Reproduction de l'ouvrage de Guénon.
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http://www.rene-guenon.ch/Rene_Guenon/Guenon_Rene_-_Apercus_sur_l_initiation.pdf
Sommaire de l'oeuvre :
AVANT-PROPOS
- CHAPITRE PREMIER - VOIE INITIATIQUE ET VOIE MYSTIQUE
- CHAPITRE II - MAGIE ET MYSTICISME
- CHAPITRE III - ERREURS DIVERSES CONCERNANT L’INITIATION
- CHAPITRE IV - DES CONDITIONS DE L’INITIATION
- CHAPITRE V - DE LA RÉGULARITÉ INITIATIQUE
- CHAPITRE VI - SYNTHÈSE ET SYNCRÉTISME
- CHAPITRE VII - CONTRE LE MÉLANGE DES FORMES TRADITIONNELLES
- CHAPITRE VIII - DE LA TRANSMISSION INITIATIQUE
- CHAPITRE IX - TRADITION ET TRANSMISSION
- CHAPITRE X - DES CENTRES INITIATIQUES
- CHAPITRE XI - ORGANISATIONS INITIATIQUES ET SECTES RELIGIEUSES
- CHAPITRE XII - ORGANISATIONS INITIATIQUES ET SOCIÉTÉS SECRÈTES
- CHAPITRE XIII - DU SECRET INITIATIQUE
- CHAPITRE XIV - DES QUALIFICATIONS INITIATIQUES
- CHAPITRE XV - DES RITES INITIATIQUES
- CHAPITRE XVI - LE RITE ET LE SYMBOLE
- CHAPITRE XVII - MYTHES, MYSTÈRES ET SYMBOLES
- CHAPITRE XVIII - SYMBOLISME ET PHILOSOPHIE
- CHAPITRE XIX - RITES ET CÉRÉMONIES
- CHAPITRE XX - À PROPOS DE « MAGIE CÉRÉMONIELLE »
- CHAPITRE XXI - DES PRÉTENDUS « POUVOIRS » PSYCHIQUES
- CHAPITRE XXII - LE REJET DES « POUVOIRS »
- CHAPITRE XXIII - SACREMENTS ET RITES INITIATIQUES
- CHAPITRE XXIV - LA PRIÈRE ET L’INCANTATION
- CHAPITRE XXV - DES ÉPREUVES INITIATIQUES
- CHAPITRE XXVI - DE LA MORT INITIATIQUE
- CHAPITRE XXVII - NOMS PROFANES ET NOMS INITIATIQUES
- CHAPITRE XXVIII - LE SYMBOLISME DU THÉÂTRE
- CHAPITRE XXIX -« OPÉRATIF » ET « SPÉCULATIF »
- CHAPITRE XXX - INITIATION EFFECTIVE ET INITIATION VIRTUELLE
- CHAPITRE XXXI - DE L’ENSEIGNEMENT INITIATIQUE
- CHAPITRE XXXII - LES LIMITES DU MENTAL
- CHAPITRE XXXIII - CONNAISSANCE INITIATIQUE ET « CULTURE » PROFANE
- CHAPITRE XXXIV - MENTALITÉ SCOLAIRE ET PSEUDO-INITIATION
- CHAPITRE XXXV - INITIATION ET « PASSIVITÉ »
- CHAPITRE XXXVI - INITIATION ET « SERVICE »
- CHAPITRE XXXVII - LE DON DES LANGUES
- CHAPITRE XXXVIII - ROSE-CROIX ET ROSICRUCIENS
- CHAPITRE XXXIX - GRANDS MYSTÈRES ET PETITS MYSTÈRES
- CHAPITRE XL - INITIATION SACERDOTALE ET INITIATION ROYALE
- CHAPITRE XLI - QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR L’HERMÉTISME
- CHAPITRE XLII - TRANSMUTATION ET TRANSFORMATION
- CHAPITRE XLIII - SUR LA NOTION DE L’ÉLITE
- CHAPITRE XLIV - DE LA HIÉRARCHIE INITIATIQUE
- CHAPITRE XLV - DE L’INFAILLIBILITÉ TRADITIONNELLE
- CHAPITRE XLVI - SUR DEUX DEVISES INITIATIQUES
- CHAPITRE XLVII - « VERBUM, LUX ET VITA »
- CHAPITRE XLVIII - LA NAISSANCE DE L’AVATÂRA
AVANT-PROPOS
On nous a demandé, de divers côtés et à plusieurs reprises, de réunir
en volume les articles que nous avons fait paraître, dans la revue Etudes
Traditionnelles, sur des questions se rapportant directement à l’initiation ;
il ne nous a pas été possible de donner satisfaction immédiatement à ces
demandes, car nous estimons qu’un livre doit être autre chose qu’une simple
collection d’articles, et cela d’autant plus que, dans le cas présent, ces articles,
écrits au gré des circonstances et souvent pour répondre à des questions qui
nous étaient posées, ne s’enchaînaient pas à la façon des chapitres successifs
d’un livre ; il nous fallait donc les remanier, les compléter et les disposer
autrement, et c’est ce que nous avons fait ici.
Ce n’est pas à dire, d’ailleurs, que nous ayons voulu faire ainsi une
sorte de traité plus ou moins complet et en quelque sorte « didactique » ; cela
serait encore concevable, à la rigueur, s’il s’agissait seulement d’étudier une
forme particulière d’initiation, mais, dès lors qu’il s’agit au contraire de
l’initiation en général, ce serait là une tâche tout à fait impossible, car les
questions qui peuvent se poser à cet égard ne sont point en nombre déterminé,
la nature même du sujet s’opposant à toute délimitation rigoureuse, de sorte
qu’on ne saurait aucunement avoir la prétention de les traiter toutes et de
n’en omettre aucune.
Tout ce qu’on peut faire, en somme, c’est d’envisager certains
aspects, de se placer à certains points de vue, qui certainement, même s’ils
sont ceux dont l’importance apparaît le plus immédiatement pour une raison ou
pour une autre, laissent pourtant en dehors d’eux bien des points qu’il serait
également légitime de considérer ; c’est pourquoi nous avons pensé que le mot
d’« aperçus » était celui qui pouvait le mieux caractériser le contenu du
présent ouvrage, d’autant plus que, même en ce qui concerne les questions
traitées, il n’est sans doute pas possible d’en « épuiser » complètement une
seule. Il va de soi, au surplus, qu’il ne pouvait être question de répéter ici
ce que nous avons déjà dit dans d’autres livres sur des points touchant au même
sujet ; nous devons nous contenter d’y renvoyer le lecteur chaque fois que cela
est nécessaire ; du reste, dans l’ordre de connaissance auquel se rapportent
tous nos écrits, tout est lié de telle façon qu’il est impossible de procéder
autrement.
Nous venons de dire que notre intention a été essentiellement de
traiter des questions concernant l’initiation en général ; il doit donc être
bien entendu que, toutes les fois que nous nous référons à telle ou telle forme
initiatique déterminée, nous le faisons uniquement à titre d’exemple, afin de
préciser et de faire mieux comprendre ce qui, sans l’appui de ces cas particuliers,
risquerait de demeurer un peu trop dans le vague.
Il importe d’insister là-dessus surtout lorsqu’il s’agit des formes
occidentales, afin d’éviter toute équivoque et tout malentendu : si nous y
faisons assez souvent allusion, c’est que les « illustrations » qui peuvent en
être tirées nous semblent, en bien des cas, devoir être plus facilement
accessibles que d’autres à la généralité des lecteurs, voire même déjà plus ou
moins familières à un certain nombre d’entre eux ; il est évident que cela est
entièrement indépendant de ce que chacun peut penser de l’état présent des
organisations par lesquelles ces formes initiatiques sont conservées et
pratiquées.
Quand on se rend compte du degré de dégénérescence auquel en est
arrivé l’Occident moderne, il n’est que trop facile de comprendre que bien des
choses d’ordre traditionnel, et à plus forte raison d’ordre initiatique, ne
peuvent guère y subsister qu’à l’état de vestiges, à peu près incompris de ceux
mêmes qui en ont la garde ; c’est d’ailleurs là ce qui rend possible
l’éclosion, à côté de ces restes authentiques, des multiples « contrefaçons »
dont nous avons eu déjà l’occasion de parler ailleurs, car ce n’est que dans de
pareilles conditions qu’elles peuvent faire illusion et réussir à se faire prendre
pour ce qu’elles ne sont pas ; mais, quoi qu’il en soit, les formes
traditionnelles demeurent toujours, en elles-mêmes, indépendantes de ces
contingences.
Ajoutons encore que, lorsqu’il nous arrive au contraire d’envisager
ces mêmes contingences et de parler, non plus des formes initiatiques, mais de
l’état des organisations initiatiques et pseudo-initiatiques dans l’Occident
actuel, nous ne faisons en cela qu’énoncer la constatation de faits où nous ne
sommes évidemment pour rien, sans aucune autre intention ou préoccupation que
celle de dire la vérité à cet égard comme pour toute autre chose que nous avons
à considérer au cours de nos études, et d’une façon aussi entièrement
désintéressée que possible. Chacun est libre d’en tirer telles conséquences
qu’il lui conviendra ; quant à nous, nous ne sommes nullement chargé d’amener
ou d’enlever des adhérents à quelque organisation que ce soit, nous n’engageons
personne à demander l’initiation ici ou là, ni à sen abstenir, et nous estimons
même que cela ne nous regarde en aucune façon et ne saurait aucunement rentrer
dans notre rôle.
Certains s’étonneront peut-être que nous nous croyions obligé de tant
y insister, et, à vrai dire, cela devrait en effet être inutile s’il ne fallait
compter avec l’incompréhension de la majorité de nos contemporains, et aussi
avec la mauvaise foi d’un trop grand nombre d’entre eux ; nous sommes
malheureusement trop habitué à nous voir attribuer toute sorte d’intentions que
nous n’avons jamais eues, et cela par des gens venant des côtés les plus
opposés, au moins en apparence, pour ne pas prendre à cet égard toutes les
précautions nécessaires ; nous n’osons d’ailleurs ajouter suffisantes, car qui
pourrait prévoir tout ce que certains sont capables d’inventer ?
On ne devra pas s’étonner non plus que nous nous étendions souvent sur
les erreurs et les confusions qui sont commises plus ou moins communément au
sujet de l’initiation, car, outre l’utilité évidente qu’il y a à les dissiper,
c’est précisément en les constatant que nous avons été amené, dans bien des
cas, à voir la nécessité de traiter plus particulièrement tel ou tel point
déterminé, qui sans cela aurait pu nous paraître aller de soi ou tout au moins
n’avoir pas besoin de tant d’explications. Ce qui est assez digne de remarque,
c’est que certaines de ces erreurs ne sont pas seulement le fait de profanes ou
de pseudo-initiés, ce qui n’aurait en somme rien d’extraordinaire, mais aussi
de membres d’organisations authentiquement initiatiques, et parmi lesquels il
en est même qui sont regardés comme des « lumières » dans leur milieu, ce qui
est peut-être une des preuves les plus frappantes de cet actuel état de
dégénérescence auquel nous faisions allusion tout à l’heure.
A ce propos, nous pensons pouvoir exprimer, sans trop risquer qu’il
soit mal interprété, le souhait que, parmi les représentants de ces
organisations, il s’en trouve tout au moins quelques uns à qui les
considérations que nous exposons contribueront à rendre la conscience de ce
qu’est véritablement l’initiation ; nous n’entretenons d’ailleurs pas des
espoirs exagérés à cet égard, non plus que pour tout ce qui concerne plus
généralement les possibilités de restauration que l’Occident peut encore porter
en lui-même.
Pourtant, il en est assurément à qui la connaissance réelle fait plus
défaut que la bonne volonté ; mais cette bonne volonté ne suffit pas, et toute
la question serait de savoir jusqu’où leur horizon intellectuel est susceptible
de s’étendre, et aussi s’ils sont bien qualifiés pour passer de l’initiation virtuelle
à l’initiation effective ; en tout cas, nous ne pouvons, quant à nous, rien
faire de plus que de fournir quelques données dont profiteront peut-être ceux
qui en seront capables et qui seront disposés à en tirer parti dans la mesure
où les circonstances le leur permettront.
Ceux-là ne seront certainement jamais très nombreux, mais, comme nous
avons eu souvent à le dire déjà, ce n’est pas le nombre qui importe dans les
choses de cet ordre, pourvu toutefois, dans ce cas spécial, qu’il soit au
moins, pour commencer, celui que requiert la constitution des organisations
initiatiques ; jusqu’ici, les quelques expériences qui ont été tentées dans un
sens plus ou moins voisin de celui dont il s’agit, à notre connaissance, n’ont
pu, pour des raisons diverses, être poussées assez loin pour qu’il soit
possible de juger des résultats qui auraient pu être obtenus si les
circonstances avaient été plus favorables.
Il est d’ailleurs bien clair que l’ambiance moderne, par sa nature
même, est et sera toujours un des principaux obstacles que devra inévitablement
rencontrer toute tentative de restauration traditionnelle en Occident, dans le
domaine initiatique aussi bien que dans tout autre domaine ; il est vrai que,
en principe, ce domaine initiatique devrait, en raison de son caractère « fermé
», être plus à l’abri de ces influences hostiles du monde extérieur, mais, en
fait, il y a déjà trop longtemps que les organisations existantes se sont
laissé entamer par elles, et certaines. « brèches » sont maintenant trop largement
ouvertes pour être facilement réparées.
Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple typique, en adoptant des formes
administratives imitées de celles des gouvernements profanes, ces organisations
ont donné prise à des actions antagonistes qui autrement n’auraient trouvé
aucun moyen de s’exercer contre elles et seraient tombées dans le vide ; cette
imitation du monde profane constituait d’ailleurs, en elle-même, un de ces
renversements des rapports normaux qui, dans tous les domaines, sont si
caractéristiques du désordre moderne. Les conséquences de cette « contamination
» sont aujourd’hui si manifestes qu’il faut être aveugle pour ne pas les voir,
et pourtant nous doutons fort que beaucoup sachent les rapporter à leur
véritable cause ; la manie des « sociétés » est trop invétérée chez la plupart
de nos contemporains pour qu’ils conçoivent même la simple possibilité de se
passer de certaines formes purement extérieures ; mais, pour cette raison même,
c’est peut-être là ce contre quoi devrait tout d’abord réagir quiconque
voudrait entreprendre une restauration initiatique sur des bases vraiment
sérieuses.
Nous n’irons pas plus loin dans ces réflexions préliminaires, car,
redisons-le encore une fois, ce n’est pas à nous qu’il appartient d’intervenir
activement dans des tentatives de ce genre ; indiquer la voie à ceux qui
pourront et voudront s’y engager, c’est là tout ce que nous prétendons à cet
égard ; et, du reste, la portée de ce que nous avons à dire est bien loin de se
limiter à l’application qui peut en être faite à une forme initiatique
particulière, puisqu’il s’agit avant tout des principes fondamentaux qui sont
communs à toute initiation, qu’elle soit d’Orient ou d’Occident.
L’essence et le but de l’initiation sont, en effet, toujours et
partout les mêmes ; les modalités seules diffèrent, par adaptation aux temps et
aux lieux ; et nous ajouterons tout de suite, pour que nul ne puisse s’y
méprendre, que cette adaptation elle-même, pour être légitime, ne doit jamais
être une « innovation », c’est-à-dire le produit d’une fantaisie individuelle
quelconque, mais que, comme celle des formes traditionnelles en général, elle
doit toujours procéder en définitive d’une origine « non-humaine », sans
laquelle il ne saurait y avoir réellement ni tradition ni initiation, mais
seulement quelqu’une de ces « parodies » que nous rencontrons si fréquemment
dans le monde moderne, qui ne viennent de rien et ne conduisent à rien, et qui
ainsi ne représentent véritablement, si l’on peut dire, que le néant pur et
simple, quand elles ne sont pas les instruments inconscients de quelque chose
de pire encore.
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