dimanche 19 mai 2019

Charles-André Gilis – SUR LA TRINITÉ.... 1/2


Extrait numéro 1 :

Charles-André Gilis, Introduction à l’enseignement et au mystère de René Guénon, chap. X : A propos de l’incarnation



"Ou bien Dieu est envisagé comme Un, et alors Il n’est pas personnel ; ou bien Il est envisagé comme personnel, et alors Il est Trois . L’identification de Dieu à l’une des trois Personnes divines, à l’exclusion des deux autres, est absolument contraire à l’enseignement de la doctrine chrétienne." CA Gilis.



Dans l’impossibilité où l’on se trouve de répondre l’une après l’autre aux multiples objections et critiques avancées ces dernières années à l'encontre de René Guénon et de son œuvre, mieux vaut se limiter, avons-nous dit, à l’examen plus approfondi et détaillé d’une question déterminée.  

Si nous choisissons de traiter plus spécialement du Christianisme, c’est en raison de l’importance que revêt cette tradition aux yeux des Occidentaux, et de la place centrale qui semble être la sienne dans les préoccupations de beaucoup de ceux qui ont écrit sur Guénon, comme en témoignent les ouvrages de Sérant et de Méroz, celui de Mlle James, une bonne part de celui de Jean Tourniac ainsi que de nombreux textes parus dans le « Dossier H ».
On ne pourrait davantage envisager cette seule question sous tous les aspects qu’elle comporte, et nous nous bornerons à l’étude de deux d’entre eux qui sont à la base d’un grand nombre d’incompréhensions et de malentendus.
Le premier concerne l’ « originalité » du Christianisme, que Guénon aurait méconnue, de telle sorte que son enseignement ne pourrait s’appliquer à ce qui concerne en propre cette forme traditionnelle.
Or, il faut bien constater que ceux qui partagent ce point de vue s’expriment le plus souvent d’une manière qui trahit, non seulement leur ignorance des doctrines dont il s’est fait l’interprète, mais aussi une méconnaissance apparente des données fondamentales de la religion chrétienne.

Prenons, à titre d’exemple, le texte de Jacques-Albert Cuttat qui constitue la préface de l’ouvrage de Mlle James. Cuttat, après s’être étonné que Guénon ait « eu une véritable cécité à l’égard de la Personne divino-humaine du Christ », n’hésite pas à écrire que « pour le chrétien, Dieu est la personne absolue et, dès lors, identique à Son Fils incarné ».
Il nous semble qu’en l’occurrence c’est plutôt Jacques-Albert Cuttat qui fait montre d’un certain aveuglement car il n’est précisément pas permis à un chrétien de s’exprimer de la sorte : en aucun cas, dans la perspective doctrinale du Christianisme, on ne peut considérer Dieu comme « la personne absolue » et l’identifier, à partir de là, à « Son Fils incarné ». En effet, Dieu y est considéré, ou bien dans l’unité de Son essence impersonnelle, ou bien, en tant que « personne », dans le mystère de la Sainte Trinité.
Or, ce dernier exclut l’idée qu’il puisse y avoir une « personne divine absolue » puisque la considération d’une des trois Personnes divines implique nécessairement celle des deux autres.
Autrement dit : ou bien Dieu est envisagé comme Un, et alors Il n’est pas personnel ; ou bien Il est envisagé comme personnel, et alors Il est Trois . L’identification de Dieu à l’une des trois Personnes divines, à l’exclusion des deux autres, est absolument contraire à l’enseignement de la doctrine chrétienne.

Nous supposerons charitablement que Jacques-Albert Cuttat n’ignore pas cette vérité fondamentale, mais nous devons bien constater aussi que son souci de montrer la cécité de Guénon le conduit à s’aveugler lui-même et à s’exprimer d’une manière qui, d’un côté, est un véritable non-sens du point de vue de la métaphysique, car elle implique une identification de l’Essence divine à l’un de ses aspects particuliers ; de l’autre, elle constitue une erreur grave au regard des dogmes chrétiens.

(...)
Dans un registre semblable, on relèvera également une note de M. Borella (2), qui reproduit un texte de Palingénius sur « les néo-spiritualistes » où celui-ci répond à un de ses critiques : 
« Nous en dirons autant de sa conception du Christ, c’est-à-dire d’un Messie unique qui serait une « incarnation » de la Divinité ; nous reconnaissons, au contraire, une pluralité, (et même une indéfinité) de « manifestations » divines, mais qui ne sont en aucune façon des « incarnations » car il importe avant tout de maintenir la pureté du Monothéisme, qui ne saurait s’accorder d’une semblable théorie . »
M. Borella termine sa note en concluant, de façon quelque peu agressive : « On voit qu’à l’occasion, Guénon fait bon marché des Livres sacrés qui enseignent que « le Verbe s’est fait chair » . »

On se trouve donc ici encore, et toujours à propos de l’Incarnation, en plein malentendu. Nous ferons observer tout d’abord à M. Borella qu’il serait faux de prétendre que les Livres sacrés et les Révélations traditionnelles s’expriment toujours dans un langage conforme à celui de la Vérité métaphysique suprême, car, en ce cas, la notion d’ésotérisme n’aurait aucun sens ; du reste, il est bien connu que le terme « révélation » implique précisément l’idée de « recouvrir d’un voile ».
En l’occurrence, ce n’est pas Guénon qui fait « bon marché des Livres sacrés » mais plutôt M. Borella qui commet une confusion grossière entre le point de vue de la métaphysique et celui de la théologie.

Dans le même article, Guénon précise d’ailleurs à propos du mot « Dieu » : 
« nous préférons en éviter l’emploi le plus possible, ne serait-ce que pour mieux marquer l’abîme qui sépare la Métaphysique des religions » ; on ne saurait être plus clair.

(2)CF. Le Dossier H sur Guénon, p. 110.



Source : 








5 commentaires:

  1. Bonjour à toi Ligaea. Cet article tombe à pic puisque j'ai découvert un truc que je voulais partager avec toi au sujet de Jésus-Christ.
    J'ai longtemps cru - vu que le Verbe peut se manifester de multiples façons - que le Christ qui doit se manifester à la fin des temps (le 10eme avatara de Vishnu) tout en étant Le Christ (qui est unique) ne serait pas "le même" (la même "individualité", bien que le Christ l'ait dépassée incommensurablement) que celui apparut il y a 2000 ans.
    Puis je suis tombé sur ça :

    "Lettre de René Guénon à A.K. Coomaraswamy, Le Caire, 13 septembre 1936 : « - J’ai traité assez longuement dans l’ « Erreur spirite » cette question de la réincarnation, en indiquant aussi les distinctions qu’il y a lieu de faire entre les différents éléments constitutifs de l’être manifesté. - Dès lors qu’il s’agit d’une impossibilité, il est bien entendu qu’il ne peut pas y avoir d’exceptions ; d’ailleurs, où s’arrêteraient-elles exactement ? A ce propos, je vous signalerai une chose assez curieuse : c’est que Mme. Blavatsky elle-même avait commencé par refuser d’admettre la réincarnation d’une façon générale ; dans « Isis Unveiled », elle envisageait seulement un certain nombre de cas d’exception, reproduits exactement des enseignements de la H. B. of L. à laquelle elle était rattachée à cette époque.
    PASSAGE IMPORTANT : [- Une possibilité qui constitue seulement une exception apparente, c’est le cas d’un être qui, n’étant plus réellement soumis à la mort (un jîvan-mukta par conséquent), continuerait pour certaines raisons son existence terrestre (il n’y reviendrait donc pas comme les prétendus « réincarnés ») en utilisant successivement plusieurs corps différents ; mais il est évident que c’est là un cas qui est tout à fait en dehors des conditions de l’humanité ordinaire, et que d’ailleurs un tel être ne peut même plus réellement être dit « incarné » en aucune façon. »]"

    S'y on ajoute cela à une autre lettre de Guenon à Mme Lapasse (source index rené guenon) :

    "Quant au dernier Avatâra, ce qu’il y a de singulier, c’est qu’en réalité, il n’est dit nulle part qu’il doive « naître » au sens propre de ce mot…"

    Il est donc parfaitement juste de dire que Jésus-Christ, pleinement lui-même - celui qu'adorent les chrétiens même s'ils ignorent que le Christ est le Verbe avant d'être Jésus - doive revenir... Et ça explique aussi pourquoi l'Islam considère bien que Isa ne soit jamais mort et qu'il reviendra... Tout comme Elie et Enoch qui eux non plus n'ont pas connu la mort.
    La lettre de René Guenon explique aussi pourquoi les apôtres n'ont pas reconnu Jesus après la résurrection: il avait un nouveau corps.

    Peut-être que tu le savais mais j'ai trouvé que c'était là un point intéressant.
    Bonne soirée à toi.

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    1. Bonjour Yedakih,

      Ta question est bien « est ce que Jésus à son retour, prendra la même forme corporelle que précédemment » ?
      Si oui, je n’ai aucune certitude sur le sujet...

      Dans sa lettre à AKC, RG parle de ceux qui « continuent leur existence terrestre » ; or ce n’est pas le cas de Jésus.
      Le « titre » de « Jivan-mukta » ne pourrait-il pas s’appliquer à certains Supérieurs Inconnus comme le comte de Saint Germain ? Une existence terrestre assez mystérieuse, un rôle initiatique reconnu, un « impact » secret dans la marche des affaires de ce monde... au-delà de toutes les légendes qui circulent bien entendu.

      Sur la « survivance » de tels êtres, le dernier chapitre de ce livre est particulièrement intéressant :
      https://arbredor.com/ebooks/ComteStGermain.pdf

      Dans le cas précis de Jésus en effet, il fait partie des Prophètes non morts et enlevés au Ciel.

      Certains hadiths disent qu’il règnera pendant 40 ans ou 7 ans... La seule façon de résoudre cette contradiction apparente c’est que l’ère messianique (seconde venue) durera 7 ans mais que la durée totale de sa présence « sur Terre » sera de 40 ans : 33 ans « avant » puis 7 ans ensuite...
      Ce qui rejoint ce dont tu parles sur la « continuité » de son existence terrestre. :-)

      Note :
      Georgel dans son étude des cycles cosmiques a toujours mentionné la date de 2030 pour la « fin ».

      Si cela t’intéresse, voir ici :
      https://drive.google.com/file/d/13NZtoXRWqddd3LLgl5PQmidfpTOjrm-Y/view
      (la partie sur la cyclologie de Gaston Georgel)

      En espérant avoir répondu à tes attentes. La seconde partie sur la Trinité arrive...

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    2. Merci pour tes réponses ainsi que le lien. Je vais regarder ça. Effectivement, on ne peut être sûr de rien et quand on croit avoir compris, on remarque que c'était plus compliqué que ce que l'on imaginait.

      Bonne journée à toi.

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  2. Voici un texte que je vous ai envoyé, par mail, il y a déjà un certain temps… Il y est question du dogme trinitaire. Il s’agit d’une lettre adressée au blogueur Louis Dalencourt.

    (Je vous en envoie une partie parce qu'il compte plus de 4096 caractères mais vous avez le texte dans un fichier Word).

    ------

    Mr Dalencourt,


    « Mais pourquoi ne jugez-vous pas par vous-mêmes de ce qui est juste ? » (Luc 12, 57)


    (...)


    À cet égard je me rappelle avoir lu dans un de vos textes que faire acte de foi, c’est accepter tous les moyens choisis pour s’adresser aux hommes par Dieu : je souscris totalement et sans réserve à ce propos et j’avoue qu’Il a éclairé ma lanterne par le biais de certaines de vos réflexions. Et ma dette envers toutes sortes de gens, notamment des écrivains, d’horizons spirituels ou philosophiques fort divers, est trop grande. Je bénis et remercie inlassablement le Ciel pour les avoir placés sur ma route. Cela a élargi ma vision du monde, cela m’a fait grandir en humanité. Du moins je l’espère. Tout cela pour vous dire qu’il se pourrait qu’en cet instant même, Dieu soit en train de vous transmettre un message à travers moi…

    J’en viens à ce qui m’a amené et décidé à écrire cette lettre, qui demande votre attention, mais surtout une ouverture d’esprit, en vous priant humblement de croire à ma bonne foi. Dans votre article "La seconde rédemption du monde" j’ai lu ce qui suit : « Jésus était Dieu ; d’un seul mot, d’un seul geste, il pouvait confondre ses ennemis. » J’aimerais vous poser une question. Mais avant cela, j’avoue que personnellement j’aurais préféré que le premier miracle qu’on lui attribue ait été de changer le vin en eau, et non l’inverse.

    Voici ma question : comment concilier votre allégation - « Jésus est Dieu » - avec cette parole émanant de Jésus : « Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jean 20, 17). Dieu qui dit : « mon Dieu » ? Il ne devrait pas être si difficile de reconnaître loyalement, quand on est une personne d’une probité intellectuelle à toute épreuve, et un chérisseur de la vérité comme devrait l’être tout bon disciple du Christ, que sont inconciliables votre déclaration et la sienne… Il y a aussi sa propre profession de foi dans laquelle il accorde le statut de divinité exclusivement au Père : « La vie éternelle, c’est qu’ils Te connaissent, Toi, le seul vrai Dieu, et celui que Tu as envoyé, Jésus-Christ » (Jean 17, 3). Il affirme d’une manière nette et catégorique : « Le Père est le seul vrai Dieu », et cependant je lis et j’entends ici ou là ceci : « Le Christ est le seul vrai Dieu » !

    Or le verset que je viens de citer est clair comme le jour. Jésus s’y adresse à autre que lui-même et atteste que cet autre que lui-même est le seul vrai Dieu. Le seul et unique vrai Dieu, oui, pas seulement un vrai Dieu. Il n’y a là aucune ambiguïté et c’est absolument univoque et infiniment plus clair, que tous les versets bibliques couramment avancés pour justifier votre assertion. Non seulement il ne proclame point être Dieu, mais au contraire il parle du Père qui l’a envoyé au monde, comme étant le seul et unique véritable Dieu. Il professe et enseigne un credo clair comme de l’eau de roche : pas de mystère abscons dans ce credo, nul défi au bon sens ni illogisme, aussi il n’est pas malaisé d’y ajouter foi.

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  3. Bonjour A. Dris

    Oui je m’en souviens en effet !
    Mais si nous nous rejoignons sur l’approche erronée de Dalencourt, il n’en reste pas moins que je n’adhère pas à certains de vos autres textes notamment ceux de M. Garaudy.

    Rien ne viendra sauver le genre humain, il faut boire la coupe jusqu’à la lie. La « solution » ne viendra ni de « l’évolutionnisme », ni de « l’humanisme » ni du « rationalisme ».

    Ce n’est que mon avis bien entendu mais vous comprendrez que je ne peux relayer cette approche que je ne partage pas...

    Concernant le Credo j’ajouterai cette partie toujours extraite de l’œuvre de M. Gilis :

    « Le Symbole des Apôtres ne débute pas par les mots : Credo in Patrem omnipotentem, (Je crois au Père Tout-Puissant) ; mais bien par : « Credo in unum Deum, Patrem omnipotentem, (je crois en un seul Dieu, Père Tout-Puissant).
    Le Père exprime l’unité au degré de la métaphysique pure, le Fils au degré de la Seigneurie universelle qui est celui de la Lumière, et de la Réalité actuelle, (wujûd) : c’est le degré du Verbe ou de l’Homme Universel envisagé comme intermédiaire entre le principe, et la manifestation ; c’est pourquoi l’unité est mentionnée deux fois à son sujet : Filium Dei unigenitum indique son union avec le principe divin, unum Dominum sa fonction seigneuriale à l’égard de l’ensemble de l’univers manifesté.

    Quand le Saint-Esprit est mentionné à son tour, il n’est dit de Lui, ni qu’Il est Dieu, ni qu’Il est unique, mais seulement qu’il est seigneur, sans que soit précisé comment cette qualification doit être comprise au sein de l’unique seigneurie qui est celle de Jésus-Christ. L’unité n’est pas mentionnée à son sujet, car elle est inhérente à son essence propre. Il fallait préciser que Dieu est un parce que les doctrines polythéistes conçoivent une pluralité de dieux, et de fonctions divines ; c’est là aussi un des sens de la profession de foi islamique lâ ilâha illa Allâh.
    Il fallait préciser aussi que le Verbe de Dieu est l’unique Seigneur du fait de la multitude des « seigneurs » qui régissent, et dominent le monde.

    « Je crois en un seul Dieu, (unum Deum), un seul Seigneur, (unum Dominum), une seule Église, (unam Eccleesiam), un seul Baptême, (unum Baptisma). »
    Le Père, le Fils, et le Saint-Esprit sont successivement mentionnés, mais ne sont envisagés, ni en tant que Personnes, ni dans une perspective trinitaire. »

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