dimanche 25 juin 2017

R. Guénon : L'individualisme (extraits)


Extrait de : "La crise du monde moderne" Chapitre V : L’individualisme




C'est sur cette rupture avec la tradition que nous devons encore insister, puisque c'est d'elle qu'est né le monde moderne, dont tous les caractères propres pourraient être résumés en un seul, l'opposition à l'esprit traditionnel; et la négation de la tradition, c'est encore l'individualisme. Ceci, du reste, est en parfait accord avec ce qui précède, puisque, comme nous l'avons expliqué, c'est l'intuition intellectuelle et la doctrine métaphysique pure qui sont au principe de toute civilisation traditionnelle ; dès lors qu'on nie le principe, on en nie aussi toutes les conséquences, au moins implicitement, et ainsi tout l'ensemble de ce qui mérite vraiment le nom de tradition se trouve détruit par là même.



En effet, les «sciences traditionnelles» du moyen âge étaient réservées à une élite plus ou moins restreinte, et certaines d'entre elles étaient même l'apanage exclusif d'écoles très fermées, constituant un «ésotérisme» au sens le plus strict du mot ; mais, d'autre part, au second plan, et c'est le côté secondaire de la religion, nous voulons dire la morale, qui prit la première place : de là cette dégénérescence en « moralisme » qui est si sensible dans le Protestantisme actuel. Il s'est produit là un phénomène parallèle à celui que nous avons signalé à l'égard de la philosophie ; la dissolution doctrinale, la disparition des éléments intellectuels de la religion, entraînait cette conséquence inévitable : partant du «rationalisme», on devait tomber au «sentimentalisme», et c'est dans les pays anglo-saxons qu'on en pourrait trouver les exemples les plus frappants.

Ce dont il s'agit alors, ce n'est plus de religion, même amoindrie et déformée, c'est tout simplement de «religiosité», c'est-à-dire de vagues aspirations sentimentales qui ne se justifient par aucune connaissance réelle ; et à ce dernier stade correspondent des théories comme celle de l'«expérience religieuse» de William James, qui va jusqu'à voir dans le «subconscient» le moyen pour l'homme d'entrer en communication avec le divin. Ici, les derniers produits de la déchéance religieuse fusionnent avec ceux de la déchéance philosophique : l'«expérience religieuse» s'incorpore au «pragmatisme», au nom duquel on préconise l'idée d'un Dieu limité comme plus «avantageuse» que celle du Dieu infini, parce qu'on peut éprouver pour lui des sentiments comparables à ceux qu'on éprouve à l'égard d'un homme supérieur ; et, en même temps, par l'appel au «subconscient», on en arrive à rejoindre le spiritisme et toutes les «pseudo-religions» caractéristiques de notre époque, que nous avons étudiées dans d'autres ouvrages.

D'un autre côté, la morale protestante, éliminant de plus en plus toute base doctrinale, finit par dégénérer en ce qu'on appelle la «morale laïque», qui compte parmi ses partisans les représentants de toutes les variétés du «Protestantisme libéral», aussi bien que les adversaires déclarés de toute idée religieuse ; au fond, chez les uns et les autres, ce sont les mêmes tendances qui prédominent, et la seule différence est que tous ne vont pas aussi loin dans le développement logique de tout ce qui s'y trouve impliqué.

En effet, la religion étant proprement une forme de la tradition, l'esprit antitraditionnel ne peut être qu'antireligieux ; il commence par dénaturer la religion, et, quand il le peut, il finit par la supprimer entièrement.

Le Protestantisme est illogique en ce que, tout en s'efforçant d'«humaniser» la religion, il laisse encore subsister malgré tout, au moins en théorie, un élément supra-humain, qui est la révélation ; il n'ose pas pousser la négation jusqu'au bout, mais, en livrant cette révélation à toutes les discussions qui sont la conséquence d'interprétations purement humaines, il la réduit en fait à n'être bientôt plus rien ; et, quand on voit des gens qui, tout en persistant à se dire «chrétiens», n'admettent même plus la divinité du Christ, il est permis de penser que ceux-là, sans s'en douter peut-être, sont beaucoup plus près de la négation complète que du véritable Christianisme.

De semblables contradictions, d'ailleurs, ne doivent pas étonner outre mesure, car elles sont, dans tous les domaines, un des symptômes de notre époque de désordre et de confusion, de même que la division incessante du Protestantisme n'est qu'une des nombreuses manifestations de cette dispersion dans la multiplicité qui, comme nous l'avons dit, se retrouve partout dans la vie et la science moderne.
[…]

On pourrait faire ici une objection : n'aurait-il pas été possible que, tout en se séparant de l'organisation catholique, le Protestantisme, par là même qu'il admettait cependant les Livres sacrés, gardât la doctrine traditionnelle qui y est contenue ?

C'est l'introduction du «libre examen» qui s'oppose absolument à une telle hypothèse, puisqu'elle permet toutes les fantaisies individuelles ; la conservation de la doctrine suppose d'ailleurs un enseignement traditionnel organisé, par lequel se maintient l'interprétation orthodoxe, et, en fait, cet enseignement, dans le monde occidental, s'identifiait au Catholicisme. […]

Ce que nous venons de dire se rapporte proprement aux possibilités que le Catholicisme, par son principe, porte en lui-même d'une façon constante et inaltérable ; ici, par conséquent, l'influence de l'esprit moderne se borne forcément à empêcher, pendant une période plus ou moins longue, que certaines choses soient effectivement comprises.

Par contre, si l'on voulait, en parlant de l'état présent du Catholicisme, entendre par là la façon dont il est envisagé par la grande majorité de ses adhérents eux-mêmes, on serait bien obligé de constater une action plus positive de l'esprit moderne, si cette expression peut être employée pour quelque chose qui, en réalité, est essentiellement négatif.

Ce que nous avons en vue à cet égard, ce ne sont pas seulement des mouvements assez nettement définis, comme celui auquel on a donné précisément le nom de «modernisme», et qui ne fut rien d'autre qu'une tentative, heureusement déjouée, d'infiltration de l'esprit protestant à l'intérieur de l'Église catholique elle-même ; c'est surtout un état d'esprit beaucoup plus général, plus diffus et plus difficilement saisissable, donc plus dangereux encore, d'autant plus dangereux même qu'il est souvent tout à fait inconscient chez ceux qui en sont affectés : on peut se croire sincèrement religieux et ne l'être nullement au fond, on peut même se dire «traditionaliste» sans avoir la moindre notion du véritable esprit traditionnel, et c'est là encore un des symptômes du désordre mental de notre époque.

L'état d'esprit auquel nous faisons allusion est, tout d'abord, celui qui consiste, si l'on peut dire, à «minimiser» la religion, à en faire quelque chose que l'on met à part, à quoi on se contente d'assigner une place bien délimitée et aussi étroite que possible, quelque chose qui n'a aucune influence réelle sur le reste de l'existence, qui en est isolé par une sorte de cloison étanche ; est-il aujourd'hui beaucoup de catholiques qui aient, dans la vie courante, des façons de penser et d'agir sensiblement différentes de celles de leurs contemporains les plus «areligieux» ?

C'est aussi l'ignorance à peu près complète au point de vue doctrinal, l'indifférence même à l'égard de tout ce qui s'y rapporte ; la religion, pour beaucoup, est simplement une affaire de «pratique», d'habitude, pour ne pas dire de routine, et l'on s'abstient soigneusement de chercher à y comprendre quoi que ce soit, on en arrive même à penser qu'il est inutile de comprendre, ou peut-être qu'il n'y a rien à comprendre ; du reste, si l'on comprenait vraiment la religion, pourrait-on lui faire une place aussi médiocre parmi ses préoccupations ?

La doctrine se trouve donc, en fait, oubliée ou réduite à presque rien, ce qui se rapproche singulièrement de la conception protestante, parce que c'est un effet des mêmes tendances modernes, opposées à toute intellectualité ; et ce qui est le plus déplorable, c'est que l'enseignement qui est donné généralement, au lieu de réagir contre cet état d'esprit, le favorise au contraire en ne s'y adaptant que trop bien : on parle toujours de morale, on ne parle presque jamais de doctrine, sous prétexte qu'on ne serait pas compris ; la religion, maintenant, n'est plus que du «moralisme», ou du moins il semble que personne ne veuille plus voir ce qu'elle est réellement, et qui est tout autre chose.

Si l'on en arrive cependant à parler encore quelquefois de la doctrine, ce n'est trop souvent que pour la rabaisser en discutant avec des adversaires sur leur propre terrain «profane», ce qui conduit inévitablement à leur faire les concessions les plus injustifiées ; c'est ainsi, notamment, qu'on se croit obligé de tenir compte, dans une plus ou moins large mesure, des prétendus résultats de la «critique» moderne, alors que rien ne serait plus facile, en se plaçant à un autre point de vue, que d'en montrer toute l'inanité ; dans ces conditions, que peut-il rester effectivement du véritable esprit traditionnel ?

Cette digression, où nous avons été amené par l'examen des manifestations de l'individualisme dans le domaine religieux, ne nous semble pas inutile, car elle montre que le mal, à cet égard, est encore plus grave et plus étendu qu'on ne pourrait le croire à première vue ; et, d'autre part, elle ne nous éloigne guère de la question que nous envisagions, et à laquelle notre dernière remarque se rattache même directement, car c'est encore l'individualisme qui introduit partout l'esprit de discussion.

Il est très difficile de faire comprendre à nos contemporains qu'il y a des choses qui, par leur nature même, ne peuvent se discuter ; l'homme moderne, au lieu de chercher à s'élever à la vérité, prétend la faire descendre à son niveau ; et c'est sans doute pourquoi il en est tant qui, lorsqu'on leur parle de «sciences traditionnelles» ou même de métaphysique pure, s'imaginent qu'il ne s'agit que de «science profane» et de «philosophie». […]

Mais revenons encore un instant sur l'introduction des habitudes de discussion dans les domaines où elles n'ont que faire, et disons nettement ceci : l'attitude « apologétique » est, en elle-même, une attitude extrêmement faible, parce qu'elle est purement « défensive », au sens juridique de ce mot ; ce n'est pas pour rien qu'elle est désignée par un terme dérivé d'«apologie», qui a pour signification propre le plaidoyer d'un avocat, et qui, dans une langue telle que l'anglais, a été jusqu'à prendre couramment l'acception d'«excuse» ; l'importance prépondérante accordée à l'«apologétique» est donc la marque incontestable d'un recul de l'esprit religieux. Cette faiblesse s'accentue encore quand l'«apologétique» dégénère, comme nous le disions tout à l'heure, en discussions toutes «profanes» par la méthode et le point de vue, où la religion est mise sur le même plan que les théories philosophiques et scientifiques, ou pseudo scientifiques, les plus contingentes et les plus hypothétiques, et où, pour paraître «conciliant», on va jusqu'à admettre dans une certaine mesure des conceptions qui n'ont été inventées que pour ruiner toute religion ; ceux qui agissent ainsi fournissent eux-mêmes la preuve qu'ils sont parfaitement inconscients du véritable caractère de la doctrine dont ils se croient les représentants plus ou moins autorisés.

Ceux qui sont qualifiés pour parler au nom d'une doctrine traditionnelle n'ont pas à discuter avec les «profanes» ni à faire de la «polémique» ; ils n'ont qu'à exposer la doctrine telle qu'elle est, pour ceux qui peuvent la comprendre, et, en même temps, à dénoncer l'erreur partout où elle se trouve, à la faire apparaître comme telle en projetant sur elle la lumière de la vraie connaissance ; leur rôle n'est pas d'engager une lutte et d'y compromettre la doctrine, mais de porter le jugement qu'ils ont le droit de porter s'ils possèdent effectivement les principes qui doivent les inspirer infailliblement.

Le domaine de la lutte, c'est celui de l'action, c'est-à-dire le domaine individuel et temporel ; le «moteur immobile» produit et dirige le mouvement sans y être entraîné ; la connaissance éclaire l'action sans participer à ses vicissitudes ; le spirituel guide le temporel sans s'y mêler ; et ainsi chaque chose demeure dans son ordre, au rang qui lui appartient dans la hiérarchie universelle ; mais, dans le monde moderne, où peut-on trouver encore la notion d'une véritable hiérarchie ?

Rien ni personne n'est plus à la place où il devrait être normalement ; les hommes ne reconnaissent plus aucune autorité effective dans l'ordre spirituel, aucun pouvoir légitime dans l'ordre temporel ; les «profanes» se permettent de discuter des choses sacrées, d'en contester le caractère et jusqu'à l'existence même ; c'est l'inférieur qui juge le supérieur, l'ignorance qui impose des bornes à la sagesse, l'erreur qui prend le pas sur la vérité, l'humain qui se substitue au divin, la terre qui l'emporte sur le ciel, l'individu qui se fait la mesure de toutes choses et prétend dicter à l'univers des lois tirées tout entières de sa propre raison relative et faillible. «Malheur à vous, guides aveugles», est-il dit dans l'Évangile ; aujourd'hui, on ne voit en effet partout que des aveugles qui conduisent d'autres aveugles, et qui, s'ils ne sont arrêtés à temps, les mèneront fatalement à l'abîme où ils périront avec eux.



19 commentaires:

  1. Je vous remercie pour ce partage. La lecture de Guénon est toujours éclairante, à tout point de vue. Je me permets de formuler deux remarques sur ces écrits fondamentaux ; la première concerne la religion, et la seconde la disparition des ordres traditionnels. Le sens de ces remarques est simplement d’appuyer le propos de Guénon, en résonance avec ce que nous vivons aujourd’hui en Occident.

    « En effet, la religion étant proprement une forme de la tradition, l'esprit antitraditionnel ne peut être qu'antireligieux ; il commence par dénaturer la religion, et, quand il le peut, il finit par la supprimer entièrement. »

    Guénon avait d’ailleurs donné une définition plus précise de la religion dans un autre de ces ouvrages, dont je ne me rappelle plus du titre malheureusement, mais qui se rapprochait de « aspect exotérique de la forme traditionnelle » ; « l’écorce », dira-t-il par ailleurs, par complémentarité avec « le noyau ». L’analogie écorce-exotérique, et noyau-ésotérique, devrait se trouver dans « Symboles de la Science Sacrée » ou dans « la Grande Triade », deux autres ouvrages de cet auteur. À elle seule, cette définition de la religion, qui la situe au point de vue métaphysique seul, exclut tout sentimentalisme, et permet véritablement de comprendre sa déformation, et à terme, sa disparition, en tant que support sensible pour le cheminement vers le Centre.

    « Rien ni personne n'est plus à la place où il devrait être normalement ».

    Cela est parfaitement exact, et en accord avec les écrits sacrés de l’Inde, dont malheureusement la forme religieuse qui nous est présentée aujourd’hui (et qui a d’ailleurs dupé bon nombre d’Indiens occidentalisés) n’échappe pas à la déformation évoquée plus haut. Confirmant ce qu’écrit Guénon sur la place de chacun dans une société traditionnelle, et la décomposition de cette dernière, on pourra citer, par exemple, le Kalki Purana. « Dvitive tannama hinas ; tritiye varna sankarah ; ekavarnas caturthe ca ; vismirta cvuta satkrivah ». « Dans le second quart (du Kali-Yuga), les gens ne chanteront plus les louanges de Krisna ; dans le troisième quart, la population augmentera fortement ; et dans le quatrième quart, il n’y aura plus qu’une seule catégorie de personnes ; car la connaissance de la divinité aura été oubliée ». Ce qu’annonce le Kalki Purana est ici la disparition des ordres traditionnels, les « castes » au sens premier du terme. Il me semble d’ailleurs que Guénon parlera de cette disparition, et de l’homogénéisation de la population qui en résulte, lorsqu’il évoquera le « nivellement par le bas » et l’illusion de l’égalité, dans « La Crise du Monde Moderne » ou dans « Le Règne de la Quantité ». Le parallèle entre les ordres traditionnels en Europe et en Inde, ainsi que leur disparition, a été effectué par Dumézil, mais en partant d’un point de vue plus « sociologique », donc nécessairement plus « universitaire », ou plus « profane » pour reprendre un terme du passage que vous évoquez.

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    1. @Jack : Merci pour votre apport fort pertinent ! :-)

      J'ai trouvé ceci sur "l'écorce et le noyau" (2 parties) :
      http://esprit-universel.over-blog.com/article-rene-guenon-l-ecorce-et-le-noyau-el-qishr-wa-el-lobb-1-2-47969510.html

      http://esprit-universel.over-blog.com/article-rene-guenon-l-ecorce-et-le-noyau-el-qishr-wa-el-lobb-2-2-47969568.html

      Pour la seconde partie, j'ai découvert récemment en lisant Guénon, son explication de l'organisation traditionnelle de la société...
      Ce n'est pas simple de "passer outre" à tous les enseignements modernes qu'on nous a inculqués pour découvrir la Vérité. Une remise à zéro totale ! :-)

      Il semble que vous ayez raison aussi pour Dumézil...

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    2. Je vous remercie pour vos recherches et pour les liens.

      Effectivement, le traité sur l’écorce et le noyau, « El Qishr wa el-Lobb », a été initialement publié dans la revue « Le Voile d’Isis » de mars 1931. Il a ensuite été repris dans les « Aperçus sur l’Ésotérisme islamique et le Taoïsme », édité bien après. Il est ici extrêmement intéressant de voir Guénon sous-titrer ce traité par les termes arabes d'Ibn Arabi lui-même. Car le terme arabe « el-Lobb », le noyau, renvoie précisément au Centre ; Guénon le comparant à une « amande ». La note de bas de page n°2 (du texte que vous avez indiqué) signale le rapport avec l’ « Œuf du Monde ». A très juste raison d’ailleurs, car la forme ovale de l'Oeuf et de l’amande nous amène trivialement à la mandorle, et celle-ci à la Vierge.

      Je souhaiterais par ailleurs apporter quelques précisions sur la question précise du déterminisme, car vous abordez le sujet sur cette page. Il convient de remarquer, au préalable, que la manifestation ne « porte » pas, en elle-même, sa raison suffisante d’existence ; elle ne « porte » pas son principe en quelque sorte. Elle trouve sa raison d’exister dans la non-manifestation, car le non-manifesté comprend toutes les possibilités « latentes » de manifestation, c’est-à-dire tous les états possibles de ces mêmes manifestations : la manifestation est contingente en tant que telle, mais nécessaire dans son principe. Par conséquent la manifestation est à la fois contingente et nécessaire, selon le point de vue adopté. Vous avez donc parfaitement raison de préciser, et je vous cite : « selon le point de vue à partir duquel on se place ». Il s’agit véritablement d’une « certaine erreur d’optique » pour reprendre votre citation de Guénon. La transmission de son exposé métaphysique complet sur ces questions devrait se trouver dans son ouvrage « les états multiples de l’être ».

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    3. @Jack : Merci pour vos précisions :-)
      Avec un autre cheminement, j'étais retombée sur le texte "L'esprit est-il dans le corps ou le corps dans l'esprit ?" (voir plus bas dans les commentaires) qui aborde également ce dont vous parlez ! En tout cas, il me semble... :-)

      Je n'ai pas encore lu ce livre qui semble un peu ardu pour les néophytes comme moi...

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  2. Suite aux deux parties concernant "l'écorce et le noyau" (citées ci-dessus), peut-on dire que la circonférence représenterait la voie du Salut ? Et le centre de la roue, la Délivrance ?

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  3. Je reviens sur un dialogue concernant le déterminisme et le libre-arbitre chez Ror....

    Voilà ce que j'avais dit :
    "On pourrait aussi voir une preuve du déterminisme dans le rapport aux cycles et à notre état corporel individuel :
    un Kali Yuga terminera en effet tous les Manvantara (cycles cosmiques) quelque soit l’état de l’être (donc, déterminisme) ; mais à l’intérieur même de cet âge, les possibilités individuelles de réalisation sont multiples et dépendent par conséquent du libre-arbitre de chacun.

    Donc loin d'une opposition déterminisme/libre arbitre, je verrais plutôt une complémentarité selon le point de vue à partir duquel on se place."

    Je n'ai pas trouvé énormément de références chez Guénon d'autant qu'il en dit :

    "L’exposé des discussions concernant le déterminisme et le libre arbitre trahit une certaine erreur d’optique, si l’on peut dire, due à la mentalité moderne : loin de voir là une question fondamentale, les grands docteurs de l’Islam ont toujours regardé ces discussions comme parfaitement vaines."

    (http://esprit-universel.over-blog.com/article-rene-guenon-compte-rendu-du-livre-le-dogme-et-la-loi-de-l-islam-99614338.html)

    Donc je ne sais pas ce que vaut mon approche.... :-/

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  4. "l'Ordre des choses" émanant du Principe n'y est tellement pas respecté que, poussé à son paroxysme,il en est même inversé.

    Pour le protestantisme, il est à noter que parmi les premiers intellectuels et hommes d'influence qui ont fortement poussé à la création du foyer sioniste en Palestine, beaucoup étaient issus de mouvements évangélistes. Ce projet a été construit sur fond "contre-initiatique" et il n'y a qu'à constater le chaos qui en découle jusqu'à nos jours.

    Pour l'avant dernier paragraphe de cet article, Guenon explique assez bien dans son étude sur l'hindouisme, la signification des deux personnages qu'on trouve dans les écrits traditionnels du Bhagavad Gîta et plus particulièrement dans la grande épopée du "Mahabharata" et qui sont : Krihna (symbolisant le Soi, la personnalité,l'Âtma inconditionné et Arjuna symbolisant le moi, l'individualité (Jîvatma).Les deux se trouvent dans le même char qui symbolise le véhicule de l'être dans sa manifestation. tandis que Arjuna combat, Krishna lui conduit le char sans participer à la bataille...c'est le moteur immobile dont il est question.
    dans la même idée et plus loin, il fait référence à un texte tiré des Upanishad :
    "Deux oiseaux, compagnons inséparablement unis résident sur un même arbre ;
    l’un mange le fruit de l’arbre, l’autre regarde sans manger"

    HAL.


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    1. Salut Hal :-)
      Atma et Jivatma.... Tu m'en avais déjà parlé mais à l'époque je ne comprenais pas bien la différence. C'est plus clair maintenant... :-)

      Dans le moteur immobile, peut-être qu'on peut voir aussi une référence aux Kshatriyas (l'action, la lutte) par rapport aux Brahmanes ?

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  5. «Ce titre [l'écorce et le noyau], qui est celui d'un des nombreux traités de Mohyiddin Ibn Arabi, exprime sous une forme symbolique les rapports de l'exotérisme et de l'ésotérisme, comparés respectivement à l'enveloppe d'un fruit et à sa partie intérieure, pulpe ou amande. L'enveloppe ou l'écorce (el-qishr) c'est la shariyâh, c'est-à-dire la loi religieuse extérieure, qui s'adresse à tous et qui est faite pour être suivie par tous, comme l'indique d'ailleurs, le sens de «grande route» qui s'attache à la dérivation de son nom. Le noyau (el-lobb), c'est la haqîqah, c'est-à-dire la vérité ou la réalité essentielle, qui, au contraire de la shariyâh, n'est pas à la portée de tous, mais est réservée à ceux qui savent la découvrir sous les apparences et l'atteindre à travers les formes extérieures qui la recouvrent, la protégeant et la dissimulant tout à la fois. (...) »Le Voile d'Isis
    Cela correspond à ceux qui ont une nature active donc plutôt des kshatriyas et ceux qui sont contemplatifs donc plutôt des brahmanes.

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    1. Merci et j'ai ma réponse à ma question de 14:45 du coup ! :-)

      Donc Kshatriyas et Vaishyas dépendent de la circonférence/écorce, ils peuvent accéder au Salut ;
      les Brahmanes sont plutôt au centre/noyau, ils peuvent accéder à la Délivrance.

      Et les Shudras et les Intouchables ? A quoi peuvent-ils prétendre ?

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    2. Les kshatriyas et les vaishyas pouvaient être initiés et donc espérer mieux que le salut, les shudras et les hors castes peuvent espérer le salut.

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    3. Merci pour la précision... :-)

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    4. @Alfihar VH
      comment peut-on positionner le concept de la chevalerie spirituelle qu'on trouve et dans l'Islam et dans le christianisme par rapport à la caste des Kshatriyas ?
      pour rappel et comme exemple : L'Emir Abdelkader qui était à la fois un initié et un guerrier
      je pense aussi aux premiers ordres de templiers, à la fois initiés et guerriers

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  6. @Ligea
    Salut Ligea
    pour ta question sur l'écorce et le noyau, de mémoire : le centre de la roue étant un symbole (un point à la croisée de toutes les tendances), il peut représenter plusieurs choses du même ordre mais à des niveaux différents, le retour à l'état primordial par exemple.les rayons de la roues représentent les différentes voies empruntées pour y arriver. le moyeu de la roue étant un symbole axial, il représente la verticalité c'est à dire l’ascension aux sphères célestes.
    pour plus de précisions, il faut revoir les symboles de la science sacrée mais aussi le symbolisme de la croix.

    Pour le libre arbitre, il me semble que Ror lui même n'y croit pas. de mémoire il avait cité les écrits du Rabbin Judah Ben Samuel dont j'ai oublié la référence, l'idée c'est que l'homme est soumis à des influences et des tendances du haut et du bas au point où finalement c'est pas vraiment lui qui décide..

    pour ta remarque posté à 15h12 : une des fonctions du symbolisme est de traduire et imager des choses et des concepts très abstraits pour l'esprit humain.
    Oui on peut transposer comme ceci : dans l'ordre (normal)des choses, tout comme les Brahmans qui influencent les Kshatryas, le moteur immobile influence l'action, le Soi influence le moi..

    HAL.

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    1. @Hal : Oui voilà, les rayons soient les tariqas qui offrent l'initiation ! En effet, les symboles offrent une bonne "image" des concepts ; grâce à ce texte sur "l'écorce et le noyau" j'ai mieux "visualisées" et organisées les notions. :-)

      Pour Ror, il en avait dit :
      "Le libre arbitre constitue le fondement des religions et il implique les notions de récompense et de châtiment et en particulier celle du mérite individuel.
      Il s'agit là d'un point de vue strictement humain. D'une perspective métaphysique, la vision d'ensemble est tout autre..."

      Ce qui ne m'a pas beaucoup avancé ! lol


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    2. @Tous : Je recherche un texte de Guénon dans lequel il parlait d'un renversement au moment où on parvenait au Centre...
      Comme s'il disait que lorsqu'on parvenait au centre c'était paradoxalement le moment où on se trouvait sur la couche la plus extérieure du Principe... (mais je ne suis plus sure de ce que j'avais compris !)

      C'est vague je sais, mais si qqun voit de quoi je parle, j'aimerais relire ce texte... :-/

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  7. @Ligea

    Dans le chapitre VIII de l'ésotérisme selon Dante :

    "Le centre de la terre représente donc le point extrême de la manifestation dans
    l’état d’existence considéré ; c’est un véritable point d’arrêt, à partir duquel se produit un changement de direction, la prépondérance passant de l’une à l’autre des deux tendances
    adverses. C’est pourquoi, dès que le fond des Enfers est atteint, l’ascension ou le retour
    vers le principe commence, succédant immédiatement à la descente ; et le passage de l’un
    à l’autre hémisphère se fait en contournant le corps de Lucifer, d’une façon qui donne à
    penser que la considération de ce point central n’est pas sans avoir certain rapport avec les mystères maçonnique de la « Chambre du Milieu », où il s’agit également de mort et de
    résurrection. Partout et toujours, nous retrouvons pareillement l’expression symbolique
    des deux phases complémentaires qui, dans l’initiation ou dans le « Grand Œuvre »
    hermétique (ce qui n’est au fond qu’une seule et même chose), traduisent ces mêmes lois
    cycliques, universellement applicables, et sur lesquelles, pour nous, repose toute la
    construction du poème de Dante."

    il aborde aussi ce point d'une manière moins directe dans Aperçu sur l'Initiation.

    HAL.

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    1. Merci beaucoup Hal ! Tu m'as mise sur la bonne voie en parlant de Dante ! :-)

      C'est à ce passage que je faisais allusion :

      "Une des meilleures « illustrations » de l’application du sens inverse est donnée par la représentation des différents cieux, correspondant aux états supérieurs de l’être, par autant de cercles ou de sphères concentriques, telle qu’on la trouve par exemple chez Dante. Dans cette représentation, il semble tout d’abord que les cieux, s’ils sont plus vastes, c’est-à-dire moins limités, à mesure qu’ils sont plus élevés, sont aussi plus « extérieurs » en ce sens qu’ils sont plus éloignés du centre, celui-ci étant alors constitué par le monde terrestre ; c’est là le point de vue de l’individualité humaine, qui est précisément représentée par la terre, et ce point de vue est vrai d’une vérité relative, en tant que cette individualité est réelle dans son ordre et que c’est d’elle qu’il faut nécessairement partir pour s’élever aux états supérieurs. Mais, quand l’individualité est dépassée, le « renversement » dont nous avons parlé (et qui est réellement un « redressement » de l’être) s’opère, et tout l’ensemble de la représentation symbolique se trouve en quelque sorte retourné : c’est alors le ciel le plus élevé de tous qui est en même temps le plus central, puisque c’est en lui que réside le centre universel lui-même ; et, par contre, le monde terrestre est maintenant situé à la périphérie la plus extérieure. Il faut remarquer en outre que, dans ce « renversement » quant à la situation, le cercle qui correspond au ciel le plus élevé doit cependant rester le plus grand de tous et envelopper tous les autres (comme, suivant la tradition islamique, le « Trône » divin enveloppe tous les mondes) ; il faut bien qu’il en soit ainsi, puisque, dans la réalité absolue, c’est le centre qui contient tout."

      (René Guénon, Initiation et Réalisation spirituelle, Chap. XXX : L’esprit est-il dans le corps ou le corps dans l’esprit ?, article initialement paru dans la revue « Etudes Traditionnelles » juin 1939.)

      Je m’étais fait un rapprochement avec la Terre pour « visualiser » cette idée :

      Considérant notre sphère terrestre en quelque sorte comme le « centre » de notre état corporel actuel ; il correspond aussi aux choses les plus matérialistes qu'on tente de fuir en s'élevant vers les nuages (vers les états supérieurs) ; on pourrait même dire en se dégageant concrètement de la gravité terrestre.
      Mais alors qu'on s’élève et qu’on sort de ce point de vue, on se rend compte qu'on atteint pourtant, malgré cette «élévation», les bas niveaux (dans le sens « les plus extérieurs ») par rapport à l'Univers (le Centre suprême, le Principe).

      En changeant de référent, on change de sphères et alors qu'on s’éloignait du « centre de la terre » (matérialisme, pesanteur et individualité), on se rapproche désormais du "bon" centre, celui d'origine, seul véritable.

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  8. Salam, salut

    Je ne sais pas si j'ai bien compris mais ça me fait penser à la chaîne Des illusions. Dans une video, David dit qu'on doit retrouver notre place dans l'univers, on fait partie d'un tout et on ne pourra pas s'en sortir de manière individuelle (égoïste).
    On doit se reconnecter à l'univers et tout ce qui le compose.

    C'est ce que j'ai compris de sa vidéo et d'une lecture rapide du texte et de vos commentaires.

    Et ça me fait aussi penser au monde de la création, dans lequel nous vivons, avec nos corps, nos sens et nos repères auquel s'oppose l' au delà, qui n'est pas à notre portée en tant que créature.
    Nous sommes limités par notre "nature de créature. Ce qui empêcherait certains/es de croire.

    Désolée je vous mets mes réflexions à la chaîne, un peu en vrac.

    Amicalement
    Rim

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