Il nous arrive bien souvent, en constatant la confusion qui règne à notre époque dans tous les domaines, d’insister sur la nécessité, pour y échapper, de savoir avant tout mettre chaque chose à sa place, c’est-à-dire la situer exactement, par rapport aux autres, suivant sa nature et son importance propres. C’est là en effet ce que ne savent plus faire la plupart de nos contemporains, et cela parce qu’ils n’ont plus la notion d’aucune véritable hiérarchie ; cette notion, qui est en quelque sorte à la base de toute civilisation traditionnelle, est, pour cette raison même, une de celles qui se sont plus spécialement attachées à détruire les forces de subversion dont l’action a produit ce qu’on appelle l’esprit moderne. Aussi le désordre mental est-il partout aujourd’hui, même chez ceux qui s’affirment « traditionalistes » (et d’ailleurs nous avons déjà montré combien ce qu’implique ce mot est insuffisant pour réagir efficacement contre cet état de choses) ; le sens des proportions, en particulier, fait étrangement défaut, à tel point qu’on voit couramment, non seulement prendre pour l’essentiel ce qu’il y a de plus contingent ou même de plus insignifiant, mais encore mettre sur un pied d’égalité le normal et l’anormal, le légitime et l’illégitime, comme si l’un et l’autre étaient pour ainsi dire équivalents et avaient un même droit à l’existence.