vendredi 8 juin 2018

Satanisme conscient et inconscient, partie 2/2



Partie 1 ICI 

« Par tout ce que nous avons déjà dit, il est facile de se rendre compte que la constitution de la « contre-tradition » et son triomphe apparent et momentané seront proprement le règne de ce que nous avons appelé la « spiritualité à rebours », qui, naturellement, n’est qu’une parodie de la spiritualité, qu’elle imite pour ainsi dire en sens inverse, de sorte qu’elle paraît en être le contraire même ; nous disons seulement qu’elle le paraît, et non pas qu’elle l’est réellement, car, quelles que puissent être ses prétentions, il n’y a ici ni symétrie ni équivalence possible.




Cette « spiritualité à rebours » n’est donc, à vrai dire, qu’une fausse spiritualité, fausse même au degré le plus extrême qui se puisse concevoir ; mais on peut aussi parler de fausse spiritualité dans tous les cas où, par exemple, le psychique est pris pour le spirituel, sans aller forcément jusqu’à cette subversion totale ; c’est pourquoi, pour désigner celle-ci, l’expression de « spiritualité à rebours » est en définitive celle qui convient le mieux, à la condition d’expliquer exactement comment il convient de l’entendre. C’est là, en réalité, le « renouveau spirituel » dont certains, parfois fort inconscients, annoncent avec insistance le prochain avènement, ou encore l’« ère nouvelle » dans laquelle on s’efforce par tous les moyens de faire entrer l’humanité actuelle. »
RG, Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps.




"Le diable n’est pas seulement terrible, il est souvent grotesque ; que chacun prenne cela comme il l’entendra, suivant l’idée qu’il s’en fait ; mais que ceux qui pourraient être tentés de s’étonner ou même de se scandaliser d’une telle affirmation veuillent bien se reporter aux détails saugrenus que l’on trouve inévitablement dans toute affaire de sorcellerie, et faire ensuite un rapprochement avec toutes ces manifestations ineptes que les spirites ont l’inconscience d’attribuer aux « désincarnés ».

Un exemple de la grande parodie et de la spiritualité à rebours.... 

Divers occultistes prétendent que ce qui nous apparaît comme des forces, ce sont en réalité des êtres individuels, plus ou moins comparables aux êtres humains ; cette conception anthropomorphique est, dans bien des cas, tout le contraire de la vérité. 

[Ici, René Guénon détaille une séance de spiritisme lors de laquelle un « esprit » se manifeste par diverses manipulations d’objets, concocte un grog puis le donne à boire à l’un des participants... Passage non reproduit car le texte aurait été trop long, mais il est consultable dans le livre dont le lien est donné à la fin de cet article.]

Il serait difficile d’imaginer quelque chose de plus puéril ; pour croire que les morts reviennent pour se livrer à ces facéties de mauvais goût, il faut assurément plus que de la naïveté ; et que penser de cette « prière aux esprits » par laquelle débute une telle séance ? Ce caractère grotesque est évidemment la marque de quelque chose d’un ordre fort inférieur ; même lorsque la source en est dans l’être humain (et nous comprenons dans ce cas les « entités » formées artificiellement et plus ou moins persistantes), cela provient assurément des plus basses régions du « subconscient » ; et tout le spiritisme, en y englobant pratiques et théories, est, à un degré plus ou moins accentué, empreint de ce caractère. Nous ne faisons pas d’exception pour ce qu’il y a de plus « élevé », au dire des spirites, dans les « communications » qu’ils reçoivent : celles qui ont des prétentions à exprimer des idées sont absurdes, ou inintelligibles, ou d’une banalité que des gens complètement incultes peuvent seuls ne pas voir ; quant au reste, c’est de la sentimentalité la plus ridicule. 

Assurément, il n’y a pas besoin de faire intervenir spécialement le diable pour expliquer de semblables productions, qui sont tout à fait à la hauteur de la « subconscience » humaine ; s’il consentait à s’en mêler, il n’aurait certes aucune peine à faire beaucoup mieux que cela.

une grande illusion... 

On dit même que le diable, quand il veut, est fort bon théologien ; il est vrai, pourtant, qu’il ne peut s’empêcher de laisser échapper toujours quelque sottise, qui est comme sa signature ; mais nous ajouterons qu’il n’y a qu’un domaine qui lui soit rigoureusement interdit, et c’est celui de la métaphysique pure ; ce n’est pas ici le lieu d’en indiquer les raisons, encore que ceux qui auront compris les explications précédentes puissent en deviner une partie sans trop de difficulté. 

Mais revenons aux divagations de la « subconscience » : il suffit que celle-ci ait en elle des éléments « démoniaques », au sens que nous avons dit, et qu’elle soit capable de mettre l’homme en relation involontaire avec des influences qui, même si elles ne sont que de simples forces inconscientes par elles-mêmes, n’en sont pas moins « démoniaques » aussi ; cela suffit, disons-nous, pour que le même caractère s’exprime dans quelques-unes des « communications » dont il s’agit. 

Ces « communications » ne sont pas forcément celles qui, comme il y en a fréquemment, se distinguent par la grossièreté de leur langage ; il se peut que ce soient aussi, parfois, celles devant lesquelles les spirites tombent en admiration. 
Il y a sous ce rapport, des marques qui sont assez difficiles à distinguer à première vue : là aussi, ce peut être une simple signature, pour ainsi dire, constituée par le ton même de l’ensemble, ou par quelque formule spéciale, par une certaine phraséologie ; et il y a de ces termes et de ces formules, en effet, qui se retrouvent un peu partout, qui dépassent l’atmosphère de tel ou tel groupe particulier, et qui semblent être imposés par quelque volonté exerçant une action plus générale. Nous constatons simplement, sans vouloir en tirer une conclusion précise ; nous préférons laisser disserter là-dessus, avec l’illusion que cela confirme leur thèse, les partisans de la « troisième mystique », de cette « mystique humaine » qu’imagina le protestant mai converti qu’était Gœrres (nous voulons dire que sa mentalité était demeurée protestante et « rationaliste » par certains côtés) ; pour nous, si nous avions à poser la question sur le terrain théologique, elle ne se poserait pas tout à fait de cette façon, dès lors qu’il s’agit d’éléments qui sont proprement « infra-humains », donc représentatifs d’autres états, même s’ils sont inclus dans l’être humain ; mais, encore une fois, ce n’est point là notre affaire. 

Les choses auxquelles nous venons de faire allusion se rencontrent surtout dans les « communications » qui ont un caractère spécialement moral, ce qui est d’ailleurs le cas du plus grand nombre ; beaucoup de gens ne manqueront pas de s’indigner qu’on fasse intervenir le diable là-dedans, si indirectement que ce soit, et qu’on pense qu’il peut prêcher la morale ; c’est même là un argument que les spirites font valoir souvent contre ceux de leurs adversaires qui soutiennent la théorie « démoniaque ». 

Paix et amour universels : deux points phares de la doctrine de l'AC...

Voici, par exemple, en quels termes s’est exprimé à ce sujet un spirite qui est en même temps un pasteur protestant, et dont les paroles, en raison de cette double qualité, méritent quelque attention :

« On dit dans les Eglises : Mais ces esprits qui se manifestent, ce sont des démons, et il est dangereux de se mettre en relation avec le diable. Le diable, je n’ai pas l’honneur de le connaître (sic) ; mais enfin supposons qu’il existe : ce que je sais de lui, c’est qu’il a une réputation bien établie, celle d’être très intelligent, très malin, et en même temps de n’être pas un personnage essentiellement bon et charitable. Or, si les communications nous viennent du diable, comment se fait-il que, très souvent, elles ont un caractère si élevé, si beau, si sublime, qu’elles pourraient très avantageusement figurer dans les cathédrales et dans la prédication des orateurs religieux les plus éloquents ? Comment se fait-il que ce diable, qui est si malfaisant et si intelligent, s’applique dans tant de circonstances à fournir à ceux qui communiquent avec lui les directions les plus consolantes et les plus moralisantes ? Donc je ne puis pas croire que je suis en communication avec le diable » (1).

1 – Discours du pasteur Alfred Bénézech au Congrès spirite de Genève, en 1913.

Cet argument ne fait sur nous aucune impression, d’abord parce que, si le diable peut être théologien quand il y trouve avantage, il peut aussi, et « a fortiori », être moraliste, ce qui ne demande point tant d’intelligence ; on pourrait même admettre, avec quelque apparence de raison, que c’est là un déguisement qu’il prend pour mieux tromper les hommes et leur faire accepter des doctrines fausses. 

Ensuite, ces choses « consolantes » et « moralisantes » sont précisément, à nos yeux, de l’ordre le plus inférieur, et il faut être aveuglé par certains préjugés pour les trouver « élevées » et « sublimes » ; mettre la morale au-dessus de tout, comme le font les protestants et les spirites, c’est encore renverser l’ordre normal des choses ; cela même est donc « diabolique », ce qui ne veut pas dire que tous ceux qui pensent ainsi soient pour cela en communication effective avec le diable.

"Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous nettoyez le dehors de la coupe et du plat, et qu'au dedans ils sont pleins de rapine et d'intempérance."

À ce propos, il y a encore une autre remarque à faire : c’est que les milieux où l’on éprouve le besoin de prêcher la morale en toute circonstances sont souvent les plus immoraux en pratique ; qu’on explique cela comme on voudra, mais c’est un fait ; pour nous, l’explication toute simple, c’est que tout ce qui touche à ce domaine met en jeu inévitablement ce qu’il y a de plus bas dans la nature humaine ; ce n’est pas pour rien que les notions morales de bien et de mal sont inséparables l’une de l’autre et ne peuvent exister que par leur opposition.
Mais que les admirateurs de la morale, s’ils n’ont pas les yeux fermés par un parti pris par trop incurable, veuillent bien regarder du moins s’il n’y aurait pas, dans les milieux spirites, bien des choses qui pourraient alimenter cette indignation qu’ils manifestent si facilement ; à en croire des gens qui ont fréquenté ces milieux, il y a là des dessous fort malpropres.
(...)

En ce qui nous concerne, nous ne voulons pas pousser les choses à l’extrême, et ce n’est pas à nous qu’il appartient de poser la question d’une action directe et « personnelle » de Satan ; mais peu nous importe, car, quand nous parlons de « satanisme », ce n’est pas nécessairement ainsi que nous l’entendons.

Au fond, les questions de « personnification », si l’on peut s’exprimer ainsi, sont parfaitement indifférentes à notre point de vue ; ce que nous voulons dire en réalité est tout à fait indépendant de cette interprétation particulière aussi bien que de toute autre, et nous n’entendons en exclure aucune, sous la seule condition qu’elle corresponde à une possibilité.

Vincit omnia Veritas

En tout cas, ce que nous voyons dans tout cela, et plus généralement dans le spiritisme et les autres mouvements analogues, ce sont des influences qui proviennent incontestablement de ce que certains appellent la « sphère de l’Antéchrist » ; cette désignation peut encore être prise symboliquement, mais cela ne change rien à la réalité et ne rend pas ces influences moins néfastes. 

Assurément, ceux qui participent à de tels mouvements, et même ceux qui croient les diriger, peuvent ne rien savoir de ces choses ; c’est bien là qu’est le plus grand danger, car beaucoup d’entre eux, très certainement, s’éloigneraient avec horreur s’ils pouvaient se rendre compte qu’ils se font les serviteurs des « puissances des ténèbres » ; mais leur aveuglement est souvent irrémédiable, et leur bonne foi même contribue à attirer d’autres victimes ; cela n’autorise-t-il pas à dire que la suprême habileté du diable, de quelque façon qu’on le conçoive, c’est de faire nier son existence ?



RENÉ GUÉNON - L’ERREUR SPIRITE
PARTIE II : CHAPITRE X : LA QUESTION DU SATANISME

5 commentaires:

  1. Bonjour, y'a t-il un moyen pour t'envoyer un MP ? si non ce n'est pas très grave, c’était juste demander ton avis sur un article sur le quelle j'étais tomber avant hier.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui tu peux me contacter ici : ligiea.euskadi@gmail.com :-)

      Supprimer
  2. Merci. Tu es géniale et superclaire.
    Gratitude

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Tara :-)
      J'essaie de contrer les mauvaises influences qui circulent sur le net... à mon niveau bien entendu ! ;-)

      Supprimer
  3. il y a aussi l'aspect "Séduction" :
    "Par ta puissance je séduirais tous les hommes, exceptés ceux d'entre eux qui sont tes serviteurs purifiés"(Cor.38.82)
    "Enflamme par ta voix tous ceux que tu pourras,rassemble contre eux tes coursiers et fantassins, associe toi à eux dans les richesses et les enfants et fais leurs des promesses" (Cor.17.64)

    RépondreSupprimer