jeudi 9 mai 2019

Michel Vâlsan – Inde et Arabie : De la descente d’Adam en Inde et de la Kaaba


[Michel Vâlsan, Le Triangle de l'Androgyne et le monosyllabe « Om », 5. Inde et Arabie, Études Traditionnelles, juil.-août et sept.-oct. 1966.. Repris dans le recueil posthume L’Islam et la fonction de René Guénon, Editions de  l'Œuvre, 1984, chap.VIII,  p.157-176].



Commentaire de Guénon sur les empreintes de mains et de pieds et ceux pour qui « la nuit est préférable au jour » :   

« Cette question des empreintes m’a toujours paru aussi très importante, en même temps que très énigmatique (...) Il n’y a que Coomaraswamy qui m’a exprimé à ce sujet une idée tout à fait conforme à celle que j’en avais déjà : il s’agirait essentiellement d’une représentation de «traces» des états supra-humains dans notre monde. Cela s’accorde aussi avec ce que vous envisagez, surtout pour les empreintes humaines ; et cela expliquerait d’ailleurs leur attribution à des personnes possédant, à titre quelconque, un caractère surhumain (...).
Maintenant, cette interprétation se trouve encore confirmée par quelque chose qui, dans la tradition islamique, paraît aussi pouvoir être rapportée à cela.

Voici, en effet, aussi exactement qu’il m’est possible de la rendre en français, ce que j’ai entendu dire ici de l’être qui est passé au-delà du « barzakh » (ce mot est intraduisible : disons, si vous voulez, l’être qui est passé au-delà des limites individuelles, bien qu’il y ait là encore quelque chose de plus en un certain sens) :
  • «il est à l’opposé des êtres ordinaires (application du «sens inverse»). S’il marche sur le sable, il n’y laisse aucune trace ; s’il marche sur le rocher, ses pieds y marquent leur empreinte. S’il se tient au soleil, il ne projette pas d’ombre ; dans l’obscurité, une lumière émane de lui...».

Cette sorte de «renversement» est d’ailleurs exprimée aussi par une parole qu’on met dans la bouche des awliyâ :
« Nos corps sont nos esprits et nos esprits sont nos corps », ce qui veut dire, en d’autres termes, que chez eux le «caché» est devenu l’« apparent» et inversement ; ceci nous ramène encore au symbolisme de la lumière et des ténèbres ».



D'après les éléments que nous venons de relever, il est probable que le monosyllabe Om fut dans l'Inde l'héritage d'un monde traditionnel antérieur à l'avènement de l'Hindouisme et qui s'étendait sur un continent méridional, en grande partie disparu, dont il ne subsiste, à part l'Inde actuelle et le Sud-Est asiatique, que certaines îles de l'Océanie.
Mais l'Arabie elle-même devait avoir eu avec ce monde une liaison traditionnelle aussi bien que géographique très précise. La mémoire d'un tel état de chose est en effet conservée par un grand nombre de légendes arabes et de traditions islamiques.

Ainsi la descente d'Adam lors de son exil du Paradis est localisée, entre autres sources par des hadîths du Prophète lui-même, dans l'Inde (1) ; des récits parallèles venant des Compagnons mentionnent qu'il s'agit de l'Ile de Ceylan, appelée en arabe Sarandîb (2) ; on ajoute enfin quelquefois la précision qu'Adam y était descendu sur une montagne dont le nom serait Nûd ou encore Wâsim (3).

(1) Cf. La chronique intitulée Qisas al-Anbiyâ' d'Al-Kissây (Vita Prophetarum dans l'éd. Eisenberg), et surtout celle portant souvent le même titre, mais proprement appelée 'Arâ'isu-l-Majâlis d'Ath-Tha'labî. Voir aussi Chronique de Tabarî, Ed. Zotenberg, t. I, p. 81).
(2) Ce nom est une déformation du sanscrit Sinhaladwîpa composé de Sinhala(d'où le « Ceylan » des Occidentaux) et de dwîpa, île.
(3) Cf. Ath-Tha'labî op. cit. Section sur Adam ch. V. – Il existe d'ailleurs dans l'île de Ceylan une montagne célèbre, que les Musulman de l'endroit appellent Adam-malay, la montagne d'Adam, ce que les portugais rendirent par « Pico di Adama», sur laquelle le père du genre humain aurait appuyé son pied lors de sa « descente » du Paradis. L'empreinte énorme du pied droit se voit toujours sur le rocher du sommet ; (en outre, une chaîne de bancs de sable et de récifs qui relie l'île au continent, est appelée Pont d'Adam). La grandeur de cette trace (« un creux peu profond à long de cinq pieds trois pouces trois quart et large de deux pieds sept pouces à deux pieds cinq pouces » dit un visiteur occidental) doit être mise en rapport avec la taille gigantesque attribué à Adam par les traditions islamiques ; toutefois une difficulté des proportions subsisterait, car d'après ces traditions la taille d'Adam était alors telle qu'il touchait de sa tête au ciel et que son autre pied était posé dans la mer. La solution serait alors dans une acception moins littérale des choses, en reconnaissant dès le début à ces traits descriptifs un sens avant tout analogique : la grandeur d'Adam touchant de sa tête au ciel serait lors plutôt une façon d'exprimer la nature transcendante de l'intellect humain à l'âge traditionnel correspondant. Cela ne préjuge en rien toutefois de la notion moins précise, mais traditionnelle, d'une taille bien supérieure à la nôtre pour les hommes primordiaux ou encore pour certains peuples qui nous ont précédés.



L'empreinte du sommet d'Adam-malay est, affirme-t-on, le but des pèlerinages non seulement de la part de Musulmans, mais aussi de Chrétiens et de Bouddhistes. Ces derniers vénèrent cette empreinte, le Sri-Pada en pâli, auprès de laquelle ils officient un culte établi bien avant l'Islam, comme étant celle que laissa le pied de Bouddha lorsque celui-ci visita l'île. L'Islam aurait ainsi, pour ce qui le concerne, interprété en termes propres une tradition antérieure. Ce n'est pas tout : le Bouddhisme local lui-même avait dû opérer une telle adaptation, car l'Hindouisme, qui lui est antérieur dans l'île, de son côté a gardé jusqu'à notre époque une attache propre ; un visiteur occidental du début du 19è siècle auquel nous avons déjà emprunté ici incidemment certaines données, disait que « la montagne est sacrée également pour les adorateurs de Brahma et pour ceux de Bouddha » (Davy, Le Pic d'Adam dans Annales de Voyages, repris par Edouard Gauthier dans Ceylan ou Recherche sur l'Histoire... des Chingulais, Paris 1823). Le rocher sur lequel est empreint le Sri-Pada est d'ailleurs appelé Samennella, « Rocher de Samen », et ce Samen est le dieu gardien de la montagne, en sanscritSamanta-Kouta-Parvati, ce qui réfère certainement à une tradition purement brahmanique, sans que cela veuille dire cependant que celle-ci ait été elle-même la première qui ait consacré le lieu. Il y a ainsi, semble-t-il, dans ces diverses traditions des expressions adaptées d'un même événement archétypal de l'histoire traditionnelle, à savoir l'épiphanie terrestre d'un de ces êtres transcendant « dont les pieds ne laissent aucune trace sur le sable mais impriment sur la pierre ». (Cf. Les traces des pieds d'Abraham sur la pierre duMaqâm Ibrâhîm près de la Kaaba, celle du pied du Christ sur le Mont des Oliviers lors de l'Ascension, et celle du pied du Prophète sur le Rocher de Jérusalem lors du Mi'râj, etc.).



Quant aux noms que donnent à la montagne les anciens auteurs islamiques,Wâsim, qui en arabe signifie « celui qui imprime un signe ou qui laisse une marque », pourrait faire allusion au Pied d'Adam : Jabal Wâsim serait « la montagne de celui qui imprime une trace » ; par contre Nûd est plus difficile à expliquer par l'arabe. D'ailleurs ce nom nous le trouvons signalé dans des documents chrétiens : près d'Amida (Diyarbékir) parle du pays de Nûd où habita Adam au sortir du Paradis (Monneret de Villard, Le Leggende orientali sui magi evangelici, 1958, pp. 27-49, cité par M. Elissagaray, La Légende des Rois Mages, 1965). Cependant ce nom est alors celui d'un pays et non pas d'une montagne. Mais comme, d'autre part, une tradition d'Ibn 'Abbâs (Ath-Tha'labî, op. cit.Section sur Adam, ch. IX) précise que Caïn avait tué Abel 'alâ jabali Nûd, ce qu'on peut traduire aussi bien par « sur la montagne de Nûd » que par « sur la montagne du Nûd », il se peut bien qu'il s'agisse en effet d'un pays qui serait d'ailleurs aussi celui que, selon la Genèse IV, 16, Caïn habita après le meurtre d'Abel : « Puis Caïn s'éloigna de devant Jéhovah, et il habita dans le pays de Nod, à l'Orient d'Eden » (trad. Crampon).
Il reste à dire que la valeur de la tradition prophétique concernant « la descente d'Adam dans l'Inde », laquelle n'ajoute elle-même nulle autre précision de lieu, n'est pas nécessairement liée aux détails de l'application faite dans le cas signalé plus haut. Cette application garde néanmoins pour elle de toute façon une valeur de correspondance qui la justifie sur le plan des choses où elle se situe et qui ne soulève pas de difficultés d'ordre dogmatique.

Quant à Eve, selon les mêmes sources traditionnelles, elle descendit dans le Hijâz, à Jedda (4).

(4) Localité au bord de la Mer Rouge où se trouve le port qui dessert la Mecque. Il semble bien que ce nom comporte une référence à cette résidence d'Eve, car le mot régulièrement voyellé Jadda signifie l'Aïeule. En tout cas, jusqu'en 1928 quand il fut détruit par le régime wahhabite, s'y trouvait un sanctuaire dont il ne reste que les traces et qu'on appelait le tombeau d'Eve, ce qui semble exprimer plutôt quelque fait analogique, car comme nous le verrons plus loin, d'autres données indiquent qu'Eve fut enterrée ailleurs auprès d'Adam ; il s'agit plus sûrement d'un maqâm de bénédiction rattaché à Eve.

Nous avons ainsi une disposition où le masculin se trouve à l'Orient et le féminin à l'Occident, ce qui manifeste une relation de normal complémentarisme entre les régions traditionnelles correspondantes. Il est à remarquer aussi que cette disposition, qui est conforme à l'ordre d'inscription des deux parties complémentaires dans le triangle de l'Androgyne, fait coïncider le point de départ du mot A V M avec la région orientale d'expression traditionnelle du monosyllabe sacré (5).
La relation de complémentarisme constatée ne reste pas de simple confirmation mais elle apparaît comme véritablement opérative, car les récits islamiques ajoutent qu'après une longue séparation (de cent ans, de deux cents ou de trois cents, selon les versions), les deux époux se retrouvèrent en Arabie, et leur rencontre, qui est décrite aussi comme l'aboutissement d'une recherche réciproque, constitue en vérité la conclusion régulière d'une démarche sacrale, plus exactement d'un rite de pèlerinage effectué des deux côtés de manière convergente. En effet, il est précisé dans les mêmes sources que pendant qu'Adam se trouvait en état de pénitence dans l'Inde, Allâh lui ordonna de faire le pèlerinage de Son Temple à la Mecque. De son côté Eve fut appelée, habillée et guidée dans le même but par un ange.

Le Pont d'Adam

A ce propos il faut savoir que la Mecque est considérée par la tradition arabe et islamique comme le « nombril de la Terre » (surrat al-Ard), ce qui est expliqué par le fait, rapporté de la même façon, que la Mecque fut le premier point terrestre qui émergea de l'Océan cosmique primordial, et que c'est à partir d'elle, « de dessous elle » (min tahti-hâ), que fut étendu ensuite le reste de la Terre, tout comme l'être corporel humain se développe à partir du point ombilical.
Aux origines, avant la descente d'Adam, le sanctuaire de la Kaaba avait été, dans une première forme, un centre de pèlerinage pour les Anges. C'est seulement à un moment cyclique ultérieur qu'il fut établi comme « premier temple pour les Hommes » selon la formule coranique (6).

(5) Ce schéma correspond en outre avec la position initiale du corps d'Adam (avant l'insufflation de l'esprit), car il est dit qu' « Adam était d'une grandeur telle que son corps allait de l'Orient à l'Occident » (Chronique de Tabarî, éd. Zotenberg, t.I, p.74).
(6) Cf. Cor., 3, 96 : « En vérité le premier temple qui fut institué pour les Hommes est celui de Bakka, temple béni et guidance pour les Mondes, etc. » – Dans ce verset on a le nom Bakka qui est considéré soit comme un synonyme deMakka (La Mecque), soit comme la désignation de l'esplanade où, au centre de la Mecque, s'élève la Kaaba. On remarquera à l'occasion que le nom Bakka employé cette seule fois dans le Coran, l'est à propos de l'institution originelle du Temple ; par contre le nom Makka qui lui-même figure également une seule fois dans le texte révélé (Cor. 48, 24), l'est à propos d'événements contemporains du Sceau de la Prophétie et notamment en rapport avec la conquête finale de la Mecque sur les infidèles. Les deux appellations s'appliquent ainsi, respectivement, aux deux stades différents, l'un primordial et l'autre final, de la Mère des Villes (Umm al-Qurâ) ou encore à deux régions territoriales de la ville sacrée, l'une centrale, l'autre générale. Ces aspects corrélatifs s'expriment d'ailleurs d'une façon très précise dans le rapport symbolique que l'on peut voir entre le bâ et le mîm,lettres initiales respectives et seules différentes dans les deux cas.

Adam eut ainsi, en vérité, le rôle de reconduire le culte de la Maison d'Allâh pour un cycle traditionnel nouveau, spécialement « humain ». Point significatif à cet égard, un hadîth rapporté par Ibn 'Abbas précise que la première chose de la terre qu'Allâh fit connaître à Adam, avant même qu'Il ne le fasse descendre dans l'Inde, ce fut la Kaaba :

  • « L'Envoyé d'Allah – Qu'Allâh lui accorde la grâce et la paix ! – a dit : Avant qu'Adam – sur lui la paix ! – ne descendît du Paradis, le Temple (al-Bayt) (c'est-à-dire la Kaaba de la Mecque) était une Hyacinthe d'entre les hyacinthes du Paradis (7). De son côté, le Temple visité (al-Bayt al-Ma'mûr) qui se trouve au Ciel et dans lequel chaque jour entrent 70 000 anges pèlerins qui n'y reviennent plus, jusqu'au Jour de la Résurrection, faisait face d'en haut à la Sainte Kaabah (qui en avait été placée comme le reflet terrestre). Allâh fît descendre Adam au sol de la Kaaba, lequel trembla comme un navire violemment secoué. Il fit descendre aussi pour Adam la Pierre Noire qui à l'époque brillait comme perle blanche : Adam la serra contre lui recherchant un état d'intimité avec elle. Allâh prit ensuite le pacte écrit qui avait été conclu avec les descendants d'Adam et l'enferma dans la Pierre (8) ; puis en faisant descendre du Paradis le Bâton (al-'Asâ) (9) pour Adam, Allâh dit : « Marche maintenant ! » Adam s'avança et le voilà déjà dans l'Inde. Il y resta autant qu'Allâh voulu qu'il y restât. Ensuite comme il ressentait un grand désir du Temple, il lui fut dit : Vas-y en pèlerinage ô Adam !... » (10).
(7) D'autres récits décrivent cette demeure d'hyacinthe comme ayant deux portes, l'une « orientale », l'autre « occidentale » par lesquelles respectivement entraient et ressortaient les pèlerins primordiaux.
(8) C'est pourquoi la pierre témoignera le Jour de la Résurrection contre ceux qui voudraient nier l'existence du Pacte Primordial.
(9) Il s'agit du bâton des Prophètes rendu célèbre par Moïse auquel il avait été transmis par Shu'ayb (Jéthro).
(10) Ath-Tha'labî op. cit. Section sur Abraham, ch. V.

Il est dit aussi dans d'autres récits qu'avant de recevoir l'ordre de partir en pèlerinage Adam et Eve pleurèrent chacun de son côté pendant 200 ans, ou qu'ils ne mangèrent ni ne burent plus pendant 40 ans.


Avant de poursuivre l'ordre successif des événements, quelques précisions sont encore nécessaires. Au premier temps de sa descente dans l'Inde, Adam ayant une taille qui lui faisait « toucher le ciel de sa tête », entendait les invocations des anges et voyait leurs tournées autour du Trône. Mais ensuite, sur réclamation des anges, sa taille fut réduite à 60 coudées. Il convient donc de distinguer, même après sa sortie du Paradis, entre une première condition adamique qui gardait une certaine connaturalité et intimité céleste, et une condition ultérieure dans laquelle le contact naturel et direct avec le ciel était perdu ; c'est dans la phase correspondant à cette deuxième condition que doit être situé le pèlerinage d'Adam à la Kaabah terrestre, car c'est seulement alors que ce pèlerinage avait sa pleine raison d'être : celle de constituer sur terre un culte qui remplace le culte céleste auquel Adam n'avait plus accès.

On aura pensé aussi à l'occasion de tout cela que les différente « demeures » assignées à Adam, les « changements de sa taille » et ses « attitudes » sont des représentations symbolique d'un processus biologique et spirituel qui concerne non pas une individualité particulière, mais une humanité dans les phases de son développement cyclique.

Pour la suite du récit du pèlerinage d'Adam nous empruntons maintenant les termes d'un autre récit plus adéquat à notre sujet et émanant de différents Compagnons (11). Allâh envoie donc Adam à la Kaaba en lui disant :
  • « J'y ai un sanctuaire constitué comme projection de Mon Trône. Vas-y et fais autour de ce sanctuaire des tournées rituelles comme celles que l'on fait autour de Mon Trône ! Fais-y aussi des prières comme celles que l'on fait auprès de Mon Trône ! C'est là que Je répondrais à tes demandes ! » – Adam partit alors de la terre de l'Inde vers la terre de La Mecque pour visiter le temple divin. Un ange lui fut préposé comme coryphée. En marchant (de son pas immense) tout lieu où il posait le pied devenait pays d'habitation et de culture, le reste étant abandonné à la désolation et au dépeuplement. Quand il fit l' « arrêt » rituel à Arafât, Eve qui le désirait et était venue le chercher depuis Jeddah, y arriva également, et ils se rencontrèrent donc en ce lieu qui reçut depuis son nom d''Arafât, le jour d''Arafa (car selon leur racine verbale ces deux noms suggèrent qu'Adam et Eve s'y « connurent » ou s'y « reconnurent ») (12).
 

Quand ils en partent pour Minâ (point rituel dans le pèlerinage dont le nom implique l'idée de « désir ») il fut dit à Adam : Tamanna (mot de la même racine que Minâ), c'est-à-dire « exprime tes désirs » ! Il répondit : « Je désire le pardon et la miséricorde ! » Et c'est de là que vint le nom de Minâ pour cet endroit. Le péché des deux époux fut pardonné et leur repentir fut accepté ; ils repartirent ensuite pour l'Inde » (13).

Dans ce texte on aura remarqué que la marche d'Adam depuis l'Inde jusqu'en Arabie est la marche éminemment symbolique d'un fondateur de civilisation ; elle peut être également interprétée comme celle d'une entité d' « espèce » ou d'un agrégat intellectuel qui peut correspondre historiquement à des peuples et des courants spirituels. C'est de la même façon que pourront être comprises plus tard certaines choses qui sont dites dans l'histoire d'Abraham lui-même, et on se rappellera ce que nous avons dit à un autre moment du caractère « représentatif » d'Abraham.
Enfin, Ibn 'Abbâs ajoute une mention particulièrement significative dans l'ordre des choses qui nous intéressent ici : Adam aurait accompli pendant toute sa vie terrestre 40 pèlerinage à la Mecque, chaque fois en partant de l'Inde (14) ; ceci exprime la constance des relations traditionnelles entre les deux régions et les deux mondes traditionnels qui leur correspondent (15).

(11) Idem, Section sur Adam, ch. VI.
(12) Al-Kissây (Vita Prophetarum, pp. 60-61) mentionne une rencontre initiale d'Adam et Eve à la Mecque, selon l'ordre normal des actes de Pèlerinage, dans le rite de la course septuple entre Safâ et Marwa, mais cela ne change pas la signification propre de la rencontre ultérieure à 'Arafât. – Il est dit en outre, dans d'autres récits de ce pèlerinage (ibid, p. 57), qu'Adam eut tout d'abord sur ordre divin et sous direction angélique, à reconstruire le Temple pour lui et ses descendants, ce qui comportait une réadaptation des supports du culte. À l'occasion, il dut aussi frapper la terre pour faire surgir la source Zemzem, acte qu'on devait retrouver d'ailleurs, dans des circonstances variées, lors de chacune des reconstructions qui devait intervenir dans l'histoire du culte à la Kaaba (le cas d'Ismaël, puis celui d'Abdel-Muttaleb).
(13) Ath-Tha'labî, ibid.
(14) Ath-Tha'labî, ibid.
(15) [Bien qu'une suite fût annoncée, cette étude resta inachevée.]


Source :
http://esprit-universel.over-blog.com/2014/01/michel-v%C3%A2lsan-le-triangle-de-l%E2%80%99androgyne-et-le-monosyllabe-%C2%AB-om-%C2%BB-v-fin.html


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