Chapitre VII "Les grues
couronnées" du livre de Charles André Gilis, Le
Maître de l’Or.
(Egalement publié dans Vers la Tradition, n°78, déc. 1999 –
janv.-fév. 2000)
Pas de lien à vous donner sur Internet, le livre étant trop récent,
mais vous pouvez vous le procurer ici :
Pour information, le chapitre suivant (et dernier) du livre a déjà été publié ici :
Les mystères kabiriques – chapitre VIII
Nous compléterons ces aperçus sur le Wagadu par l’étude de quelques « symboles
fondamentaux » qui s’y rapportent : le figuier, le cheval ailé et la
grue couronnée.
Le figuier, arbre sacré qui est un attribut de Dinga (2), intervient également dans le culte du Bida dont on dit qu’il a persisté jusqu’à nos jours d’une façon
plus ou moins secrète (3).
Selon M. Tata Cissé, les lieux de culte qui lui sont consacrés se
reconnaissent à la réunion de trois éléments (en relation, eux aussi, avec les
trois gunas) : un puits, une
mare sacrée et un figuier. La présence
du figuier auprès du fondateur de l’Empire et du centre subtil qui assura sa
préservation et sa prospérité pendant des siècles est un autre gage de son
orthodoxie traditionnelle car, le figuier est, par excellence, le symbole de
l’Arbre du Monde.
On oublie trop souvent qu’il figure dans le récit biblique sur le
Paradis terrestre : lorsque les yeux d’Adam et Eve s’ouvrirent et qu’ils
virent qu’ils étaient nus, « ils se couvrirent de feuilles de
figuier » (Genèse, 3, 7).
2 –
Qualifié de « maître du figuier de l’abondance » ; voir supra,
p.68.
3 –
Sans entraîner toutefois le sacrifice humain qu’il comportait au temps de
l’Empire.
Ce rôle protecteur et réparateur du figuier permet de l’identifier, du
moins sous un certain rapport, à l’Arbre de Vie, et c’est pourquoi l’art ancien
représentait l’Arbre du Paradis terrestre sous la forme d’un figuier.
Du reste, René Guénon a rappelé lui-même que « dans la tradition
hindoue, l’ « Arbre du Monde » est représenté par le
figuier » (4).
Il est donc permis de penser que le fameux « fruit défendu »
n’était pas la pomme, ainsi qu’on se l’imagine couramment, mais bien la figue.
Une fois de plus, c’est la tradition islamique qui fournit les clés
nécessaires à la bonne compréhension de ce symbolisme. En effet, la sourate 95
du Coran, appelée précisément la sourate du Figuier, commence par ces
mots :
« Par le Figuier et l’Olivier. Et par la Montagne du Sinaï »
(5).
On remarque tout d’abord qu’il s’agit ici d’un serment divin. Cette
particularité revêt un grand intérêt du point de vue du tasarruf et du Califat muhammadien universel, car, selon un
enseignement ésotérique de l’islâm, Allâh ne jure jamais que par Lui-même.
Le Figuier apparaît ainsi comme une théophanie essentielle qui
justifie pleinement le culte dont il est l’objet dans les traditions
antérieures : celles-ci sont abrogées par la loi islamique en tant
qu’elles comportent des offrandes ou des prescriptions rituelles spécifiques,
mais confirmées et intégrées au sen de la Révélation muhammadienne par les
vérités archétypales qu’elles renferment.
On a là un excellent exemple de la façon dont l’islâm a la capacité
d’assimiler dans une synthèse finale les vérités essentielles et les symboles
contenus dans les formes traditionnelles qui l’ont précédé. En l’occurrence, la
haqîqa (vérité essentielle) est liée
à la nature du fruit produit par l’arbre, autrement dit la figue.
4 –
Voir le symbolisme de la Croix, chap. IX, n. 9 ; ainsi que la déclaration
catégorique du Cheikh ad-Dabbâgh dans le Kitâb al-Ibrîz, p. 502.
5 –
Cor., 95, I-2.
En effet, le serment initial de la sourate du Figuier évoque la
fonction de l’Homme Universel en tant quelle se diversifie dans les
« trois mondes » : la Montagne du Sinaï symbolise le Royaume ou
la manifestation corporelle, l’Olivier le monde intermédiaire et le Figuier
l’ordre principiel.
La signification « intermédiaire »de l’olive tient au fait
qu’elle contient une chair et un noyau, un extérieur et un intérieur. Ceci
explique le rôle essentiel de l’huile qui en est tirée, aussi bien dans
l’initiation royale que dans les rites fondamentaux du christianisme (6).
En revanche, la figue est « simple » et sans parties.
Son homogénéité fait dire à Qâchânî, dans le commentaire qu’il donne de cette
sourate, qu’elle est tout entière « centre » (7), c’est-à-dire « cœur »
et « réalité divine ».
Par là, la figue convient mieux que la pomme pour expliquer la parole
du serpent au début de la Genèse :
« Le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez
comme des dieux » ; c’est donc bien elle qui doit être considérée
comme le véritable « fruit défendu ».
Nous ne nous arrêterons que brièvement au cheval ailé, en dépit du
rôle majeur qui lui est attribué dans la tradition des Soninké qui le
considèrent comme l’ancêtre des chevaux de guerre. Il apparaît pour la première
fois chevauché par une femme, Niamey (8), elle-même ancêtre de Dinga et héroïne
de ce que M. Tata Cissé appelle « le premier Wagadu ».
6 –
Où l’écorce et le noyau représentent les deux natures du Christ.
7 –
Huwa lubbu kullu-hu.
8 –
Dont la capitale du Niger tire son nom.
Il est caractéristique que son intervention n’entraîne pas la victoire
au combat mené par Niamey, mais plutôt qu’il la consacre :
«Jusqu’à minuit, on tailla en pièces les pillards invétérés et les
gueux quand, soudain, le ciel se fendit avec fracas et laissa passer un
cheval ailé dit Sambadyimbe, l’ «
alezan sorti des profondeurs du Grand Ciel ». il vint se poser en douceur,
puis s’agenouilla près de Niamey, qui l’enfourcha aussitôt ». (9)
Le cheval ailé apparaît ainsi comme une sorte de « protecteur
céleste » des Soninké et de leur empire, et c’est du reste ainsi qu’il est
encore perçu de nos jours. Selon le même auteur (10) :
« (...) dans les villages fondés par les Soninké ou ayant subi
leur influence au cours de l’histoire, on retrouve partout la croyance en un
cheval ailé ou « génie-cheval » d’un blanc immaculé, parcourant les
rues à partir de minuit monté par un cavalier blanc d’entre le jinns qui tient
dans sa main une lance phosphorescente. »
9 –
Cavaliers et chevaux de guerre au Mali, dans Chasseurs et guerriers, Musée
Dapper, p. 74-75.
10 –
Actes du premier séminaire international de l’Association SCOA, p. 72-73.
Cette mention des jinns, qui représentent le domaine de la
manifestation subtile, indique bien la nature et la fonction de cette monture
céleste, que l’on retrouve aussi dans d’autres formes traditionnelles,
notamment dans la Grèce ancienne avec le mythe de Pégase.
Toutefois, ici encore, c’est la tradition islamique qui fournit la
doctrine la plus complète et la plus précise. Le cheval céleste, qui porte en
arabe le nom d’al-Burâq, est souvent
représenté avec des ailes dans l’iconographie traditionnelle. Celles-ci lui
servent à s’élever dans les sept Cieux planétaires, qui correspondent au
domaine subtil, alors que les ailes des anges dépassent ce degré en leur
conférant la maîtrise des états supra-individuels.
Al-Burâq est issu du
Paradis : c’est le cheval de l’Ange Gabriel et la monture emblématique des
prophètes ; plus spécialement de deux d’entre eux.
Le premier est Abraham dont la fonction, ainsi que nous l’avons montré
à plusieurs reprises, concerne une période marquée par la prédominance de
l’esprit guerrier ; or, c’est al-Burâq
qui lui est donné pour qu’il puisse rejoindre son fils Ismâ’îl qui était à ce
moment à la Kaaba de La Mekke.
Le second prophète est Muhammad, qui monta le cheval ailé pendant
toute la première partie du Voyage Nocturne, celle qui se termine au Lotus de
la Limite, c’est-à-dire à l’extrémité du domaine de la manifestation formelle.
La fonction d’al-Burâq, dont l’éclat
rappelle celui de la foudre et la blancheur celle de l’éclair (évoqué par le
terme barq qui est de la même
racine), concerne effectivement le degré de l’homme véritable et la réalisation
des « petits mystères », ce qui, par ailleurs, explique sa présence
dans les données traditionnelles relatives au Wagadu. »
Je ne savais pas pour le figuier, mais à la lumière de ce qu'il dit, cet arbre et son fruit, si particulier, semblent de meilleurs candidats que la pomme pour symboliser le fruit défendu.
RépondreSupprimerEn allant me renseigner sur ce fruit, il est dit ceci : "Un ficu est également un détail anatomique, à savoir la pomme d'Adam."
https://fr.wikipedia.org/wiki/Figue
Merci pour le complément.... ;-)
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