samedi 19 mai 2018

René Guénon - Les sept tours du diable


[René Guénon, Voile d’Isis, Janvier 1935. Compte-rendu du livre de W. B. Seabrook – Aventures en Arabie]


- Ce livre, comme ceux du même auteur qui ont été déjà traduits précédemment (L’Ile magique et Les Secrets de la jungle), se distingue avantageusement des habituels « récits de voyageurs » ; sans doute est-ce parce que nous avons affaire ici à quelqu’un qui ne porte pas partout avec lui certaines idées préconçues, et qui, surtout, n’est nullement persuadé que les Occidentaux soient supérieurs à tous les autres peuples. Il y a bien parfois quelques naïvetés, de singuliers étonnements devant des choses très simples et très élémentaires ; mais cela même nous paraît être, en somme, une garantie de sincérité.






À la vérité, le titre est quelque peu trompeur car l’auteur n’a pas été en Arabie proprement dite, mais seulement dans les régions situées immédiatement au nord de celle-ci. Disons aussi, pour en finir tout de suite avec les critiques, que les mots arabes sont parfois bizarrement déformés, comme par quelqu’un qui essaierait de transcrire approximativement les sons qu’il entend sans se préoccuper d’une orthographe quelconque, et que quelques phrases citées sont traduites d’une façon plutôt fantaisiste. Enfin, nous avons pu faire une fois de plus une remarque curieuse : c’est que, dans les livres occidentaux destinés au « grand public », la shahâdah n’est pour ainsi dire jamais reproduite exactement ; est-ce purement accidentel, ou ne serait-on pas plutôt tenté de penser que quelque chose s’oppose à ce qu’elle puisse être prononcée par la masse des lecteurs hostiles ou simplement indifférents.

La première partie, qui est la plus longue, concerne la vie chez les Bédouins et est presque uniquement descriptive, ce qui ne veut certes pas dire qu’elle soit sans intérêt ; mais, dans les suivantes, il y a quelque chose de plus. L’une d’elles, où il est question des Derviches, contient notamment des propos d’un cheikh Mawlawi dont le sens est, sans aucun doute, fidèlement reproduit : ainsi, pour dissiper l’incompréhension que l’auteur manifeste à l’égard de certaines turuq, ce cheikh lui explique qu’« il n’y a pas pour aller à Dieu une voie unique étroite et directe, mais un nombre infini de sentiers » ; il est dommage qu’il n’ait pas eu l’occasion de lui faire comprendre aussi que le soufisme n’a rien de commun avec le panthéisme ni avec l’hétérodoxie… 
Par contre, c’est bien de sectes hétérodoxes, et de plus passablement énigmatiques, qu’il s’agit dans les deux autres parties : les Druses et les Yézidis ; et, sur les uns et les autres, il y a là des informations intéressantes, sans d’ailleurs aucune prétention de tout faire connaître et de tout expliquer.
En ce qui concerne les Druses, un point qui reste particulièrement obscur, c’est le culte qu’ils passent pour rendre à un « veau d’or » ou à une « tête de veau » ; il y a là quelque chose qui pourrait peut-être donner lieu à bien des rapprochements, dont l’auteur semble avoir seulement entrevu quelques-uns ; du moins a-t-il compris que symbolisme n’est pas idolâtrie…

Quant aux Yézidis, on en aura une idée passablement différente de celle que donnait la conférence dont nous avons parlé dernièrement dans nos comptes rendus des revues (numéro de novembre) : ici, il n’est plus question de « Mazdéisme » à leur propos, et, sous ce rapport du moins, c’est sûrement plus exact ; mais l’« adoration du diable » pourrait susciter des discussions plus difficiles à trancher, et la vraie nature du Malak Tâwûs demeure encore un mystère. 

Ce qui est peut-être le plus digne d’intérêt, à l’insu de l’auteur qui, malgré ce qu’il a vu, se refuse à y croire, c’est ce qui concerne les « sept tours du diable » centres de projection des influences sataniques à travers le monde ; qu’une de ces tours soit située chez les Yézidis, cela ne prouve d’ailleurs point que ceux-ci soient eux-mêmes des « satanistes », mais seulement que, comme beaucoup de sectes hétérodoxes, ils peuvent être utilisés pour faciliter l’action de forces qu’ils ignorent. Il est significatif, à cet égard, que les prêtres réguliers yézidis s’abstiennent d’aller accomplir des rites quelconques dans cette tour, tandis que des sortes de magiciens errants viennent souvent y passer plusieurs jours ; que représentent au juste ces derniers personnages ? En tout cas, il n’est point nécessaire que la tour soit habitée d’une façon permanente, si elle n’est autre chose que le support tangible et « localisé » d’un des centres de la « contre-initiation », auxquels président les awliyâ es-Shaytân ; et ceux-ci, par la constitution de ces sept centres, prétendent s’opposer à l’influence des sept Aqtâbou « Pôles » terrestres subordonnés au « Pôle » suprême, bien que cette opposition ne puisse d’ailleurs être qu’illusoire, le domaine spirituel étant nécessairement fermé à la « contre-initiation ».


ANNEXES

Lettre de René Guénon à Arturo Reghini, Le Caire, 25 avril 1935.

« Pour ce qui est des attaques contre moi, vous avez très bien compris qu’il y a là tout autre chose que les apparences extérieures ; le plus curieux est que cela semble venir de tous les côtés à la fois, même les plus opposés ; mais derrière tout cela, il y a ce qui est véritablement « diabolique », et cela va encore plus loin que tout ce que vous pouvez supposer. Pour vous en faire une idée, vous pourrez relire attentivement les réponses contenues dans mes comptes rendus, et aussi ce qui concerne la « contre-initiation », les « sept tours du diable », etc. Toutes ces choses, au fond, se tiennent de très près ; le reste n’est qu’instruments plus ou moins inconscients, mais quelquefois d’autant plus dangereux par leur inconscience même... – Sûrement, je suis beaucoup plus tranquille ici ; du reste, la dernière année que j’étais à Paris, la vie y était déjà devenue presque impossible, et ce serait sans doute encore bien autre chose maintenant. Impossible de vous dire tout ce que j’ai découvert depuis et combien de prétendus amis se sont démasqués peu à peu… »



« À propos de la contre-initiation, je pense que vous avez vu ce que j’ai écrit l’an dernier sur les « sept tours du diable », dans le compte rendu du livre de Seabrook où il est question de celle qui se trouverait chez les Yezidis, c’est à dire dans l’Iraq. Pour les autres, on parle de certaines régions situées vers les confins de la Sibérie et du Turkestan ; il y a aussi la Syrie, avec les Ismaïliens de l’Agha-Khan et quelques autres sectes assez suspectes ; puis le Soudan, où il existe, dans une région montagneuse, un population « lycanthrope” »d’une vingtaine de mille individus (je le sais par des témoins oculaires) ; plus au centre de l’Afrique, du côté du Niger, se trouve la région d’où venaient déjà tous les sorciers et magiciens de l’ancienne Égypte (y compris ceux qui luttèrent contre Moïse) ; il semble qu’avec tout cela on pourrait tracer une sorte de ligne continue, allant d’abord du nord au sud, puis de l’est à l’ouest, et donc le côté concave enserre le monde occidental. Naturellement, cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas d’autres centres plus ou moins importants en dehors de ces lignes ; vous parliez de Lyon, et il y a sûrement aussi quelque chose en Belgique. Quant à l’Amérique, le point le plus suspect semble bien être la Californie, où se rassemblent tant de choses hétéroclites ; il est vrai qu’il s’agit surtout d’organisations pseudo-initiatiques, mais il y a sûrement quelque chose d’autre qui les mène, même à leur insu ; l’utilisation de la pseudo-initiation par des agents de la contre-initiation, dans bien des cas, apparaît comme de moins en moins douteuse, et je me propose d’en parler prochainement dans un article, à l’occasion d’une histoire d’organisations soi-disant rosicruciennes… – À propos de l’Iraq et de la Californie, il y a une question qui m’intrigue assez, car elle relève évidemment d’un domaine qui n’est guère le mien : c’est celle des rapports qui paraissent exister entre ces localisations et celles des sources de pétrole ; malheureusement, il y a aussi de celles-ci dans votre pays, et ne serait-ce pas pour cela (bien qu’il puisse y avoir encore d’autres raisons) qu’il attire un peu trop l’attention de certaines gens ? Notez également, à cet égard, que sir Henry Deterding, le chef de la « Royal Dutch », est un personnage tout à fait comparable à Bazil Zaharoff ; on dit même qu’il serait désigné pour être son successeur… »

Lettre de René Guénon à Marcel Clavelle du 25 mars 1937 

« Il parait que l’atmosphère d’Anvers est quelque chose d’effroyable, qui donne même des malaises physiques inexplicables ; mais, là et même pour Lyon, comme peut-être aussi les Baléares et quelques autres lieux d’Europe, et pour la Californie en ce qui concerne l’Amérique (car ce n’est sans doute pas pour rien que tant de choses bizarres s’y rassemblent), je pense qu’il ne s’agit en somme que de centres secondaires, qui ne doivent pas être comptés en nombre de « tours » proprement dites. 
Celles-ci semblent plutôt disposées suivant une sorte d’arc de cercle entourant l’Europe à une certaine distance : une dans la région du Niger, d’où l’on disait déjà, au temps de l’Égypte ancienne, que venaient les sorciers les plus redoutables ; une au Soudan, dans une région montagneuse habitée par une population « lycanthrope » d’environs 20. 000 individus (je connais ici des témoins oculaires de la chose) ; deux en Asie Mineure, l’une en Syrie et l’autre en Mésopotamie ; puis une du côté du Turkestan où il y a des choses aussi « mêlées » qu’en Syrie, en bon et en mauvais ; il devrait donc y avoir encore deux plus au nord, vers l’Oural ou la partie occidentale de la Sibérie, mais je dois dire que, jusqu’ici, je n’arrive pas à les situer exactement. »

Source : ICI 



11 commentaires:

  1. j'ai retrouvé un passage dans un livre qui parle de la dite population lycanthrope, ceux sont les "Dogons" et les "bozons" au soudan:
    http://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1961_num_1_2_366378

    je suis tout de même étonnée qu'il ne dise rien sur l’Angleterre qui concentre et reflète pas mal de choses aussi (la City de Londres qui est la plaque tournante de la haute finance, c aussi le lieu des architectes et concepteurs du chaos mondiale, tout se planifie à Londres pour être exécuté à Washington), j'ai le sentiment qu'une intelligence diabolique s'y cache là..mais bon c un avis personnel.

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    1. Salut Hal ;-)

      Je vais aller lire ton texte demain, là je tombe (et pas envie de faire des cauchemars ! ^^) ! En tous cas, merci... :-)

      Pour l'Angleterre, il semble que ce ne soit pas des "tours du diable" à proprement parler. Mais concernant le pays en lui-même, il ne se leurre pas sur sa "vocation" : il en parle dans "la duperie des prophéties"...

      Je sais que Gilis en a pas mal parlé notamment avec la Ibn Arabi Society dans "René Guénon 1907-1963" il me semble...

      Peut-être que Alfihar en saurait plus...

      Et je suis d'accord avec toi, qch se cache dans l'ombre là-bas... et depuis fort longtemps je pense ! :-(

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    2. Oui, je partage vos sentiments concernant le RU

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  2. Salam à tous,

    tres intéressant, j'ai commencé à creuser le sujet, je commence a beaucoup apprécier Rene Guenon, Merci Ligeia ^^

    Par contre, je n'ai pas compris comment il a trouvé ces 7 points ..

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    1. Salam Ray :-)

      Je sais qu'il entretenait une large correspondance dans le monde entier...

      Mais aussi et surtout, qu'il est souvent difficile d'attribuer une origine humaine et bien déterminée aux "connaissances" de Guénon.
      Il sait. Et même si intervention de personnalités humaines il y a (puisqu'il a bel et bien été mis en contact avec des "personnages" décisifs), je pense qu'il faut toujours y voir juste le moyen utilisé par les influences spirituelles... :-)

      Merci en tous cas, car tel est mon but !
      Faire connaître l'oeuvre de ce Maître et semer les graines... Le reste, Inch'Allah ! :-)

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  3. A l'époque où René Guénon écrit ce texte la City telle que nous la connaissons n'existait pas puisque la construction de ce quartier d'affaires est la conséquence des destructions et des bombardements nazis de la 2nde guerre. Il n'ignore pas le rôle des anglais qui sont l'un des pivots de la contre initiation, c'est eux qui ont fait dévier la franc maçonnerie et l'ont rendu spéculative et plus opérative. Mais les tours du diable sont des centres subtils de la contre initiation qui d'ailleurs fonctionnent un peu comme des miroirs inversés des centres traditionnels véritables. Ils ont toujours été dans des lieux bien cachés. Les villes modernes fonctionnent comme des antennes relais de ces influences diaboliques.
    Le Royaume Uni a en effet un rôle particulier, ils ont donné naissance à l'anomalie américaine qui semble être elle aussi une terre particulièrement féconde pour toutes les pires influences, de plus la famille royale britannique semble également des plus suspectes. C'est une famille d'origine allemande, protestante et qui a noué des alliances matrimoniales douteuses (Spencer, Middleton...). Elle jouera un rôle évident dans la fin des temps car elle est l'une des responsables de la création de ce monde moderne.
    Toutes ces tours modernes sont à la fois un signe des temps (annoncé dans les haddiths) et un symbole de ce monde moderne qui s'élève vers le Ciel par orgueil et non par foi, qui utilise à outrance les lumières artificielles et multiplie les signes occultes (il y a une tour à Shanghai, la 2e plus grande qui se termine par un gigantesque trou qui ressemble à un oeil, les chinois la surnomment le décapsuleur, on dirait la tour de Sauron dans le seigneur des anneaux) pour adorer leur maitre Lucifer, celui qui a amené aux hommes la fausse lumière...
    L'Ibn arabi society est effectivement un puissant levier de la contre initiation et de la confusion spirituelle actuelle.
    De manière générale le monde anglo saxon est suspect!

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    1. Merci pour ces éclaircissements Alfihar.... :-)

      La tour de l'horloge à la Mecque est un bon exemple aussi.... et en lieu saint ! :-(

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    2. Merci Alfihar pour ces éclaircissements.

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  4. C'est intéressant ce que dit Alfihar VH, je pense aussi que le monde anglo saxon a un rôle dans la fin des temps.

    En effet, je me faisais la réflexion, hier, que les fondements des peuples germains (racines anglo et saxonnes) restent tout de même le culte de l'homme et un goût immodéré pour une grandeur malsaine (Nietzche en est le symbole le plus flagrant)) représentent la culture la plus proche du culte de l'ombre (ériger l'homme comme un Dieu, est tout de même quelque chose qui les "habite").


    Pour la cour royale d'Angleterre, en effet, quelque chose de vraiment très malsain, en émane (en comparaison avec d'autres cours royales, d'autres pays).

    Le dernier mariage (d'hier), autour duquel beaucoup de polémiques gravitent, rend voyant ce bouillon glauque qui siège à l'intérieur de ces gens.

    Ne m'intéressant pas du tout aux "people" d'habitude, les yeux (le regard) de cette nouvelle princesse m'ont pourtant interpellée, et j'ai voulu en savoir plus, son histoire est particulière et traitée aussi de façon particulière (ses relations avec sa famille me font penser à "cendrillon" et la méchante demi soeur et le méchant père (dans cendrillon, c'est la belle mère. Les temps changent. Lol) Sauf que si certains évoquent leurs indélicatesses qui expliqueraient leur absence au mariage, on apprend dans d'autres journaux, qu'ils sont tout deux malades : Sclérose en plaque pour l'une, et opération à coeur ouvert pour l'autre).

    Est ce vrai ou pas, en tout cas, la famille royale d'Angleterre semble ne pas pouvoir vivre sans polémiques ou histoires à dormir debout.

    Tapez Meghan Markle et regardez le regard et les expressions de cette personne (en y repensant, le regard de son père n'est pas non plus bienveillant et celui de sa demi soeur, non plus).

    Cette "histoire" me paraît très louche.

    Quant à la reine, plus le temps passe, plus elle vieillit, plus une sorte d'aspect "démoniaque" se lit aisément sur son visage.

    Encore une fois, alors qu'habituellement peu au fait de ce type d'événement, celui ci a attiré mon attention, en lien avec les événements du Moyen Orient, à quelques jours du transfert d'ambassade US et la veille de la Pentecôte.

    De plus, les toilettes de la mariée ont été choisie de façon TRES symboliques (le bouquet de fleurs préférée de la princesse défunte, cette attention qui pourrait être considérée comme "pleine de délicatesse", je ne sais pas si ce n'est pas de mauvais augure pour un mariage de choisir quelque chose qui fut aimé par un être DCD aussi brutalement, et la mère du marié, qui plus est, ça sent mauvais tout ça).

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