lundi 13 août 2018

Charles-André Gilis, « René Guénon 1907-1961 » chapitre 5

Chapitre 5 : Les fondements de l’œuvre

Ce chapitre est extrait du dernier ouvrage de Charles-André Gilis : « René Guénon 1907-1961 ».

Il n'est pas, à ma connaissance et à ce jour, disponible sur internet.
Vous pouvez vous le procurer sur ce site :  Le Turban noir






Si difficiles qu’elles auront à être admises par les Occidentaux qui s’en tiennent à une interprétation littérale de l’œuvre de René Guénon, la signification et les conséquences de ce constat d’échec [la restauration d’une autorité traditionnelle en Occident] doivent être clairement et complètement établies.
 Tout d’abord, on relève qu’à aucun moment la fonction dont il fut investi ne s’est appuyée sur une organisation existante : seule une revivification de l’ancienne tradition occidentale fut envisagée.


L’Eglise catholique et la Franc-Maçonnerie furent écartées dés le départ, et sans appel. Toutefois, si cette tentative avait réussi, la première aurait certainement été appelée à jouer un rôle dans l’ordre exotérique. Même si l’Ordre du Temple n’était pas, à proprement parlé, une modalité de l’ésotérisme chrétien, on ne voit pas comment il aurait exercé son influence, et éventuellement son action, autrement qu’en s’appuyant sur le Catholicisme.
Quant à la Franc-Maçonnerie, les limitations inhérentes à la nature de son initiation et à la dérive spéculative la disqualifiaient pour opérer l’œuvre qu’il convenait d’entreprendre. Jusqu’à nos jours, elle n’a jamais accepté cette mise à l’écart dont les raisons sont pourtant évidentes.
Les moyens puissants dont elle dispose, et qu’elle utilise pour tenter de récupérer à son profit la doctrine exposée par René Guénon en lui imposant des restrictions arbitraires, peuvent expliquer la difficulté qu’elle éprouve à renoncer à ses prétentions illusoires.

Dés 1910, plus aucun redressement de l’Occident n’était envisageable par le développement de ses possibilités propres s’effectuant dans le sens d’un « retour à l’intellectualité vraie et normale » (1). René Guénon le savait mieux que personne ; et pourtant, jusqu’à son départ pour l’Orient, il va s’adresser aux Occidentaux comme si ce redressement était encore possible ; et cela à trois reprises : dans l’Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues qui paraît en 1921, dans Orient et Occident trois ans plus tard, et dans La Crise du Monde moderne qui paraît en 1927.
Il faut donc essayer de déterminer, autant que faire se peut, les motifs pour lesquels il a agi de la sorte, sous peine de ne rien comprendre à la signification véritable de ce qu’il écrit.

1 – Introduction générale, Conclusions.

L’œuvre de René Guénon procède de l’ésotérisme, traite de l’ésotérisme et c’est en mode ésotérique qu’il convient de la lire.

Deuxième constat décisif pour l’avenir : à partir du moment où aucun redressement proprement « occidental » n’était plus envisageable, le recours à la tradition islamique, seule forme traditionnelle réunissant le double avantage d’être de type religieux et de disposer d’une doctrine complète, s’imposait. Cet aspect apparaît comme la face complémentaire du premier.
René Guénon s’en est-il immédiatement rendu compte ?
Il est certain que la question islamique était étrangère (du moins extérieurement) à son rattachement initial et à la rénovation templière, mais pour la suite on ne peut naturellement avancer quoi que ce soit.
A la question posée, nous serions tenté de répondre par l’affirmative, si l’on considère que le degré initiatique qui était le sien comportait la connaissance de nombreux secrets relatifs au moment cyclique où il l’avait acquis.
Ce qui est  en tous cas vérifiable est que, dès 1910, il reçoit de multiples rattachements islamiques, culminant (2), au plus tard dans les premiers mois de 1911, avec une transmission de la baraka akbarienne par l’intermédiaire d’Abd al-Hâdî, muqaddam du Cheikh Abd ar-Rahman Elîsh al-Kabîr.

2 – Sur ce point, on se référera aux remarquables écrits de M. Jean Foucaud sur Abd al-Hâdî.

Tout se sera donc joué en quatre ans, selon un développement traditionnel cohérent et harmonieux : initiation aux doctrines hindoues en 1907, rénovation de l’Ordre du Temple de 1908 à 1910, bénédiction akbarienne en 1911.
Cependant, ce dernier aspect n’apparaîtra dans ses écrits que bien plus tard et René Guénon s’emploiera constamment jusqu’à son départ en Orient, et même par la suite, à en minimiser l’importance.

Les raisons de sa réticence sont évoquées dans les trois ouvrages que nous avons cités, mais elles n’y apparaissent que de manière incidente de sorte que ses lecteurs n’y prêtèrent point attention et prirent pour de l’argent comptant ce qui relevait, en réalité, d’un plan divin à long terme.

Déjà dans son premier ouvrage, commentant la « seconde hypothèse » (3) où les peuples Orientaux « pour sauver le monde occidental de cette déchéance irrémédiable, se l’assimileraient de gré ou de force », il lançait cet avertissement :
« Il y aurait assurément, dans de telles circonstances, une période transitoire occupée par des révolutions ethniques fort pénibles, dont il est difficile de se faire une idée, mais le résultat final serait de nature à compenser les dommages causés fatalement par une semblable catastrophe ».

Et comme, dans son esprit, il y avait là tout autre chose qu’une simple hypothèse, il ajoutait :
« Nous espérons que nul ne sera assez aveuglé par les préjugés occidentaux pour ne pas reconnaître combien cette hypothèse serait préférable à la précédente (celle où l’Occident, livré à lui-même, se trouverait dans la pire barbarie) ».
Trois ans plus tard, dans Orient et Occident, il ne se borne plus à envisager l’intervention « des peuples orientaux » d’une façon générale et précise sa pensée à l’égard de la civilisation islamique en particulier (4).

3 – Rappelons que l’Introduction générale mentionnait en conclusion trois hypothèses relatives à l’avenir de l’Occident ; elles sont suffisamment connues.
4 -   Cf. Le dernier chapitre, intitulé : Entente et non fusion.

Nous reproduisons ce passage dans son intégralité, car il nous parait capital pour la bonne compréhension de l’attitude qu’il adopte dans la phase initiale de son œuvre. Il commence à expliquer pourquoi la référence aux doctrines hindoues lui paraît préférable pour l’exposé de la métaphysique traditionnelle :
« elles sont relativement plus assimilables, et elles  réservent de plus larges possibilités d’adaptation ».
Pour justifier cette préférence, il ajoute que « l’Inde occupe une position moyenne dans l’ensemble oriental » et qu’elle n’est « ni trop loin ni trop près de l’Occident » alors qu’« il y aurait à se baser sur ce qui est plus rapproché, des inconvénients.... assez graves « ; et il achève ainsi sa justification :
« peut-être n’y aurait-il pas beaucoup d’avantages réels pour les compenser [ces inconvénients], car la civilisation islamique est à peu près aussi mal connue des Occidentaux que les civilisations plus orientales, et surtout sa partie métaphysique, qui est celle qui nous intéresse ici, leur échappe entièrement. »

Les doctrines ésotériques de l’islâm sont donc écartées à ce stade uniquement pour des questions d’opportunité, sans que cela entraîne le moindre jugement engageant l’avenir.
René Guénon termine son examen de l’« hypothèse islamique » par quelques lignes qui n’ont rien perdu, on en conviendra aisément, de leur vérité et de leur actualité :

« Il est vrai que cette civilisation islamique, avec ses deux faces ésotérique et exotérique, et avec la forme religieuse que revêt cette dernière, est ce qui ressemble le plus à ce que serait une civilisation traditionnelle occidentale ; mais la présence même de cette forme religieuse, par laquelle l’Islam tient en quelque sorte de l’Occident, risque d’éveiller certaines susceptibilités qui, si peu justifiées qu’elles soient au fond, ne seraient pas sans danger : ceux qui sont incapables de distinguer entre les différents domaines croiraient faussement à une concurrence sur le terrain religieux (5) ; et il y a certainement, dans la masse occidentale (où nous comprenons la plupart des pseudo-intellectuels), beaucoup plus de haine à l’égard de tout ce qui est islamique qu’en ce qui concerne le reste de l’Orient.
La peur entre pour une bonne part dans les mobiles de cette haine, et cet état d’esprit n’est dû qu’à l’incompréhension, mais, tant qu’il existe, la plus élémentaire prudence exige qu’on en tienne compte dans une certaine mesure ».

5 – C’est nous qui soulignons.

 La considération de l’opportunité s’explique donc par l’ignorance occidentale et celle de la prudence par les manifestations d’une haine engendrée par la peur.
Nous sommes sans doute mieux placés que quiconque pour savoir à quelles rancœurs peut conduire l’incompréhension « des pseudos-intellectuels ». Et si René Guénon indique, pour finir, que le devoir de prudence ne doit être pris en  compte que « dans une certaine mesure », c’est parce qu’il sait que, tôt ou tard, tout devra être dit sans qu’il y ait à se préoccuper exagérément, ni de la fureur des uns, ni de la sotte hostilité des autres.

Un autre élément essentiel pour la compréhension des conditions, littéralement extraordinaires, dans lesquelles René Guénon fut amené à exercer sa fonction doctrinale réside dans la difficulté qu’il y avait pour lui à exprimer un enseignement procédant d’une autorité universelle dont les Occidentaux ne connaissaient aucun équivalent et dont ils ne pouvaient avoir aucune idée.
Il lui fallait donc procéder d’une manière en quelque sorte « négative » et tenter de leur faire entrevoir qu’en dépit de leurs prétentions ils ignoraient l’essence profonde des doctrines orientales.

Dans la Conclusion de son premier ouvrage on trouve une déclaration qui précise clairement ce point :
« Si quelques Occidentaux pouvaient, par la lecture du précédent exposé, prendre conscience de ce qui leur manque intellectuellement, s’ils pouvaient, nous ne dirons pas même le comprendre, mais seulement l’entrevoir et le pressentir, ce travail n’aurait pas été fait en vain. »
Cette difficulté explique pour une grande part les continuels changements et retournements dans les langages qu’il tient, dans ses attitudes, dans ce qu’il cache aux uns et déclare aux autres, car il lui faut constamment adapter ses exposés aux dispositions particulières, aux connaissances partielles et à l’ignorance généralisée de ses interlocuteurs, tout en évitant, dans la mesure du possible, toute confrontation directe.

Ceux qui, plus tard, étudieront cette période en s’en tenant aux apparences seront tentés de ne voir dans ces revirements que des astuces d’ordre tactique, voire des tromperies délibérées ; ce qui fut notamment le cas de Marie-France James.
Du reste, il faut bien reconnaître qu’il y avait souvent de quoi être déconcerté. Sa préoccupation essentielle, à ce moment, est de ne pas trahir l’autorité qu’il représente et de préparer les esprits à ce qui sera la révélation majeure de son œuvre avant son départ pour l’Orient : la doctrine du Roi du Monde.
Après la fermeture de l’Ordre du Temple Rénové, il ne lui était plus possible d’assumer cette autorité en mettant lui-même en œuvre le double pouvoir spirituel et temporel détenu par le Centre suprême.
Sa fonction relève toujours du « gouvernement ésotérique du monde », désigné en islâm par le terme tasarruf, mais elle ne peut plus s’exercer désormais que dans le domaine intellectuel.
L’œuvre doctrinale de René Guénon est à ce point magistrale que beaucoup admettent difficilement  qu’elle ne correspond nullement à son intention première et qu’elle n’est pas le fruit d’un choix délibéré. Elle fut conçue et accomplie comme étant « de second ordre », à un moment où aucune alternative ne demeurait ouverte pour lui.
On ne peut la comprendre telle qu’elle est en réalité, si l’on ne voit pas qu’elle est la conséquence d’un échec, mais aussi, à l’égard de l’Occident, la manifestation conjointe d’une sanction et d’une miséricorde divines.

Toujours dans la Conclusion de son Introduction générale, il indique :

« Le travail à accomplir devrait, au début, s’en tenir au point de vue purement intellectuel (6), qui est le plus essentiel de tous, puisque c’est celui des principes, dont tout le reste dépend ; il est évident que les conséquences s’en étendraient ensuite, plus ou moins rapidement, à tous les autres domaines, par une répercussion toute naturelle ; modifier la mentalité d’un milieu est le seul moyen d’y produire, même socialement, un changement profond et durable (7), et vouloir commencer par les conséquences est une méthode éminemment illogique, qui n’est digne que de l’agitation impatiente et stérile des Occidentaux actuels. »

6 – Sous-entendu : la réalisation d’un ordre traditionnel intégram demeure le but final, mais il ne pourra être accompli que dans un deuxième temps.
7- C’est nous qui soulignons.

En stigmatisant l’impatience occidentale, René Guénon laisse entrevoir qu’il entame un processus de longue haleine, appelé à se dérouler avec lenteur, et qui, de fait, n’aboutira que quarante ans plus tard avec la publication par Michel Vâlsan de la figure du Triangle de l’Androgyne.

Quant aux « conséquences » qui pourraient en découler, et qui concerneraient, dans un premier temps la guidance spirituelle, puis, dans une phase ultérieure, l’exercice effectif du pouvoir temporel, René Guénon s’en désintéresse dans les écrits qu’il publie.
Le « gouvernement ésotérique » ne lui assigne à ce moment d’autre but qu’une « modification de la mentalité du milieu » et il entend se consacrer exclusivement à cette tâche.
Dans un texte intitulé Réflexions sur le pouvoir occulte et qui paraît, à la veille de la guerre, dans La France chrétienne antimaçonnique (8), il apporte sur ce sujet quelques précisions décisives :

8 – Sous la signature du Sphinx.

« Les chefs (du pouvoir occulte) ne s’intéressent pas aux questions politiques et sociales en tant que telles ; ils pourront même n’avoir qu’une fort médiocre considération pour ceux qui se consacrent à ce genre de travaux » ; et encore :
« Les Supérieurs Inconnus, de quelque sorte qu’ils soient, et quel que soit le domaine où ils veulent agir, ne cherchent jamais à créer des « mouvements »... ils créent seulement des « états d’esprits », ce qui est beaucoup plus efficace, mais peut-être un peu moins à la portée de tout le monde... la mentalité des individus et des collectivités peut être modifiée par un ensemble systématisé de suggestions appropriées ; au fond l’éducation elle-même n’est guère autre chose que cela... un état d’esprit déterminé requiert des conditions favorable pour s’établir, et il faut savoir,  ou profiter de ces conditions si elles existent déjà, ou en provoquer soi-même la réalisation. »

Ce texte se rapporte de toute évidence à s propre fonction et c’est à l’élaboration de conditions nouvelles qu’il s’emploie manifestement. En tant qu’il est le représentant du Centre suprême, René Guénon est lui-même un « Supérieur Inconnu » en ce sens que la source et la nature de son autorité sont ignorées de ceux auxquels il s’adresse (9).
Selon Michel Vâlsan, la croyance en leur présence agissante et secrète est une des conditions essentielles de l’orthodoxie maçonniques puisqu’elle implique la reconnaissance d’une subordination de la Franc-Maçonnerie au Centre primordial et universel. La couleur symbolique des Supérieurs Inconnus est le noir qui représente la non-manifestation du principe suprême (10).

9 – Il est à tout le moins curieux qu’il ait porté ce titre dans le milieu occultiste. Selon Jean-Pierre Laurant : « L’Ecole hermétique couvrait diverses organisations dont l’Ordre Martiniste où Guénon fut reçu « Supérieur Inconnu » (il fit, d’ailleurs, dans l’Initiation deux comptes-rendus signés R.G.S.I.) » ; cf. p. 44.
10 – Cf. Les « têtes noires », chap. XVI des Symboles fondamentaux.

Dans l’ésotérisme islamique, ils sont appelés rijâl al-ghayb (les « hommes du mystère »). On les désigne aussi sous le nom de malâmatî, les « hommes du blâme » qui, en toutes circonstances, cachent soigneusement leur fonction et leur état.
En cette qualité, René Guénon était détenteur d’une autorité majeure au sein du tasawwuf. Le nom divin correspondant  aux Supérieurs Inconnus est Huwa. Celui-ci est le secret du Nom de Majesté Allâh (11), le secret de la sourate al-Ikhlâs (qul Huwa Allâh), le secret du Coran tout entier qui est destiné à ceux qui « croient au Mystère » (alladhîna yu’minûna bi-l-ghayb ; Cor. 2, 3).
Toute manifestation de cette autorité suprême suscite inévitablement, en islâm comme ailleurs, l’incompréhension, voire le rejet et l’hostilité, et cela aussi bien de la part des exotéristes que des maîtres qui envisagent la direction spirituelle de façon unilatérale.

La publication du Roi du Monde en 1927, l’année où il fait paraître aussi La crise du Monde moderne, apparaît comme l’aboutissement du travail préparatoire entrepris depuis six ans et comme la révélation majeure de cette première période de sa carrière de docteur.
De prime abord on peut s’étonner qu’il ait décidé, en parfaite connaissance de cause et conscient des risques encourus, d’aborder une question qui le concernait d’une manière aussi directe. Toutefois, on observe que si, dans les trois ouvrages où il traite du sort de l’Occident, il parle abondamment de lui-même, précisant ses intentions et indiquant ce qu’il conviendrait de faire, le Roi du Monde est écrit de manière beaucoup plus impersonnelle.
Seul fait exception le chapitre premier où il rapporte la circonstance anecdotique qui fut à l’origine de l’ouvrage, et qui s’est révélée déterminante : la publication en 1924 de l’ouvrage de Ferdinand Ossendowski : Bêtes, Hommes et Dieux qu’il qualifie lui-même de « fait nouveau et quelque peu inattendu » ; il ajoute : « le bruit qui a été fait autour de ce livre fournit, croyons-nous, une occasion favorable pour rompre enfin le silence sur cette question de l’Agarttha. »

L’ « occasion « favorable » est considérée comme la réponse à une demande d’istikhâra (12) implicite, tandis que l’adverbe « enfin » indique à quel point une étude sur cette question lui tenait à cœur, ce qu’un lecteur averti, attentif et acquis à son enseignement, n’aura aucune peine à comprendre.

12 – Rite qui consiste en islâm à rechercher ce qu’il convient de faire en accord avec les dispositions de la sagesse divine.

Pour le reste, l’auteur s’efface explicitement devant son sujet : « Si nous citons M. Ossendowski et même Saint-Yves, c’est uniquement parce que ce qu’ils ont dit peut servir de point de départ à des considérations qui n’ont rien à voir avec ce qu’on pourra penser de l’un et de l’autre, et dont la portée dépasse singulièrement leurs individualités, aussi bien que la nôtre, qui, en ce domaine, ne doit pas compter davantage (13). »
En revanche, l’autorité souveraine qu’il représente transparaît discrètement dans certains passages ; et c’est là un point essentiel dans la perspective de la présente étude.

D’une part, il indique que ses connaissances proviennent « de tout autres sources » que les témoignages recueillis par Ossendowski, sources dont il précise indirectement la nature : il ne s’agit sûrement pas de sources écrites, mais bien plutôt d’une inspiration directe liée au degré initiatique atteint et ne comportant aucune référence vérifiable.
Ses adversaires ne s’y sont pas trompés, qui n’ont voulu voir dans cet ouvrage que le produit de son imagination.
Le Roi du Monde est issu d’une évidence : sa signification ne peut être saisie que par l’évidence et son autorité ne peut s’imposer que par l’évidence.

13 – C’est nous qui soulignons. Ajoutons à cette occasion que ces considérations présentent un rapport direct avec ce qu’Ibn Arabî a mis au jour huit siècles auparavant dans la partie initiale du chapitre 73 des Futûhât. Les différences d’ordre individuel ne doivent pas ici « compter davantage » : il s’agit bel et bien d’un seul et même enseignement.

D’autre part, il déclare dans ses conclusions :
« Nous en avons dit (sur ce sujet) certainement bien plus qu’on ne l’avait fait jusqu’ici, et quelques uns seront peut-être tentés de nous le reprocher. Cependant, nous ne pensons pas que ce soit trop, et nous sommes même persuadé qu’il n’y a là rien qui ne doive être dit ».

René Guénon juge souverainement de ce qui doit être dit et de ce qui ne doit pas l’être ; ainsi que des questions d’opportunité qui l’obligent à le dire.
A l’égard de l’Occident et de ce qui convient à son redressement traditionnel, il est, et n’a jamais cessé d’être le « Souverain Commandeur du Temple ».


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