme.

Il est vrai, d’autre part, que, dès lors que le cœur est considéré comme le centre de l’être, toutes les modalités de celui-ci peuvent en un certain sens lui être rapportées au moins indirectement, y compris le sentiment, ou ce que les psychologues appellent l’« affectivité » ; mais il n’y en a pas moins lieu d’observer en cela les relations hiérarchiques, et de maintenir que l’intellect seul est véritablement « central », tandis que toutes les autres modalités n’ont qu’un caractère plus ou moins « périphérique ». 

Seulement, l’intuition intellectuelle qui réside dans le cœur étant méconnue (10), et la raison qui réside dans le cerveau ayant usurpé son rôle « illuminateur (11) », il ne restait plus au cœur que la seule possibilité d’être regardé comme le siège de l’affectivité (12) ; d’ailleurs, le monde moderne devait aussi voir naître, comme une sorte de contrepartie du rationalisme, ce qu’on peut appeler le sentimentalisme, c’est-à-dire la tendance à voir dans le sentiment ce qu’il y a de plus profond et de plus élevé dans l’être, à affirmer sa suprématie sur l’intelligence ; et il est bien évident qu’une telle chose, comme tout ce qui n’est en réalité qu’exaltation de l’« infra-rationnel » sous une forme ou sous une autre, n’a pu se produire que parce que l’intelligence avait été tout d’abord réduite à la seule raison.

(9) Il est remarquable, à cet égard, que, dans le symbolisme chrétien en particulier, les plus anciennes figurations connues du Sacré-Cœur appartiennent toutes au type du cœur rayonnant, tandis que, dans celles qui ne remontent pas au-delà du XVIIe siècle, c’est le cœur enflammé qu’on rencontre d’une façon constante et à peu près exclusive ; il y a là un exemple assez significatif de l’influence exercée par les conceptions modernes jusque dans le domaine religieux.
(10) C’est cette intuition intellectuelle qui est symbolisée proprement par l’« œil du cœur ».
(11) Cf. ce que nous avons dit ailleurs sur le sens rationaliste donné aux « lumières » au XVIIIe siècle, notamment en Allemagne, et sur la signification connexe de la dénomination des Illuminés de Bavière (Aperçus sur l’initiation, ch. XII).
(12) C’est ainsi que Pascal, contemporain des débuts du rationalisme proprement dit, entend déjà le « cœur » au sens exclusif de « sentiment ».

Maintenant, si l’on veut, en dehors de la déviation moderne dont nous venons de parler, établir, dans les limites légitimes, un certain rapport du cœur avec l’affectivité, on devra regarder ce rapport comme résultant directement de la considération du cœur comme « centre vital » et siège de la « chaleur animatrice », vie et affectivité étant deux choses très proches l’une de l’autre, sinon même tout à fait connexes, tandis que le rapport avec l’intelligence est évidemment d’un tout autre ordre. 

Du reste, cette étroite relation de la vie et de l’affectivité est nettement exprimée par le symbolisme lui-même, puisque l’une et l’autre y sont également représentées sous l’aspect de la chaleur (13) ; et c’est en vertu de cette même assimilation, mais faite alors d’une façon assez peu consciente, que, dans le langage ordinaire, on parle couramment de la chaleur du sentiment ou de l’affection (14). 

Il faut aussi remarquer à ce propos que, quand le feu se polarise en ces deux aspects complémentaires qui sont la lumière et la chaleur, ceux-ci sont pour ainsi dire, dans leur manifestation, en raison inverse l’un de l’autre ; et l’on sait que, même au simple point de vue de la physique, une flamme est en effet d’autant plus chaude qu’elle est moins éclairante. 
De même, le sentiment n’est véritablement qu’une chaleur sans lumière (15), et l’on peut aussi trouver dans l’homme une lumière sans chaleur, celle de la raison, qui n’est qu’une lumière réfléchie, froide comme la lumière lunaire qui la symbolise.


Dans l’ordre des principes, au contraire, les deux aspects, comme tous les complémentaires, se rejoignent et s’unissent indissolublement, puisqu’ils sont constitutifs d’une même nature essentielle ; il en est donc ainsi en ce qui concerne l’intelligence pure, qui appartient proprement à cet ordre principiel, et ceci confirme encore que, comme nous l’indiquions précédemment, le rayonnement symbolique sous sa double forme peut lui être rapporté intégralement.

Le feu qui réside au centre de l’être est bien à la fois lumière et chaleur ; mais, si l’on veut traduire ces deux termes respectivement par intelligence et amour, bien qu’ils ne soient au fond que deux aspects inséparables d’une seule et même chose, il faudra, pour que cette traduction soit acceptable et légitime, ajouter que l’amour dont il s’agit alors diffère tout autant du sentiment auquel on donne le même nom que l’intelligence pure diffère de la raison.

On peut facilement comprendre, en effet, que certains termes empruntés à l’affectivité soient, aussi bien que d’autres, susceptibles d’être transposés analogiquement dans un ordre supérieur, car toutes choses ont effectivement, outre leur sens immédiat et littéral, une valeur de symboles par rapport à des réalités plus profondes ; et il en est manifestement ainsi, en particulier, toutes les fois que, dans les doctrines traditionnelles, il est question de l’amour. 
Chez les mystiques eux-mêmes, malgré certaines confusions inévitables, le langage affectif apparaît surtout comme un mode d’expression symbolique, car, quelle que soit chez eux la part incontestable du sentiment au sens ordinaire de ce mot, il est pourtant inadmissible, quoi qu’en puissent prétendre les psychologues modernes, qu’il n’y ait là rien d’autre que des émotions et des affections purement humaines rapportées telles quelles à un objet supra-humain.



Cependant la transposition devient encore beaucoup plus évidente lorsqu’on constate que les applications traditionnelles de l’idée de l’amour ne sont pas bornées au domaine exotérique et surtout religieux, mais qu’elles s’étendent également au domaine ésotérique et initiatique ; il en est ainsi notamment dans de nombreuses branches ou écoles de l’ésotérisme islamique, et il en est de même dans certaines doctrines du moyen âge occidental, notamment les traditions propres aux Ordres de chevalerie (16), et aussi la doctrine initiatique, d’ailleurs connexe, qui a trouvé son expression chez Dante et les « Fidèles d’Amour ». 

Nous ajouterons que la distinction de l’intelligence et de l’amour, ainsi entendue, a sa correspondance dans la tradition hindoue avec la distinction de Jnâna-mârga et Bhakti-mârga ; l’allusion que nous venons de faire aux Ordres de chevalerie indique d’ailleurs que la voie de l’amour est plus particulièrement appropriée aux Kshatriyas, tandis que la voie de l’intelligence ou de la connaissance est naturellement celle qui convient surtout aux Brahmanes ; mais, en définitive, il ne s’agit là que d’une différence qui porte seulement sur la façon d’envisager le Principe, en conformité avec la différence même des natures individuelles, et qui ne saurait aucunement affecter l’indivisible unité du Principe lui-même.

(13) Il s’agit naturellement ici de la vie organique, dans son acception la plus littérale, et non du sens supérieur dans lequel la « vie » est au contraire mise en rapport avec la lumière, ainsi qu’on le voit notamment au début de l’Évangile de saint Jean (cf. Aperçus sur l’initiation, ch. XLVII).
(14) Chez les modernes, le cœur enflammé est d’ailleurs pris assez ordinairement pour représenter l’amour, non pas seulement en un sens religieux, mais aussi au sens purement humain ; cette représentation était tout à fait courante, surtout au XVIIIe siècle.
(15) C’est pourquoi les anciens représentaient l’amour comme aveugle.
(16) On sait que la base principale de ces traditions était l’Évangile de saint Jean : « Dieu est Amour », dit saint Jean, ce qui ne peut assurément se comprendre que par la transposition dont nous parlons ici, et le cri de guerre des Templiers était : « Vive Dieu Saint Amour. »





6 commentaires:

  1. Un de mes articles préférés.
    Toutefois, j'ai beaucoup réfléchit à cette notion "d'Amour" et ce qu'elle impliquait réellement notamment par rapport à la "chaleur" (qui est complémentaire de la lumière ici)
    et en fait... le pôle "d'Amour" semble se référer à la béatitude divine que fait obtenir la réalisation...
    Sat chit Ananda. Etre / conscience / Beatitude.
    Coomaraswamy en parle dans son livre sur "la signification de la mort" au chapitre sur la bhakti, en citant Dante et Shankara.
    Il y a donc bien un "Amour" divin, qui "chauffe", qui est comme la sublimation de l'amour humain, tout comme la conscience humaine est un reflet "lunaire" de la "super conscience" divine qui englobe tout, voit tout, sait tout, pénètre tout.

    Si je prend la peine de préciser ça, c'est que Guenon (et je l'ai cru pendant longtemps) a une plume vraiment "mathématique" qui donne l'impression que tout n'est que froide abstraction. S'il a toujours semblé "dénigrer" l'amour, la charité, etc... C'est, je pense, pour montrer le gouffre de l'ésotérisme avec le sentimentalisme contemporain comme tu dis.

    Tous les grands spirituels débordaient de bonheur, de sérénité et d'"amour" comme on dit communément, mais à l'époque, un Ibn Arabi ou un Rumi pouvaient chanter Dieu sans risquer de trop se faire mécomprendre.

    Merci pour cet article. En attendant la comète ;)

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  2. Bonjour Yedakih :-)

    Il y a plusieurs « niveaux ».
    Oui on reproche parfois à Guénon sa « froideur ». Mais peut-il en être autrement pour un être qui est dégagé de toutes ces considérations « sentimentales » ou moralistes humaines ?
    Moi c’est justement ce que j’apprécie chez lui. Seul l’exposé de la Tradition lui importe, par conséquent il n’a pas à se préoccuper des applications qui en découlent dans un ordre inférieur (je dis inférieur mais il est pour autant nécessaire).

    Tu admets que tout ce qui est « morale » ou « sentiment » ce sont des applications, propre à chaque époque, peuple et même à chaque individu. C’est donc bien quelque chose d’extérieur, de contingent et qui n’a rien d’immuable, au contraire de la Tradition en effet.
    Ce n’est pas qu’il dénigre ces aspects, c’est qu’il les remet à leur juste place c’est-à-dire dans le domaine exotérique et religieux ; mais Guénon a toujours bien insisté sur le respect des rites et la nécessité d’un rattachement à une tradition régulière.

    Bien entendu il y a un « amour divin ». C’est l’abus de langage qui en est fait actuellement qui me préoccupe... Cet « amour » compris dans sa pleine acceptation, on en fait désormais un simple sentiment humain, « au nom duquel on préconise l'idée d'un Dieu limité comme plus « avantageuse » que celle du Dieu infini, parce qu'on peut éprouver pour lui des sentiments comparables à ceux qu'on éprouve à l'égard d'un homme supérieur » (RG, La Crise)

    Je vois bien que tu fais la différence mais combien ne la font pas ?
    Les écrits de ces Maîtres ont un caractère proprement initiatique ; vouloir en faire une application littérale et dans un domaine qui n’est pas le leur c’est fort dangereux.
    Tu es chez Ror aussi.... tu vois la confusion qui règne ?
    Désormais au nom de cet « amour » fort mal compris, on préconise la tolérance de tout, amour du prochain, fraternité universelle, etc..... et un satanique mélange où les religions seraient toutes confondues et interchangeables. Cela c’est exactement la doctrine de l’AC.

    Un exemple :
    L’enseignement des Prophètes provient de la Source unique.
    Pour autant serait-il justifiable de dire qu’on peut donc se passer des religions car elles ne sont qu’un « emballage » ? Bien évidemment que non ! Ce serait même contraire à l’enseignement de RG et par contre tout-à-fait conforme aux projets de la contre-initiation.
    Là est le danger de mêler les différents domaines d’applications et de défaut des points de vue envisagés.

    Je ne sais pas si tu as lu mes publications du « Démiurge » récentes...
    Sous le prétexte que certains êtres sont parvenus à retrouver l’Unité principielle au-delà de toute dualité, faudrait-il donc en déduire que Satan n’existe pas, qu’il n’est qu’une illusion ?

    Ce sont ces types de raccourcis faciles et de confusions que j’aimerais éclaircir... :-)

    Pour l’aspect chaleur/lumière, il est dit :
    « D’autre part, on peut dire que, dans le feu, la lumière représente l’aspect supérieur, et la chaleur l’aspect inférieur : la tradition islamique enseigne que les anges furent crées du « feu divin », et que ceux qui se révoltèrent à la suite d’Iblîs perdirent la luminosité de leur nature pour n’en garder qu’une chaleur obscure. » RG
    Donc oui pour certains parvenus à la Délivrance mais non pour ceux qui comme nous, restent encore dans l’Empire du Démiurge... :-)

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  3. Petit complément :

    « Une tradition « chevaleresque », précisément, n’est pas autre chose qu’une forme traditionnelle à l’usage des Kshatriya, et c’est pourquoi elle ne peut pas constituer une voie purement intellectuelle comme l’est celle des Brâhmanes ; celle-ci est la « voie sèche » des alchimistes, tandis que l’autre est la « voie humide », l’eau symbolisant le féminin comme le feu le masculin, et la première correspondant à l’émotivité et le second à l’intellectualité qui prédominent respectivement dans la nature des Kshatriyas et dans celle des Brâhmanes. »

    RG précise en note :

    « Ces deux voies pourraient aussi, en un autre sens et suivant une autre corrélation, être respectivement celle des initiés en général et celle des mystiques, mais cette dernière est « irrégulière » et n’a pas à être envisagée quand on s’en tient strictement à la norme traditionnelle. »

    Ces distinctions restent superficielles mais en somme, on peut noter :
    « l’amour » des incroyants allant de la créature à la créature.
    « l’amour » des croyants et des mystiques, à un niveau supérieur certes, mais restant quand même dans le domaine individuel (partie exotérique) et ne relevant pas de l’initiation. C’est ce point de vue qui, perverti, amènera à tout réduire au sentimentalisme et à la négation de la religion.
    « l’amour » des Kshatriyas, des « Fidèles d’amour », voie initiatique qui leur est propre mais limitée aux « petits mystères » (axe horizontal). Détourné il mène à la « révolte des Kshatriya » contre l’autorité sacerdotale des Brahmanes.
    Et enfin l’Amour véritable de ceux ayant retrouvés l’Unité principielle, sans « extérieur » ni « intérieur ». Ces êtres d’exception sont au-delà de toutes déviances possibles.

    De là, on comprend l’importance de bien comprendre les « niveaux » et domaines respectifs d’application...

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  4. Merci pour ces précisions. Ca aidera sans doute les lecteurs qui, comme moi, ne commentent pas forcément.
    Concernant les "Fidèles d'Amour" toutefois, il me semble que c'était là (mais je n'ai pas la citation à l'appui avec moi) un cas assez rare où l'intellectualité et l'Amour se mélangeaient... Donc un cas encore intermédiaire entre la voie des Kshatriya et des Brahmane (car il était clair que Dante avait dépassé les petits mystères, en fait il avait même atteint la Délivrance).

    Pour le Démiurge, j'ai lu l'article il y a longtemps et je l'ai relu il y a deux jours grâce à ton blog. C'est vraiment une notion complexe, effectivement.

    Sinon, je sais que tu es "musulmane" mais ce blog pourrait t'intéresser : Rorschach en avait posté un extrait l'an dernier (le christ douloureux/glorieux), il y a des considérations intéressantes concernant la fin de notre cycle : http://christianismeeteschatologie.blogspot.com/

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    1. Ma liste est juste faite pour établir qques distinctions ; elle nécessiterait bien des sous-rubriques et des compléments (à supposer qu'on puisse établir des "listes" en ce domaine ! ^ ^) !

      Mais les "Kshatriyas" ne sont-ils pas sous l'autorité d'un "Brahmane" ? Peut-être aussi la différence entre les "disciples" et "l'adepte" ? Entièrement d'accord avec toi pour Dante, celui qui 'ne souriait plus'.... ;-)

      Non Yedakih, je suis catholique, baptême et communion ! ^ ^ Peut-être pas dans le sens où on l'entend désormais mais plus proche du sens véritable que Guénon rappelle.

      J'irai voir ce blog, merci à toi...

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  5. L'assimilation du Cœur à l'Intellect Pur ne constitue qu'une étape dans la Réalisation de l'être humain. Elle n'en est pas la dernière.

    L'on ne pense à l'évidence pas avec son Cœur mais avec son cerveau. Réduire le cerveau à la rationalité est une "erreur". Le cerveau, comme il a deux hémisphères, a une double fonction : rationnelle et symbolique. En quelque sorte, il y a un "cerveau rationnel" et un "cerveau symbolique".

    La fonction rationnelle organise, fait penser par systèmes. La fonction symbolique fait saisir à l'Intellect global les relations analogiques entre les objets, les êtres.

    Les deux fonctions sont ardues à concilier et à synthétiser. Il existe chez la plupart des êtres une dissociation entre elles et une prépondérance de l'une sur l'autre. Pourtant, c'est là qu'est la clé de la Réalisation spirituelle, du Réveil. Il s'agit de rationaliser le symbolique et de symboliser le rationnel.

    Cette union, cette synthèse, entre les deux fonctions donne un Intellect très efficient et parfait. Elle fait partie de la "naissance de l'Avatara".

    Le Cœur n'est plus, s'agissant de l'Intellect, qu'un validateur des actes et pensées : il révèle si l'intention présidant à l'acte ou à la pensée est correcte ou non. ll n'est pas le siège des émotions, puisque c'est la glande thyroïde, de manière principale, qui en est la source. L'émotion permet d'engrammer les informations dans le cerveau (les personnes ayant une déficience d'hormones thyroïdiennes deviennent des légumes). La thyroïde a la forme d'un papillon (voir le symbolisme des Gémeaux, qui est aussi relié par analogie au symbolisme de la Porte).

    Pour conclure, le Cœur n'est qu'une étape de la Réalisation totale de l'être humain, de son accès au Réveil. Le corps humain nous donne le schéma de cette remontée hors de la caverne. Le "noyau d'immortalité" était dit initialement situé dans le bas de la colonne vertébrale (voir le Luz hébraïque par exemple). De proche en proche, en montant, il a fini par se situer dans le Cœur, dont le mouvement pulsatile imite les phases d'expansion et de rétractation de la Pensée divine, donc de l'Univers. Ce double mouvement, illustré par exemple par la Double Spirale, correspond au Cycle. A la Fin du Cycle, lors de l'entrée de l'humain véritable dans l'Aiôn, ce double mouvement cesse dans l'Intellect humain. L'esprit, le cerveau est parvenu à se réaliser : c'est l' Eveil. Tout est accompli et tout s'accomplit pour toujours.

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